Par Jeanine JALKH | 06/07/2011
En écoutant le chef du bureau de la défense du TSL, on comprend vite que la partie n’est pas encore jouée. Au contraire, elle vient de commencer. « C’est le temps de la défense », affirme François Roux.
Alors que la phase précédente de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri a été principalement caractérisée par l’idée de la toute-puissance du procureur qui est censé mener le jeu jusqu’au jour de la déposition de son premier acte d’accusation, aujourd’hui, c’est au tour de la défense d’être sous les feux des projecteurs. À condition bien entendu que les inculpés prennent l’initiative de faire appel à des avocats pour leur défense.
C’est le message principal sur lequel insiste M. Roux qui relève l’importance, voire l’urgence pour les quatre inculpés, de désigner leurs avocats pour commencer à préparer leur défense.
C’est le message principal sur lequel insiste M. Roux qui relève l’importance, voire l’urgence pour les quatre inculpés, de désigner leurs avocats pour commencer à préparer leur défense.
« Il m’appartient de dire à ces personnes qu’un mandat d’arrêt émis par un Tribunal pénal international ce n’est pas rien », a indiqué M. Roux dans un entretien accordé à quelques médias, dont L’Orient-Le Jour.
S’adressant directement aux accusés désignés par l’acte d’accusation, il leur dit : « En face d’une telle situation, vos amis, votre famille, votre communauté, peut-être le parti auquel vous appartenez, peuvent resserrer les rangs autour de vous, vous offrir leur protection, mais la seule personne au monde qui peut réellement faire quelque chose pour vous face aux mandats d’arrêt c’est un avocat et personne d’autre. »
Et d’enchaîner : « Toutes les personnes qui vont tenter de vous protéger vont faire de vous des fugitifs. Seul un avocat peut avoir l’ambition un jour de refaire d’un accusé un homme libre », insiste cet avocat dont la réputation n’est plus à faire en matière de justice pénale, encore moins dans des affaires à caractère hautement politique.
Celui qui a à son crédit la défense de Douch au Cambodge, de José Bovet en France et des dossiers aussi épineux que l’affaire Moussaoui aux États-Unis laisse entendre qu’il ne se laissera pas facilement démonter par la difficulté de la tâche qui l’attend désormais au sein du TSL.
« Mon message va aux personnes qui font l’objet de mandats d’arrêt et auxquelles je dis : consultez au plus vite un avocat. » Comprendre également que si elles n’en ont pas, elles peuvent toujours s’adresser au bureau de la défense. « L’avocat vous dira dans la période actuelle quels sont vos droits et vous expliquera les différentes possibilités devant ce tribunal », précise le juriste.
Ma porte est ouverte...
Parmi les possibilités, celle de pouvoir demander, par l’intermédiaire d’un avocat, à participer au procès par
vidéoconférence, sachant que les avocats peuvent également représenter les accusés à La Haye sans leur présence. Ils peuvent également comparaître devant l’instance internationale sans attendre d’être arrêtés. Le dernier cas de figure est celui du procès par défaut, qui se fera en l’absence de l’accusé, une situation peu enviable pour le bureau de la défense dont la tâche sera rendue plus difficile.
Tout en reconnaissant que le défi est certainement grand au lendemain notamment du discours du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui avait refusé net l’idée de remettre les accusés à la justice, le chef du bureau de la défense n’en démord pas et invite une fois de plus les accusés à venir défendre leur dossier devant l’instance judiciaire internationale, affirmant que sa porte et son téléphone « sont toujours ouverts. S’ils veulent me contacter, ils sont les bienvenus », insiste-t-il.
L’avocat conteste d’ailleurs la procédure du mandat d’arrêt utilisée par le procureur, se déclarant plutôt favorable à une citation à comparaître, également prévue par les règles de procédure et de preuve. « C’était une possibilité qu’il aurait pu utiliser et qui est préférable pour le droit des accusés. Mais ce ne sera pas la seule fois où je ne serais pas en accord avec le procureur. Il a son agenda et j’ai le mien », relève le juriste.
