Les employées de maison étrangères devraient bénéficier
de congés hebdomadaires et annuels, d’horaires de travail limités, d’un salaire
payé à la banque, d’une liberté de circulation, du droit de résilier leur
contrat...
Anne-Marie EL-HAGE
Le contrat de travail des employées de maison étrangères au Liban était au cœur hier d’une réunion de « discussion tripartite ». La rencontre a réuni, à l’hôtel Holiday Inn-Dune, à Verdun, l’Organisation internationale du travail (OIT), le ministère du Travail, la Sûreté générale, la CGTL, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (OHCHR), les bureaux de placement et la société civile.
Elle a été l’occasion pour l’OIT, sa directrice régionale, Nada al-Nashif, et son expert international, Martin Oelz, de soumettre aux différentes parties, avec le concours du conseiller légal, Me Nizar Saghyeh, une ébauche de contrat de travail unifié. Une sorte de contrat idéal entre l’employée de maison étrangère et son employeur libanais, qui respecte les normes internationales, dans l’attente d’une loi réglementant le travail domestique au Liban. Et ce dans l’objectif de protéger cette catégorie de travailleuses très vulnérables et de promouvoir les droits de la main-d’œuvre domestique migrante, conformément au programme d’action d’un projet financé par l’Union européenne. À plus long terme, ce contrat devrait revaloriser la profession d’employée de maison et la rendre attrayante à la main-d’œuvre locale.
Sensibiliser la population et les autorités
La discussion était donc animée hier. Principalement axée sur les articles du contrat de travail, elle a divisé l’assistance. D’une part, les sceptiques, qui ont fait part de leurs doutes et de leurs interrogations sur l’applicabilité du projet. D’autre part, les militants, défenseurs des droits des employées de maison, soutenus par l’OIT, qui ont insisté sur la nécessité de mettre en place un texte modèle, afin de hausser les standards appliqués au pays du Cèdre. Le Liban n’est pas signataire de la Convention 189 de l’OIT mise en place en 2011, intitulée « Travail décent pour les travailleurs domestiques », mais il est signataire de la Convention internationale contre le trafic humain. La discussion a donc mis en exergue la nécessité de sensibiliser la population, mais aussi les autorités, aux failles et aux dérives du travail domestique, tel qu’appliqué au Liban. Des dérives telles, qu’on pourrait leur attribuer les termes de travail forcé, d’esclavage ou de trafic humain.
Si de manière générale, les participants ont reconnu la nécessité de mettre en place un contrat pour pallier l’absence de législation, le directeur général du ministère du Travail p.i., Abdallah Razzouk, s’exprimant au nom du ministre Sélim Jreissati, n’a pas trouvé mieux que de s’attaquer à la presse, qui, selon lui, est à l’origine du problème, « car elle exagère les cas de maltraitance ». M. Razzouk n’a pas non plus épargné les pays exportateurs de main-d’œuvre étrangère domestique, dénonçant l’interdiction faite à leurs ressortissantes de venir travailler au Liban. « Une interdiction qui n’est pas justifiée et qui encourage le trafic humain », a-t-il assuré, devant une assistance médusée.
Vivre ou non au domicile de l’employeur
Place à l’ébauche de contrat de travail, avec ses 21 articles, « qui permet de combler une importante partie des failles dans la relation entre l’employée et son employeur », observe Me Saghyeh, présentant le projet. L’employée de maison bénéficie de droits, mais aussi de devoirs. Son temps de travail est limité à huit heures par jour, sauf exception. Elle jouit d’un congé hebdomadaire de 24 heures et d’un congé annuel, « qu’elle peut passer là où elle le souhaite ». Libre de circuler et de conserver ses papiers personnels, « elle devrait pouvoir, si elle le souhaite, vivre au domicile de son employeur ou avoir son propre logement ». L’avocat ne manque pas d’évoquer le salaire, qui devrait selon sa proposition « représenter au moins 80 % du salaire minimum, si l’employée réside au domicile de son employeur ». Quant au paiement du salaire, « il devrait se faire par le biais de la banque », afin d’empêcher les mauvais payeurs, nombreux semble-t-il.
Nizar Saghyeh voudrait idéalement que la relation entre les deux parties « ne soit pas liée à la caution payée par l’employeur au bureau de placement », afin d’éviter les abus envers l’employée de maison, « comme la confiscation de son passeport pour l’empêcher de quitter le domicile de son employeur ». « Séparer entre le travail et la vie privée de l’employée de maison est aussi important », note-t-il.
De part et d’autre de l’assistance, des propositions fusent, des remarques aussi, concernant tel ou tel article. On évoque les résiliations de contrat de part et d’autre, les assurances, les suicides, les discriminations. Le président du syndicat des bureaux de placement, Hicham el-Bourji, s’inquiète pour les intérêts de la profession. « Nous ne pouvons pas assumer les coûts d’un contrat qui n’aboutit pas », lance-t-il. Et d’ajouter à mi-mot : « Nous connaissons bien certaines raisons invoquées par les employeurs libanais. »
Le débat est lancé. Interrompu pour des impératifs horaires, il devrait bientôt reprendre jusqu’à la finalisation du projet. Une chose est certaine : soucieuse des droits des travailleuses, l’OIT place la barre très haut. Même si elle avoue tolérer une certaine flexibilité dans l’application.
