Depuis le début de l'année 1998, jamais ce drame humain n'aura connu telle évolution en si peu de temps.
Chronologie:
Du 26 Janvier au 1er Février 1998, "semaine d'actions et de soutien des détenus libanais dans les prisons syriennes": cinq familles de détenus libanais en Syrie, représentant le comité de ces familles, osent sortir du Liban et exposer leur dramatique situation aux autorités françaises et européennes. Elles reçoivent le soutien de SOLID (Support of Lebanese in Detention), d’Amnesty International - Section française, de l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), de la FIDH (Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme), de la Ligue française des Droits de l’Homme, de Human Rights Watch et de SOLIDA (Soutien aux Libanais Détenus Arbitrairement).
Le 19 Février 1998, plusieurs grandes organisations internationales de défense des Droits de l'Homme co-signent une "Déclaration à propos de la situation des détenus libanais en Syrie et du drame de leurs familles". Les autorités syriennes sont appelées "à donner la liste et le lieu de détention de tous les citoyens libanais détenus en Syrie, à se conformer aux règles internationales (…) (Prévention des disparitions forcées) , à respecter les droits de toute personne à connaître les raisons de son arrestation et à être jugée par un tribunal compétent, à autoriser les visites des avocats et des familles sans délai". Les autorités libanaises sont quant à elles appelées à protéger les droits de leurs citoyens, à enquêter sur les enlèvements et les disparitions, et à demander le rapatriement au Liban de leurs citoyens. Les signataires de cette déclaration sont: l'ACAT, Amnesty International, Enfants Réfugiés du Monde, FIDH, Justice et Paix, la Ligue française des Droits de l'Homme, et l'Observatoire International des Prisons.
Le 4 Mars 1998, l'ANI (Agence Nationale d'Information) au Liban, déclare officiellement que 130 libanais allaient être libérés dans les 48 heures suivantes. Le gouvernement syrien annonce également que suite à ces 130 libérations prévues, 25 libanais accusés de collaboration avec Israël seraient toutefois maintenus en détention en territoire syrien. Faut-il entendre que seule la justice syrienne est en mesure de juger les libanais accusés d'espionnage pour Israël? Dans ce cas, pourquoi des dizaines de personnes sont-elles jugées chaque année par les tribunaux libanais pour ce même crime?
Le 5 Mars 1998, 101 détenus libanais sont acheminés par l'armée syrienne de leurs prisons vers le centre de détention syrien de Anjar au Liban (Bekaa). Là, ils sont pris en charge par la justice libanaise. Transférés à Beyrouth, ils sont déférés devant un juge d'instruction avant d'être libérés. Certains, recherchés par la justice libanaise sont maintenus en détention au Liban pour y être jugés (ex: Le lieutenant-colonel libanais Kaytel HAYEK, dont la mère avait exposé la situation au cours de la semaine d'actions, organisée à Paris).
Le lendemain, 6 Mars 1998, 20 détenus libanais sortent à leur tour des geôles syriennes et suivent le même parcours avant d'être relâchés. Au total, 121 personnes au lieu des 130 annoncées sont retournées au Liban, 15 vont y être jugées, les autres sont libres. Beaucoup étaient détenues illégalement en Syrie depuis très longtemps, certaines depuis 1978. Ni la liste des 25 détenus reconnus par les autorités syriennes, ni les noms des 9 autres personnes qui n'ont pas été relâchées n'ont été diffusés par les autorités syriennes.
A la suite de ces deux jours de libérations, au cours desquels bien peu de familles libanaises ont trouvé réponse au sort de leurs disparus, de plus en plus de proches de détenus libanais en Syrie se concertent pour alerter l'opinion publique sur leur situation, et ce malgré les menaces qui pèsent sur eux. Une première liste de 56 personnes toujours détenues en Syrie est immédiatement établie par les familles et publiée.
Le 12 Mars 1998, le Parlement Européen adopte une "Résolution sur les prisonniers libanais en Syrie", qui réclame notamment "au gouvernement syrien qu'il fournisse une liste complète des détenus libanais en Syrie, qu'il libère les détenus contre lesquels aucune charge n'est retenue, et qu'il transfère les autres détenus libanais au Liban" et "demande au Conseil et aux gouvernements des Etats membres de prendre en considération ces éléments lors des négociations de l'accord d'association euro-méditerranéen avec le gouvernement syrien".