Le cas Mehlis
Dans un clin d’œil aux allusions du secrétaire général qui, à plus d’une reprise, avait critiqué le fait que le procureur du TSL n’avait « jamais » tenté d’orienter son enquête dans d’autres directions que celle le menant vers des membres du Hezbollah, M. Roux affirme : « La défense pourra avoir besoin d’explorer d’autres pistes qui n’ont pas été explorées. » Et de préciser : « Il faut toujours insister sur le fait qu’il n’y a pas de juge d’instruction dans cette procédure. Donc pour l’instant l’enquête a été faite à charge. Il manque la partie à décharge et notamment la tâche d’aller vérifier des éléments que l’enquêteur n’a pas jugé utiles de vérifier. »
En réponse par ailleurs à une question sur les « failles » du TSL soulevées par le chef du parti chiite dans son dernier discours, notamment sur la période du mandat du chef de la commission d’enquête, Detlev Mehlis, le dossier des faux témoins, les fuites dans la presse – que M. Roux qualifie de « vices de procédure » –, voire sur la légalité même de la création du TSL, le chef du bureau de la défense révèle que son bureau a déjà constitué « des études juridiques » sur toutes ces questions.
Elles sont effectuées dans un esprit critique certes, mais aussi pour faire le point sur l’état actuel de la jurisprudence, explique-t-il. Plus de cent sujets – tels que la question du terrorisme, les formes de responsabilité, les procès par défaut, la protection des témoins, la sécurité nationale, etc. – qui ont déjà fait l’objet d’études par son bureau.
« Nous avons essayé d’anticiper le maximum de problèmes qui peuvent se présenter aux équipes de défense. Nous avons donc fait les études qui sont utilisables par la défense. »
Quant au mandat du premier enquêteur, Detlev Mehlis, qui a fait couler à ce jour beaucoup d’encre, il pourra également faire l’objet d’une enquête par les équipes de la défense, assure le juriste.
« Dans une procédure telle que celle que nous avons, c’est la défense qui peut mener elle-même son enquête. Nous avons quelques études sur la question. Faites-nous confiance », dit-il.
L’acte d’accusation dans 45 jours
« S’il s’agit de poursuivre M. Mehlis, ce n’est pas dans le mandat du TSL, clarifie le juriste. Mais si un avocat de la défense estime nécessaire d’enquêter lui-même pour savoir s’il y a eu des failles au cours de l’enquête et de s’en servir, il n’y manquera pas. »
Et d’ajouter : « Dans ce type de procès accusatoire tout est passé au crible. Donc il peut être de l’intérêt de la défense d’examiner minutieusement les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’enquête internationale. La défense aura effectivement des choses à dire et examinera notamment le dossier des faux témoins dès lors que cela peut rendre service aux accusés. Je me place dans le cadre des personnes accusées. Par conséquent, tous les arguments qui peuvent aider à leur défense seront, croyez-moi, utilisés », insiste M. Roux.
Une chose est sûre : le compte à rebours a commencé. D’ici à 45 jours, et non 30 comme véhiculé par les médias – « il s’agit de 30 jours ouvrables », précise le juriste, l’acte d’accusation sera divulgué, si entre-temps les inculpés ne se rendent pas. C’est à ce moment-là que le bureau de la défense prendra connaissance du dossier en même temps que le grand public et commencera à préparer son arsenal juridique à proprement parler.
À la question de savoir si la défense aura suffisamment de temps pour se préparer au procès, sachant que l’enquête menée par le procureur s’est prolongée sur cinq ans, M. Roux affirme : « Je peux vous confirmer que le bureau de la défense sera vigilant pour s’assurer que les équipes de défense qui seront désignées puissent avoir le temps et les moyens nécessaires pour assurer une défense à égalité d’armes avec le procureur. »
Mais encore, la durée de vie du tribunal sera-t-elle suffisante pour contrer un tel défi ?
« Le tribunal vivra le temps qu’il faudra pour permettre aux avocats de la défense de faire leur travail correctement. Tant que je serais chef de ce bureau et tant que mon équipe sera avec moi, je vous garantis que nous serons là pour préserver les droits des accusés », assure l’avocat, faisant toutefois remarquer que cela ne veut nécessairement pas dire que le temps sera extensible ad vitam aeternam.