Le contrat de travail des employées de maison étrangères au Liban était au cœur hier d’une réunion de « discussion tripartite ». La rencontre a réuni, à l’hôtel Holiday Inn-Dune, à Verdun, l’Organisation internationale du travail (OIT), le ministère du Travail, la Sûreté générale, la CGTL, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (OHCHR), les bureaux de placement et la société civile.
Elle a été l’occasion pour l’OIT, sa directrice régionale, Nada al-Nashif, et son expert international, Martin Oelz, de soumettre aux différentes parties, avec le concours du conseiller légal, Me Nizar Saghyeh, une ébauche de contrat de travail unifié. Une sorte de contrat idéal entre l’employée de maison étrangère et son employeur libanais, qui respecte les normes internationales, dans l’attente d’une loi réglementant le travail domestique au Liban. Et ce dans l’objectif de protéger cette catégorie de travailleuses très vulnérables et de promouvoir les droits de la main-d’œuvre domestique migrante, conformément au programme d’action d’un projet financé par l’Union européenne. À plus long terme, ce contrat devrait revaloriser la profession d’employée de maison et la rendre attrayante à la main-d’œuvre locale.
Sensibiliser la population et les autorités
La discussion était donc animée hier. Principalement axée sur les articles du contrat de travail, elle a divisé l’assistance. D’une part, les sceptiques, qui ont fait part de leurs doutes et de leurs interrogations sur l’applicabilité du projet. D’autre part, les militants, défenseurs des droits des employées de maison, soutenus par l’OIT, qui ont insisté sur la nécessité de mettre en place un texte modèle, afin de hausser les standards appliqués au pays du Cèdre. Le Liban n’est pas signataire de la Convention 189 de l’OIT mise en place en 2011, intitulée « Travail décent pour les travailleurs domestiques », mais il est signataire de la Convention internationale contre le trafic humain. La discussion a donc mis en exergue la nécessité de sensibiliser la population, mais aussi les autorités, aux failles et aux dérives du travail domestique, tel qu’appliqué au Liban. Des dérives telles, qu’on pourrait leur attribuer les termes de travail forcé, d’esclavage ou de trafic humain.
Si de manière générale, les participants ont reconnu la nécessité de mettre en place un contrat pour pallier l’absence de législation, le directeur général du ministère du Travail p.i., Abdallah Razzouk, s’exprimant au nom du ministre Sélim Jreissati, n’a pas trouvé mieux que de s’attaquer à la presse, qui, selon lui, est à l’origine du problème, « car elle exagère les cas de maltraitance ». M. Razzouk n’a pas non plus épargné les pays exportateurs de main-d’œuvre étrangère domestique, dénonçant l’interdiction faite à leurs ressortissantes de venir travailler au Liban. « Une interdiction qui n’est pas justifiée et qui encourage le trafic humain », a-t-il assuré, devant une assistance médusée.
Vivre ou non au domicile de l’employeur
Place à l’ébauche de contrat de travail, avec ses 21 articles, « qui permet de combler une importante partie des failles dans la relation entre l’employée et son employeur », observe Me Saghyeh, présentant le projet. L’employée de maison bénéficie de droits, mais aussi de devoirs. Son temps de travail est limité à huit heures par jour, sauf exception. Elle jouit d’un congé hebdomadaire de 24 heures et d’un congé annuel, « qu’elle peut passer là où elle le souhaite ». Libre de circuler et de conserver ses papiers personnels, « elle devrait pouvoir, si elle le souhaite, vivre au domicile de son employeur ou avoir son propre logement ». L’avocat ne manque pas d’évoquer le salaire, qui devrait selon sa proposition « représenter au moins 80 % du salaire minimum, si l’employée réside au domicile de son employeur ». Quant au paiement du salaire, « il devrait se faire par le biais de la banque », afin d’empêcher les mauvais payeurs, nombreux semble-t-il.
Nizar Saghyeh voudrait idéalement que la relation entre les deux parties « ne soit pas liée à la caution payée par l’employeur au bureau de placement », afin d’éviter les abus envers l’employée de maison, « comme la confiscation de son passeport pour l’empêcher de quitter le domicile de son employeur ». « Séparer entre le travail et la vie privée de l’employée de maison est aussi important », note-t-il.
De part et d’autre de l’assistance, des propositions fusent, des remarques aussi, concernant tel ou tel article. On évoque les résiliations de contrat de part et d’autre, les assurances, les suicides, les discriminations. Le président du syndicat des bureaux de placement, Hicham el-Bourji, s’inquiète pour les intérêts de la profession. « Nous ne pouvons pas assumer les coûts d’un contrat qui n’aboutit pas », lance-t-il. Et d’ajouter à mi-mot : « Nous connaissons bien certaines raisons invoquées par les employeurs libanais. »
Le débat est lancé. Interrompu pour des impératifs horaires, il devrait bientôt reprendre jusqu’à la finalisation du projet. Une chose est certaine : soucieuse des droits des travailleuses, l’OIT place la barre très haut. Même si elle avoue tolérer une certaine flexibilité dans l’application.
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