Anne-Marie El-Hage
La communauté homosexuelle du Liban (LGBTIQ) avait prévu une semaine de festivités pour célébrer la Journée internationale contre l'homophobie, le 17 mai courant. Avec en guise de lancement, hier, un séminaire organisé par l'association Proud Lebanon à l'hôtel Monroe. Un séminaire qui devait voir, entre autres, la publication d'un rapport sur la torture et les abus à l'égard de la communauté homosexuelle du Liban, accompagnée de la diffusion d'un documentaire et d'une pièce de théâtre. Mais l'obscurantisme en a voulu autrement.
Victime d'une campagne orchestrée de pressions, d'intimidations, voire de menaces proférées par un nombre d'instances musulmanes du pays, et pas seulement extrémistes, l'association s'est vu signifier par le service de sécurité de l'hôtel qu'elle était persona non grata. « Mises à part les menaces répétées que nous avons reçues par téléphone et sur les réseaux sociaux, aucune instance officielle ne nous a contactés pour nous faire part d'une quelconque interdiction de l'événement. Nous avons été mis devant le fait accompli et contraints d'annuler la célébration, par crainte d'atteinte à la sécurité des participants », confie à L'Orient-Le Jour Bertho Makso, cofondateur de Proud Lebanon, lors d'une conférence de presse au siège du Centre libanais pour les droits de l'homme (CLDH), à Dora. « Les autorités ont failli à leur devoir de nous protéger. Elles ont cédé aux intimidations », ajoute-t-il, déplorant une « violation des libertés individuelles et humaines ».
Menaces et intimidations
Dans les détails, alors que l'association menait ses préparatifs tambour battant, s'apprêtant à recevoir plusieurs centaines de membres de la communauté LGBTIQ, comme elle l'a déjà fait à deux reprises sans le moindre incident, la Ligue des ulémas des musulmans au Liban (Hay'at oulama' al-mouslimin fi loubnan), une instance sunnite dissidente de Dar el-Fatwa, dirigée par le cheikh Abou Bakr el-Zahabi et composée en grande partie de sunnites salafistes, a publié une série de posts sur Facebook. Des posts qui non seulement dénoncent l'événement et réclament son interdiction par les autorités, mais se lancent dans une diatribe enflammée contre l'homosexualité, qu'ils qualifient d'« obscène » et de « déviance sexuelle ».
« Les réseaux sociaux nous ont informés de l'organisation d'un festival pour les déviants sexuels, sous le titre de Journée mondiale contre l'homophobie, où l'opinion publique serait encouragée à la déviance », lance une première fois sur son site Facebook l'instance islamique, la veille de l'événement. Elle invite aussi nommément le ministre de l'Intérieur et le directeur général de la Sûreté générale à prendre expressément les mesures nécessaires pour annuler l'événement, le parquet à poursuivre en justice les responsables et les instances religieuses et parlementaires à assumer leur devoir pour protéger la Constitution. Publié samedi soir à 18 heures, le second post est carrément plus menaçant. Il fait part des « multiples tentatives de stopper le crime contre la vertu qui sera commis à Beyrouth à travers cette rencontre effrontée organisée par les déviants au Liban ». Il met surtout en garde les autorités, menaçant d'« un recours à la force de la part de toutes les parties pour empêcher le déroulement de cet événement qui porte atteinte à la chasteté et l'honneur, si jamais celles-ci ne prennent pas leurs responsabilités ».
Le niet de Dar el-Fatwa
Relayé sur les réseaux sociaux, le niet du regroupement religieux s'amplifie et fait boule de neige. Pour être repris avec autant de véhémence par le mouvement islamiste du cheikh Maher Hammoud, instance sunnite proche du Hezbollah. Même Dar el-Fatwa qui prône la modération se met de la partie. Contacté par L'Orient-Le Jour, le cheikh Mohammad Nokkari, chef du tribunal sunnite de la Békaa, confirme : « Dar el-Fatwa s'est formellement opposé à l'organisation de ce séminaire. Dans cet objectif, l'instance sunnite a contacté le ministre de l'Intérieur, exigeant que l'événement soit annulé. »
Quelle est la raison de cette prise de position radicale de la plus haute autorité sunnite du pays ? Le cheikh Nokkari, pourtant un grand modéré et chantre du dialogue islamo-chrétien, observe que la communauté homosexuelle a d'abord annoncé « sa volonté de défendre ses droits », car elle se considère victime de discrimination. « Elle a ensuite réclamé le mariage gay, puis l'adoption. Et voilà que la communauté lesbienne veut être libre de recevoir du sperme de donneurs anonymes, pour avoir des enfants. Cette revendication représente un danger pour la vie familiale », martèle-t-il, observant que cette pratique « favorise l'inceste et présente des risques de consanguinité ».
L'obscurantisme a eu gain de cause hier au pays du Cèdre, pour avoir empêché le déroulement d'un événement démocratique. Visait-il à empêcher la publication du rapport sur les tortures et les abus vis-à-vis de la communauté homosexuelle ?