M. Roux a d’ailleurs rappelé qu’il a fallu six mois au juge de la mise en état pour prendre connaissance du dossier, ce qui signifie que la défense aura au moins besoin du même délai, sans oublier que son travail est différent de celui du procureur qui doit apporter la preuve de la culpabilité. « Sur la défense pèse un autre fardeau, celui de combattre les arguments du procureur et d’apporter elle-même les éléments à décharge », dit-il.
Et de conclure dans une allusion à l’affaire DSK : « À la lumière de l’actualité récente nous pouvons tous faire le constat aujourd’hui que plus aucun procureur dans le monde, aussi puissant soit-il, ne pourra affirmer à cent pour cent que ses éléments sont sérieux. Nous avons vu que les procureurs les plus puissants peuvent être induits en erreur par de fausses déclarations. »
S’adressant directement aux accusés désignés par l’acte d’accusation, il leur dit : « En face d’une telle situation, vos amis, votre famille, votre communauté, peut-être le parti auquel vous appartenez, peuvent resserrer les rangs autour de vous, vous offrir leur protection, mais la seule personne au monde qui peut réellement faire quelque chose pour vous face aux mandats d’arrêt c’est un avocat et personne d’autre. »
Et d’enchaîner : « Toutes les personnes qui vont tenter de vous protéger vont faire de vous des fugitifs. Seul un avocat peut avoir l’ambition un jour de refaire d’un accusé un homme libre », insiste cet avocat dont la réputation n’est plus à faire en matière de justice pénale, encore moins dans des affaires à caractère hautement politique.
Celui qui a à son crédit la défense de Douch au Cambodge, de José Bovet en France et des dossiers aussi épineux que l’affaire Moussaoui aux États-Unis laisse entendre qu’il ne se laissera pas facilement démonter par la difficulté de la tâche qui l’attend désormais au sein du TSL.
« Mon message va aux personnes qui font l’objet de mandats d’arrêt et auxquelles je dis : consultez au plus vite un avocat. » Comprendre également que si elles n’en ont pas, elles peuvent toujours s’adresser au bureau de la défense. « L’avocat vous dira dans la période actuelle quels sont vos droits et vous expliquera les différentes possibilités devant ce tribunal », précise le juriste.
Ma porte est ouverte...
Parmi les possibilités, celle de pouvoir demander, par l’intermédiaire d’un avocat, à participer au procès par
vidéoconférence, sachant que les avocats peuvent également représenter les accusés à La Haye sans leur présence. Ils peuvent également comparaître devant l’instance internationale sans attendre d’être arrêtés. Le dernier cas de figure est celui du procès par défaut, qui se fera en l’absence de l’accusé, une situation peu enviable pour le bureau de la défense dont la tâche sera rendue plus difficile.
Tout en reconnaissant que le défi est certainement grand au lendemain notamment du discours du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui avait refusé net l’idée de remettre les accusés à la justice, le chef du bureau de la défense n’en démord pas et invite une fois de plus les accusés à venir défendre leur dossier devant l’instance judiciaire internationale, affirmant que sa porte et son téléphone « sont toujours ouverts. S’ils veulent me contacter, ils sont les bienvenus », insiste-t-il.
L’avocat conteste d’ailleurs la procédure du mandat d’arrêt utilisée par le procureur, se déclarant plutôt favorable à une citation à comparaître, également prévue par les règles de procédure et de preuve. « C’était une possibilité qu’il aurait pu utiliser et qui est préférable pour le droit des accusés. Mais ce ne sera pas la seule fois où je ne serais pas en accord avec le procureur. Il a son agenda et j’ai le mien », relève le juriste.
Le cas Mehlis
Dans un clin d’œil aux allusions du secrétaire général qui, à plus d’une reprise, avait critiqué le fait que le procureur du TSL n’avait « jamais » tenté d’orienter son enquête dans d’autres directions que celle le menant vers des membres du Hezbollah, M. Roux affirme : « La défense pourra avoir besoin d’explorer d’autres pistes qui n’ont pas été explorées. » Et de préciser : « Il faut toujours insister sur le fait qu’il n’y a pas de juge d’instruction dans cette procédure. Donc pour l’instant l’enquête a été faite à charge. Il manque la partie à décharge et notamment la tâche d’aller vérifier des éléments que l’enquêteur n’a pas jugé utiles de vérifier. »
En réponse par ailleurs à une question sur les « failles » du TSL soulevées par le chef du parti chiite dans son dernier discours, notamment sur la période du mandat du chef de la commission d’enquête, Detlev Mehlis, le dossier des faux témoins, les fuites dans la presse – que M. Roux qualifie de « vices de procédure » –, voire sur la légalité même de la création du TSL, le chef du bureau de la défense révèle que son bureau a déjà constitué « des études juridiques » sur toutes ces questions.
