The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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February 6, 2010

February 5, 2010 - L'Orient le jour - Cassese : Aucun État n’a encore signé un accord de coopération avec le TSL, mais la volonté y est

Par Jeanine JALKH

Rencontre Dans la salle de conférence d'un grand hôtel où les mesures de sécurité ont été renforcées pour l'occasion, le président du Tribunal spécial pour le Liban, Antonio Cassese, entouré de son adjoint, le juge Ralph Riachi, d'un expert légal du TSL et de sa porte-parole, a répondu aux questions de « L'Orient-Le Jour », explicitant les rouages du TSL et la complexité du règlement de procédure et de preuves adopté par cette instance inédite au niveau de ses compétences et de son fonctionnement.

Tout d'abord, une précision. S'il n'a pas voulu rencontrer le Premier ministre, Saad Hariri, et le ministre de la Défense, Élias Murr, lors de son passage au Liban, « par souci d'objectivité », c'est tout simplement que le juge ne peut rencontrer les victimes, ce qui n'est pas le cas du procureur qui « est une partie au procès et qui doit par conséquent agir de concert avec les victimes, parce qu'il agit dans l'intérêt de la protection de leurs droits et en vue d'identifier les coupables », a relevé M. Cassese.
Rappelant en bref les prérogatives du président du TSL, M. Cassese explique qu'il est l'un des 11 juges du TSL mais aussi un des quatre organes principaux, aux côtés du bureau du procureur, du greffe et du bureau de la défense.


Il a en outre un rôle judiciaire lorsqu'il préside la Chambre d'appel, mais aussi un rôle administratif car il fait partie de ce comité restreint « qui s'occupe de la bonne administration de la justice ». En troisième lieu, et c'est une de ses attributions majeures, il représente l'ensemble du tribunal vis-à-vis des États et des organisations internationales. C'est lui qui a contracté les accords avec la Croix-Rouge internationale et Interpol. C'est également lui qui a le pouvoir et la compétence de conclure des accords internationaux avec d'autres entités, notamment les États.

OLJ - Quels sont les États avec lesquels le TSL a négocié ou conclu un accord de coopération ?
M. Cassese - « Jusqu'à présent, aucun État n'a encore conclu un accord avec le TSL. Mais dès le début, j'ai préparé un projet d'accord international concernant la coopération juridique et judiciaire avec les États tiers, portant notamment sur l'extradition, l'entraide judiciaire. Cet accord prévoit par exemple la possibilité de recueillir des témoignages dans ces pays. Il s'agit d'un accord-cadre général et qui s'adresse à des États spécifiques. Sur les conseils d'un ambassadeur important d'un pays de la région qui avait recommandé que l'accord soit le même pour tous les pays de la région, j'ai pris en compte ses remarques et j'ai standardisé l'accord. Le projet d'accord a donc été envoyé à l'ensemble des États de la région ainsi qu'aux États qui abritent d'importantes communautés libanaises tels que le Brésil, le Venezuela, les États-Unis, le Canada, l'Australie, la France, etc. Donc nous sommes en train de vérifier avec ces États s'ils conviennent de cet accord où s'ils préfèrent conclure un accord plus simplifié. »
Cependant, a encore précisé M. Cassese, si aucun pays n'a encore signé cet accord-cadre, il n'en reste pas moins que le TSL a obtenu des assurances sur « la disponibilité totale de ces pays à s'inspirer de ces accords pour donner suite à une coopération de facto avec le tribunal ».
Interrogé sur le fameux article 134 relatif à l'outrage fait au tribunal ou à la diffamation visant l'un des juges, article qui a suscité une polémique au sein des ONG mais aussi parmi les journalistes, le président du TSL a répondu :
« Nous avons mis une règle sur la diffamation où nous avons dit de manière spécifique que la diffamation peut constituer un crime sauf dans le cas où l'expression d'opinion va dans le sens de la liberté d'expression. En d'autres termes, il y a un respect total pour la liberté d'expression. D'ailleurs, le code pénal libanais que j'ai consulté ne fait aucune mention de la liberté d'expression. Nous, nous avons tenu à proclamer cette liberté. Par exemple, un journaliste peut critiquer le tribunal mais ne pas accuser les juges de quelque chose qu'ils ne peuvent pas prouver. »

