Pages

March 8, 2011

L'orient Le Jour - Mon mari me bat... - March 08, 2011

Par Anne-Marie El-HAGE | 08/03/2011

Le dilemme est grand. Faut-il parler et briser sa famille, ou se taire et supporter les violences conjugales ?  (DR)
Le dilemme est grand. Faut-il parler et briser sa famille, ou se taire et supporter les violences conjugales ?  (DR)
DROITS DE LA FEMME Rita témoigne pour la première fois. Nous avons changé son nom, conformément à son désir. Victime de violences conjugales, la jeune femme est tiraillée par des sentiments contradictoires. Elle n'en peut plus d'être régulièrement battue par son mari. Mais elle se sent coupable de briser sa famille. Déterminée à protéger son fils, elle veut agir, mais n'en a pas les moyens.

« Tu vas voir comment je vais te faire courir après ton fils. » C'est par ces mots menaçants que le mari de Rita la met en garde, lorsqu'elle parle de divorcer. Un divorce qu'il affirme pourtant désirer aussi. Le tibia de la jeune femme, douloureux et enflé, porte encore la trace des coups de pieds donnés par son époux, quelques jours auparavant. « Ce jour-là, durant une dispute, il a essayé de m'étrangler devant notre fils. Il a dit qu'il voulait me tuer », raconte-t-elle.
Des photos, prises à partir de son téléphone portable, montrent son visage tuméfié et ses membres meurtris par les coups. « Cet autre jour, il m'a boxée à l'œil. Il m'a prise de court, lors d'une discussion. On ne se disputait même pas. J'aurais pu perdre la vue. » D'autres photos montrent d'importantes ecchymoses, sur le visage et le corps de son fils, âgé de cinq ans. « Il bat aussi son fils, parfois avec la ceinture, déplore-t-elle. Il est jaloux de la relation qui existe entre nous. » Deux jours plus tard, les photos que Rita gardait comme preuve seront détruites par son époux. Pour se venger, il a carrément lancé son portable contre le mur.
Rita, qui n'a pas encore 28 ans, subit depuis six ans, et de manière répétée, la violence physique et morale de cet homme qui la rend responsable de tous ses maux. « Il a réussi à me culpabiliser, avoue-t-elle. Il dit que tout est de ma faute et que j'ai détruit sa vie. Peut-être a-t-il raison. » Pauvre et tout juste capable de lire, Rita se sent coupable d'avoir perdu la petite épicerie qu'elle tenait. « J'ai fait faillite, regrette-t-elle. Mon époux avait mis de l'argent dans mon commerce, mais je lui ai remboursé une bonne partie de son investissement. » C'est peut-être la raison pour laquelle elle excuse parfois sa violence. « Je me dis souvent que je devrais tout accepter. J'aurais tellement voulu une famille unie. J'ai peur de la briser », souligne-t-elle. « Il m'est arrivé de le supplier de revenir après une grosse dispute », se rappelle-t-elle.

Traînée enceinte dans l'escalier 
La jeune femme se remémore quelques épisodes difficiles de sa vie de couple. D'abord le chantage qu'il lui a fait, pour qu'elle accepte de l'épouser. « Il m'a menacée de se suicider si je ne l'épousais pas. Je me suis sentie tellement coupable, alors », se souvient-elle. Ensuite, la première fois où il a utilisé la violence physique contre elle, lors de sa grossesse. « Il m'a traînée de force dans l'escalier, après m'avoir jetée par terre, parce que j'étais trop fatiguée pour monter les étages à pied. » « Il est vrai que j'étais têtue, avoue-t-elle, mais n'est-il pas normal d'être têtu lorsqu'on est tellement
battu ? »
Rita a du mal à raconter la scène la plus douloureuse de son existence. Elle est rapidement gagnée par l'émotion, et les larmes. « Il avait l'intention de punir notre fils. Il l'a couché sur le lit pour le fouetter. Puis il s'est ravisé et lui a ordonné de me battre, s'il ne voulait pas être battu. Nos cris remplissaient le quartier. Mais la scène a rapidement tourné court, car je me suis jetée sur mon époux qui m'a frappée avec l'acier de la ceinture. Ma main a tellement enflé qu'il a paniqué. »
Rita ne peut s'empêcher de raconter aussi son immense chagrin lorsque son mari lui a avoué qu'il ne l'avait pas épousée par amour, « mais pour décourager un autre prétendant ». Elle prononce aussi les mots dégradants qu'il utilise pour l'appeler. Il me traite comme sa servante. Il m'appelle « la bonne », dit-elle.
Désespérée, Rita a tenté de se suicider à plusieurs reprises. Car elle n'a personne sur qui compter. Employée dans un établissement éducatif comme femme de ménage, elle assume une grande partie du budget familial, avec son maigre salaire de 500 000 LL par mois. « Je paie les dettes de mon mari, pour avoir la paix, avoue-t-elle. Il ne me reste souvent pas le sou pour acheter du pain et du fromage. »
Difficile pour elle, dans ces circonstances, de quitter le domicile conjugal, de trouver un logement abordable ou de trouver une solution à son problème. « Je voudrais tellement protéger mon fils », lance-t-elle. C'est dans cet objectif qu'elle est allée consulter un médecin légiste, en février dernier, après une violente dispute avec son mari. « Le médecin a fait un constat et pris des photos, dit-elle. Cela a coûté énormément cher, je n'en ai tout simplement pas les moyens. Mais je dois absolument prendre une décision. Je suis à bout. »

No comments:

Post a Comment