Elles sont effectuées dans un esprit critique certes, mais aussi pour faire le point sur l’état actuel de la jurisprudence, explique-t-il. Plus de cent sujets – tels que la question du terrorisme, les formes de responsabilité, les procès par défaut, la protection des témoins, la sécurité nationale, etc. – qui ont déjà fait l’objet d’études par son bureau.
« Nous avons essayé d’anticiper le maximum de problèmes qui peuvent se présenter aux équipes de défense. Nous avons donc fait les études qui sont utilisables par la défense. »
Quant au mandat du premier enquêteur, Detlev Mehlis, qui a fait couler à ce jour beaucoup d’encre, il pourra également faire l’objet d’une enquête par les équipes de la défense, assure le juriste.
« Dans une procédure telle que celle que nous avons, c’est la défense qui peut mener elle-même son enquête. Nous avons quelques études sur la question. Faites-nous confiance », dit-il.
L’acte d’accusation dans 45 jours
« S’il s’agit de poursuivre M. Mehlis, ce n’est pas dans le mandat du TSL, clarifie le juriste. Mais si un avocat de la défense estime nécessaire d’enquêter lui-même pour savoir s’il y a eu des failles au cours de l’enquête et de s’en servir, il n’y manquera pas. »
Et d’ajouter : « Dans ce type de procès accusatoire tout est passé au crible. Donc il peut être de l’intérêt de la défense d’examiner minutieusement les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’enquête internationale. La défense aura effectivement des choses à dire et examinera notamment le dossier des faux témoins dès lors que cela peut rendre service aux accusés. Je me place dans le cadre des personnes accusées. Par conséquent, tous les arguments qui peuvent aider à leur défense seront, croyez-moi, utilisés », insiste M. Roux.
Une chose est sûre : le compte à rebours a commencé. D’ici à 45 jours, et non 30 comme véhiculé par les médias – « il s’agit de 30 jours ouvrables », précise le juriste, l’acte d’accusation sera divulgué, si entre-temps les inculpés ne se rendent pas. C’est à ce moment-là que le bureau de la défense prendra connaissance du dossier en même temps que le grand public et commencera à préparer son arsenal juridique à proprement parler.
À la question de savoir si la défense aura suffisamment de temps pour se préparer au procès, sachant que l’enquête menée par le procureur s’est prolongée sur cinq ans, M. Roux affirme : « Je peux vous confirmer que le bureau de la défense sera vigilant pour s’assurer que les équipes de défense qui seront désignées puissent avoir le temps et les moyens nécessaires pour assurer une défense à égalité d’armes avec le procureur. »
Mais encore, la durée de vie du tribunal sera-t-elle suffisante pour contrer un tel défi ?
« Le tribunal vivra le temps qu’il faudra pour permettre aux avocats de la défense de faire leur travail correctement. Tant que je serais chef de ce bureau et tant que mon équipe sera avec moi, je vous garantis que nous serons là pour préserver les droits des accusés », assure l’avocat, faisant toutefois remarquer que cela ne veut nécessairement pas dire que le temps sera extensible ad vitam aeternam.
M. Roux a d’ailleurs rappelé qu’il a fallu six mois au juge de la mise en état pour prendre connaissance du dossier, ce qui signifie que la défense aura au moins besoin du même délai, sans oublier que son travail est différent de celui du procureur qui doit apporter la preuve de la culpabilité. « Sur la défense pèse un autre fardeau, celui de combattre les arguments du procureur et d’apporter elle-même les éléments à décharge », dit-il.
Et de conclure dans une allusion à l’affaire DSK : « À la lumière de l’actualité récente nous pouvons tous faire le constat aujourd’hui que plus aucun procureur dans le monde, aussi puissant soit-il, ne pourra affirmer à cent pour cent que ses éléments sont sérieux. Nous avons vu que les procureurs les plus puissants peuvent être induits en erreur par de fausses déclarations. »


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