Le 2 Avril 1998, conférence de presse à Beyrouth, à l'appel du "Comité des familles de détenus libanais en Syrie", de SOLID (Support of Lebanese in Detention), du MIRSAD (Multi-Initiative on Rights: Search, Assist, Defend), de Nouveaux Droits de l'Homme International, et de la Fondation des Droits de l'Homme et du Droit Humanitaire… De nombreuses mères de détenus viennent pour la première fois témoigner de ce qu'elles et leurs enfants endurent dans le silence depuis des années. La mère de Georges Ayoub SHALAWEET, détenu en Syrie, a par exemple expliqué: "La dernière fois que j'ai vu mon fils, il était devenu un homme maigre avec une longue barbe, qui ne pesait plus que 35 Kg. Il est paralysé et ne survivra pas à de si terribles conditions de détention." Au cours de l'une de ses visites à Mazzé, a-t-elle déclaré, un soldat a volontairement fait tomber son fils à terre. " Malgré mes supplications et mes larmes, j'ai dû regarder ce soldat lancer mon fils sur le sol en ricanant. De quel droit de l'Homme s'agit-il dans ce cas?" a-t-elle demandé. (The Daily Star, 3 Avril 1998). A l'issue de la conférence, une liste de 225 noms de libanais toujours détenus en Syrie est publiée.
Depuis, de plus en plus de familles osent sortir du silence et témoigner. Une liste détaillée de près de 250 noms de détenus libanais en Syrie est d'ores et déjà disponible et chaque jour des familles de détenus y ajoutent des informations et de nouveaux noms de détenus.
Conclusion:
A la lumière des informations qui nous parviennent, l'ampleur prise par cette question humanitaire irrésolue nous apparaît chaque jour plus catastrophique que nous n'osions l'imaginer.
Les semaines et les mois qui viennent seront riches en échanges entre la France, le Liban et la Syrie, notamment avec la toute prochaine visite du Président Chirac au Liban puis la visite cet été du Président Assad en France.
Nous espérons qu'ils seront aussi l'occasion pour les dirigeants des trois pays d'œuvrer en priorité à résoudre humainement le problème qui préoccupe une grande partie de la population libanaise, et un nombre croissant de défenseurs des Droits de l'Homme dans le monde entier.
Paris, le 2 Mai 1998.
Chronologie:
Du 26 Janvier au 1er Février 1998, "semaine d'actions et de soutien des détenus libanais dans les prisons syriennes": cinq familles de détenus libanais en Syrie, représentant le comité de ces familles, osent sortir du Liban et exposer leur dramatique situation aux autorités françaises et européennes. Elles reçoivent le soutien de SOLID (Support of Lebanese in Detention), d’Amnesty International - Section française, de l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), de la FIDH (Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme), de la Ligue française des Droits de l’Homme, de Human Rights Watch et de SOLIDA (Soutien aux Libanais Détenus Arbitrairement).
Le 19 Février 1998, plusieurs grandes organisations internationales de défense des Droits de l'Homme co-signent une "Déclaration à propos de la situation des détenus libanais en Syrie et du drame de leurs familles". Les autorités syriennes sont appelées "à donner la liste et le lieu de détention de tous les citoyens libanais détenus en Syrie, à se conformer aux règles internationales (…) (Prévention des disparitions forcées) , à respecter les droits de toute personne à connaître les raisons de son arrestation et à être jugée par un tribunal compétent, à autoriser les visites des avocats et des familles sans délai". Les autorités libanaises sont quant à elles appelées à protéger les droits de leurs citoyens, à enquêter sur les enlèvements et les disparitions, et à demander le rapatriement au Liban de leurs citoyens. Les signataires de cette déclaration sont: l'ACAT, Amnesty International, Enfants Réfugiés du Monde, FIDH, Justice et Paix, la Ligue française des Droits de l'Homme, et l'Observatoire International des Prisons.
Le 4 Mars 1998, l'ANI (Agence Nationale d'Information) au Liban, déclare officiellement que 130 libanais allaient être libérés dans les 48 heures suivantes. Le gouvernement syrien annonce également que suite à ces 130 libérations prévues, 25 libanais accusés de collaboration avec Israël seraient toutefois maintenus en détention en territoire syrien. Faut-il entendre que seule la justice syrienne est en mesure de juger les libanais accusés d'espionnage pour Israël? Dans ce cas, pourquoi des dizaines de personnes sont-elles jugées chaque année par les tribunaux libanais pour ce même crime?