Il reste à savoir quelle sera la réponse de Proud Lebanon et de la communauté gay du Liban dans son ensemble
La communauté homosexuelle du Liban (LGBTIQ) avait prévu une semaine de festivités pour célébrer la Journée internationale contre l'homophobie, le 17 mai courant. Avec en guise de lancement, hier, un séminaire organisé par l'association Proud Lebanon à l'hôtel Monroe. Un séminaire qui devait voir, entre autres, la publication d'un rapport sur la torture et les abus à l'égard de la communauté homosexuelle du Liban, accompagnée de la diffusion d'un documentaire et d'une pièce de théâtre. Mais l'obscurantisme en a voulu autrement.
Victime d'une campagne orchestrée de pressions, d'intimidations, voire de menaces proférées par un nombre d'instances musulmanes du pays, et pas seulement extrémistes, l'association s'est vu signifier par le service de sécurité de l'hôtel qu'elle était persona non grata. « Mises à part les menaces répétées que nous avons reçues par téléphone et sur les réseaux sociaux, aucune instance officielle ne nous a contactés pour nous faire part d'une quelconque interdiction de l'événement. Nous avons été mis devant le fait accompli et contraints d'annuler la célébration, par crainte d'atteinte à la sécurité des participants », confie à L'Orient-Le Jour Bertho Makso, cofondateur de Proud Lebanon, lors d'une conférence de presse au siège du Centre libanais pour les droits de l'homme (CLDH), à Dora. « Les autorités ont failli à leur devoir de nous protéger. Elles ont cédé aux intimidations », ajoute-t-il, déplorant une « violation des libertés individuelles et humaines ».
Menaces et intimidations
Dans les détails, alors que l'association menait ses préparatifs tambour battant, s'apprêtant à recevoir plusieurs centaines de membres de la communauté LGBTIQ, comme elle l'a déjà fait à deux reprises sans le moindre incident, la Ligue des ulémas des musulmans au Liban (Hay'at oulama' al-mouslimin fi loubnan), une instance sunnite dissidente de Dar el-Fatwa, dirigée par le cheikh Abou Bakr el-Zahabi et composée en grande partie de sunnites salafistes, a publié une série de posts sur Facebook. Des posts qui non seulement dénoncent l'événement et réclament son interdiction par les autorités, mais se lancent dans une diatribe enflammée contre l'homosexualité, qu'ils qualifient d'« obscène » et de « déviance sexuelle ».
« Les réseaux sociaux nous ont informés de l'organisation d'un festival pour les déviants sexuels, sous le titre de Journée mondiale contre l'homophobie, où l'opinion publique serait encouragée à la déviance », lance une première fois sur son site Facebook l'instance islamique, la veille de l'événement. Elle invite aussi nommément le ministre de l'Intérieur et le directeur général de la Sûreté générale à prendre expressément les mesures nécessaires pour annuler l'événement, le parquet à poursuivre en justice les responsables et les instances religieuses et parlementaires à assumer leur devoir pour protéger la Constitution. Publié samedi soir à 18 heures, le second post est carrément plus menaçant. Il fait part des « multiples tentatives de stopper le crime contre la vertu qui sera commis à Beyrouth à travers cette rencontre effrontée organisée par les déviants au Liban ». Il met surtout en garde les autorités, menaçant d'« un recours à la force de la part de toutes les parties pour empêcher le déroulement de cet événement qui porte atteinte à la chasteté et l'honneur, si jamais celles-ci ne prennent pas leurs responsabilités ».
Le niet de Dar el-Fatwa
Relayé sur les réseaux sociaux, le niet du regroupement religieux s'amplifie et fait boule de neige. Pour être repris avec autant de véhémence par le mouvement islamiste du cheikh Maher Hammoud, instance sunnite proche du Hezbollah. Même Dar el-Fatwa qui prône la modération se met de la partie. Contacté par L'Orient-Le Jour, le cheikh Mohammad Nokkari, chef du tribunal sunnite de la Békaa, confirme : « Dar el-Fatwa s'est formellement opposé à l'organisation de ce séminaire. Dans cet objectif, l'instance sunnite a contacté le ministre de l'Intérieur, exigeant que l'événement soit annulé. »
Quelle est la raison de cette prise de position radicale de la plus haute autorité sunnite du pays ? Le cheikh Nokkari, pourtant un grand modéré et chantre du dialogue islamo-chrétien, observe que la communauté homosexuelle a d'abord annoncé « sa volonté de défendre ses droits », car elle se considère victime de discrimination. « Elle a ensuite réclamé le mariage gay, puis l'adoption. Et voilà que la communauté lesbienne veut être libre de recevoir du sperme de donneurs anonymes, pour avoir des enfants. Cette revendication représente un danger pour la vie familiale », martèle-t-il, observant que cette pratique « favorise l'inceste et présente des risques de consanguinité ».
L'obscurantisme a eu gain de cause hier au pays du Cèdre, pour avoir empêché le déroulement d'un événement démocratique. Visait-il à empêcher la publication du rapport sur les tortures et les abus vis-à-vis de la communauté homosexuelle ?
Il reste à savoir quelle sera la réponse de Proud Lebanon et de la communauté gay du Liban dans son ensemble
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