Et si le journaliste ne fait que rapporter des propos diffamatoires exprimés publiquement ou par une tierce partie ?
« Ce sera le tribunal qui tranchera et décidera qui est responsable, tout en sauvegardant la liberté d'expression, bien entendu. » « Je tiens d'ailleurs à faire la distinction entre les faits concrets qui peuvent être prouvés, la preuve devant incomber au journaliste qui rapporte ces faits. Autrement, on pourra diffamer n'importe qui. »
Prié d'expliciter l'article 19 du code de procédure prévoyant la nécessité, pour un État tiers, de se dessaisir du dossier sur demande du procureur, lorsqu'un attentat relevant de la compétence du Tribunal fait l'objet d'enquêtes ou d'une procédure pénale par les autorités nationales de ce pays, question motivée par les déclarations des officiels syriens qui ont affirmé, à plusieurs reprises, qu'ils jugeront eux-mêmes tout éventuel suspect dans l'affaire Hariri, il a répondu : « Cet article concerne les rapports avec les États tiers. Ces derniers peuvent exiger de s'occuper d'un crime tombant sous notre juridiction et mener leur propre procès. Notre Tribunal exerce une primauté par rapport aux tribunaux libanais seulement. Par rapport aux États tiers, nous n'avons pas de primauté. Si un tribunal dans un État tiers est prêt à s'occuper du même crime prévu à l'article premier de notre Statut et que nous considérons que ce tribunal sera impartial et fera un procès équitable en respectant les droits de l'accusé, nous pouvons alors établir un rapport de coopération avec lui, par exemple, passer des éléments de preuves à cet État tiers qui n'est pas obligé de se dessaisir du procès portant sur le même crime. »



Le règlement de procédure peut changer indéfiniment. N'y a-t-il pas de limites pour les changements à apporter et est-ce que cela ne se fait pas un peu aux dépens de la défense ?
« Tout d'abord je dois vous dire que dans le cas du Tribunal pénal international de l'ex-Yougoslavie, nous avions changé les règles de procédure 27 fois depuis le démarrage du tribunal, soit depuis 1993 jusqu'à ce jour. Mais il y a à cela deux garde-fous fondamentaux : le premier est le respect du Statut du tribunal qui est une sorte de Constitution ; donc nous ne pouvons changer le règlement en violation du Statut. La seconde règle est le respect des droits de l'accusé. On ne peut jamais, surtout en cours de procès, changer les règles de manière qui puisse affecter négativement les droits de l'accusé. »

Si l'enquête n'est pas encore achevée, pourquoi donc payer les membres des autres organes du Tribunal sachant notamment que l'enquête pourrait encore traîner des mois, voire même des années ?
« À la Cour pénale internationale on avait prévu 18 juges. Dès le départ, le président avait demandé que les 18 magistrats commencent à être payés pour leurs services. Le premier acte d'accusation est paru quatre ans plus tôt, le premier procès, six ans plus tard. Dans notre cas, nous avons décidé que sur les 11 juges, trois seulement prendront leurs fonctions et seront rénumérés. Moi, le juge de la mise en état et le vice-président, car nous devons nous occuper de la mise en place des infrastructures juridiques et pratiques du tribunal. En outre, lorsque le procureur nous avait annoncé qu'il devait intensifier ses enquêtes, en laissant entendre qu'il avait besoin d'effectuer des dépenses, nous avons en outre gelé les ressources financières des Chambres donc de nos juges pour répondre aux requêtes du procureur. »

Si le procureur parvient à rassembler les preuves dans l'un des attentats, autre que celui de Rafic Hariri, et après avoir établi la connexité avec le meurtre de l'ancien Premier ministre, peut-il entamer le procès portant sur cette affaire secondaire avant même d'avoir conclu son dossier sur l'assassinat de Rafic Hariri ?
« C'est le procureur qui doit décider si, à son sens, il y a effectivement connexité et s'il est opportun de commencer par le procès portant sur l'un des quatorze attentats connexes ou encore s'il est de l'intérêt de la justice de commencer par ce type de procès avant celui de l'ancien Premier ministre. C'est faisable. Il doit bien entendu passer par le juge de la mise en état qui doit juger de la connexité de cet attentat avec celui de Rafic Hariri. »

Ne faut-il pas mettre un terme aux démissions qui se sont succédé dernièrement au TSL ?
« Pas du tout. Si l'on prend pour exemple le Tribunal pénal international de l'ex-Yougoslavie, on peut citer le premier greffier qui a démissionné après 8 mois de fonction, le premier chef des enquêtes, après 12 mois, le premier procureur, après 2 mois, le deuxième après deux ans. Moi-même j'ai démissionné en 2000 car ma femme m'avait laissé le choix entre le retour en Florence ou le divorce », répond-il, en expliquant que les démissions sont monnaie courante dans ces tribunaux pénaux internationaux, à cause des déplacements lointains des personnes qui sont séparées de leurs familles. « Moi j'avais résisté pendant six ans et demi, d'autres préfèrent rentrer plus tôt chez eux. »

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