Le 5 Mars 1998, 101 détenus libanais sont acheminés par l'armée syrienne de leurs prisons vers le centre de détention syrien de Anjar au Liban (Bekaa). Là, ils sont pris en charge par la justice libanaise. Transférés à Beyrouth, ils sont déférés devant un juge d'instruction avant d'être libérés. Certains, recherchés par la justice libanaise sont maintenus en détention au Liban pour y être jugés (ex: Le lieutenant-colonel libanais Kaytel HAYEK, dont la mère avait exposé la situation au cours de la semaine d'actions, organisée à Paris).
Le lendemain, 6 Mars 1998, 20 détenus libanais sortent à leur tour des geôles syriennes et suivent le même parcours avant d'être relâchés. Au total, 121 personnes au lieu des 130 annoncées sont retournées au Liban, 15 vont y être jugées, les autres sont libres. Beaucoup étaient détenues illégalement en Syrie depuis très longtemps, certaines depuis 1978. Ni la liste des 25 détenus reconnus par les autorités syriennes, ni les noms des 9 autres personnes qui n'ont pas été relâchées n'ont été diffusés par les autorités syriennes.
A la suite de ces deux jours de libérations, au cours desquels bien peu de familles libanaises ont trouvé réponse au sort de leurs disparus, de plus en plus de proches de détenus libanais en Syrie se concertent pour alerter l'opinion publique sur leur situation, et ce malgré les menaces qui pèsent sur eux. Une première liste de 56 personnes toujours détenues en Syrie est immédiatement établie par les familles et publiée.
Le 12 Mars 1998, le Parlement Européen adopte une "Résolution sur les prisonniers libanais en Syrie", qui réclame notamment "au gouvernement syrien qu'il fournisse une liste complète des détenus libanais en Syrie, qu'il libère les détenus contre lesquels aucune charge n'est retenue, et qu'il transfère les autres détenus libanais au Liban" et "demande au Conseil et aux gouvernements des Etats membres de prendre en considération ces éléments lors des négociations de l'accord d'association euro-méditerranéen avec le gouvernement syrien".
Le 2 Avril 1998, conférence de presse à Beyrouth, à l'appel du "Comité des familles de détenus libanais en Syrie", de SOLID (Support of Lebanese in Detention), du MIRSAD (Multi-Initiative on Rights: Search, Assist, Defend), de Nouveaux Droits de l'Homme International, et de la Fondation des Droits de l'Homme et du Droit Humanitaire… De nombreuses mères de détenus viennent pour la première fois témoigner de ce qu'elles et leurs enfants endurent dans le silence depuis des années. La mère de Georges Ayoub SHALAWEET, détenu en Syrie, a par exemple expliqué: "La dernière fois que j'ai vu mon fils, il était devenu un homme maigre avec une longue barbe, qui ne pesait plus que 35 Kg. Il est paralysé et ne survivra pas à de si terribles conditions de détention." Au cours de l'une de ses visites à Mazzé, a-t-elle déclaré, un soldat a volontairement fait tomber son fils à terre. " Malgré mes supplications et mes larmes, j'ai dû regarder ce soldat lancer mon fils sur le sol en ricanant. De quel droit de l'Homme s'agit-il dans ce cas?" a-t-elle demandé. (The Daily Star, 3 Avril 1998). A l'issue de la conférence, une liste de 225 noms de libanais toujours détenus en Syrie est publiée.
Depuis, de plus en plus de familles osent sortir du silence et témoigner. Une liste détaillée de près de 250 noms de détenus libanais en Syrie est d'ores et déjà disponible et chaque jour des familles de détenus y ajoutent des informations et de nouveaux noms de détenus.
Conclusion:
A la lumière des informations qui nous parviennent, l'ampleur prise par cette question humanitaire irrésolue nous apparaît chaque jour plus catastrophique que nous n'osions l'imaginer.
Les semaines et les mois qui viennent seront riches en échanges entre la France, le Liban et la Syrie, notamment avec la toute prochaine visite du Président Chirac au Liban puis la visite cet été du Président Assad en France.
Nous espérons qu'ils seront aussi l'occasion pour les dirigeants des trois pays d'œuvrer en priorité à résoudre humainement le problème qui préoccupe une grande partie de la population libanaise, et un nombre croissant de défenseurs des Droits de l'Homme dans le monde entier.
Paris, le 2 Mai 1998.
No comments:
Post a Comment