Par Philippe Abi-Akl
Éclairage
Un scoop du journal saoudien al-Hayat : on couperait les vivres, le money-money, au Tribunal spécial pour le Liban (TSL) pour le torpiller. Et pour prévenir toute déstabilisation du Liban, sous-entendu lors de la publication de l'acte d'accusation.
Des sources autorisées de la majorité accusent des parties arabes, et régionales, d'avoir fabriqué ce bobard, ou ballon d'essai. Ajoutant qu'à leur connaissance, aucune partie libanaise n'a participé à ce montage, à ce poisson d'avril qui n'a rien de drôle.
Le comité des contributeurs se réunit chaque année à New York à la saison d'automne. La cotisation du Liban est de 51 %. Il entend, évidemment, bien honorer ses engagements.
La nouvelle du Hayat indispose fortement Paris. Car le quotidien saoudien affirme qu'il la tient de sources françaises bien informées au sujet d'une visite de contacts effectuée à Beyrouth par deux cadres du Quai d'Orsay, spécialistes du dossier libanais. Lors de leurs entretiens avec des responsables locaux, on leur aurait fait comprendre que les milieux de la présidence de la République craignent les retombées locales des travaux du Tribunal chargé de juger l'affaire de l'assassinat du président Rafic Hariri et de ses compagnons. Par suite de quoi, on aurait glissé aux émissaires français que le meilleur moyen de protéger la stabilité du Liban serait que les pays donateurs cessent de payer leur écot pour le fonctionnement du TSL.
Des proches du régime se posent des questions suspicieuses sur le timing, sur le choix du média, sur la portée globale de l'opération de désinformation. Et ils se demandent aussi pourquoi ses commanditaires ont voulu impliquer les Français.
Des contacts ont été entrepris par les services de Baabda avec l'ambassadeur de France et avec divers diplomates à l'étranger. Il est apparu que l'affaire est montée de toutes pièces. La délégation française n'a pas rendu visite à Baabda, ni rencontré des proches du président. En fait, les émissaires avaient pour mission d'effectuer une tournée de promo auprès des pôles politiques libanais, au sujet de la proposition Sarkozy d'une nouvelle conférence de paix pour le Proche-Orient qui se tiendrait à Paris. Les personnalités libanaises qui ont rencontré les Français indiquent qu'il y a eu certes échange de propos sur diverses questions d'intérêt local, dont le TSL. Mais les hôtes, qui ont convenu avec leurs interlocuteurs que l'acte d'accusation pourrait causer des remous, n'ont pas du tout évoqué la question du financement du TSL, et personne ne leur en a parlé.
Selon un diplomate, l'idée de faire tarir les ressources du TSL court depuis un certain temps déjà. Cette possibilité, ajoute-t-il, a poussé le bureau du procureur Bellemare à mettre les bouchées doubles, à aller plus vite en besogne, ce qui s'est traduit par l'envoi de cohortes compactes d'enquêteurs, d'investigateurs, d'interrogateurs à Beyrouth. Où doivent être entendus, notamment, 11 éléments membres ou proches du Hezbollah.
Tactique et stratégie se rejoignent. Car à travers toutes ces bombes sonores au sujet du TSL, les parties qui redoutent cette instance veulent plonger les Libanais dans la peur de bombes réelles. Pour qu'ils aient à choisir entre la quête de justice et la paix civile. C'est-à-dire entre la vérité sur la mort d'autrui et leur propre vie. On veut donc que ce soient les Libanais eux-mêmes qui renient le TSL et en exigent la suppression.
Aux menaces, les loyalistes répondent que l'équation est faussée, inversée. Dans ce sens que pour eux, la justice et la paix véritable vont évidemment de pair, et ne peuvent être mises en opposition.
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