The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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March 8, 2016

L'Orient Le Jour - Fatmé, 17 ans, mariée, un enfant : « Le plus dur, c’est ma nostalgie de l’école et de mes amies ! », March 8,2016

À l'occasion de la Journée mondiale de la femme, célébrée le 8 mars, « L'Orient-Le Jour » esquissera le portrait d'une femme chaque mardi du mois de mars. Une femme de chez nous, aux droits bafoués par la famille, par la société, par l'État. Aujourd'hui, Fatmé, de Mechmech-Akkar, confie ses regrets d'avoir contracté un mariage précoce à l'âge de 15 ans.
Anne-Marie El-HAGE | OLJ

Elle a le visage joufflu d'une adolescente. Le regard rêveur, un brin tristounet, souligné de khôl noir. Les cheveux relevés en chignon sous un voile bleu marine, assorti à ses habits. Le sourire enfantin, mais si rare. Fatmé, 17 ans à peine, et un enfant d'un an déjà, fait partie de ces filles libanaises mariées avant l'âge qui subissent en silence le poids de traditions ancestrales. Zoom-in sur cette jeune habitante de Mechmech, un village situé dans les hauteurs du Akkar qui tire pourtant fierté de son taux élevé d'éducation.
« Qu'ai-je fait de ma vie? Pourquoi me suis-je infligé cela ? » Fatmé s'en veut. Elle regrette, de toute son âme, « d'avoir mis fin si tôt à mon enfance » « et d'être si rapidement passée de l'école à l'évier ». « Une enfant peut-elle élever un enfant ? » demande-t-elle, attendant une réponse qui ne viendra pas.
L'accord du père, le refus de la mère
Tout en se confiant avec pudeur et par bribes devant des de sa famille, la jeune femme joue furieusement avec ses mains aux doigts soigneusement manucurés, avec son alliance surtout. Assise en tailleur sur un matelas à même le sol, autour d'un poêle, dans le local de l'association « Akkar Network for Development » (AND), elle raconte son union à l'âge de 15 ans avec un homme du village, de 10 ans son aîné, un homme qu'elle n'avait jamais rencontré. Elle ignorait tout de la sexualité. Elle pensait que se marier, c'était simplement vivre sous le même toit avec quelqu'un. « Il m'a demandée en mariage. Mes voisins qui le connaissaient m'ont encouragée à l'épouser. Ils m'ont dit que c'était un homme bien, aisé, généreux. J'ai refusé d'écouter les conseils des personnes opposées à ce projet. J'ai répondu que je me conformerai à la décision de mes parents. » Le père de Fatmé a tranché. Sa mère a dit non. Elle en a même fait un malaise. Mais elle n'a pas été écoutée. Elle se mord aujourd'hui les doigts de n'avoir pas été plus dissuasive et de n'avoir pas protégé sa fille, et jure par ses grands dieux qu'elle ne répétera pas la même erreur avec ses benjamines.

Fatmé était pourtant une bonne élève. Elle était en quatrième. La jeune femme avait aussi des amies. « Ce qu'elles me manquent, surtout l'une d'entre elles que je considère comme ma sœur ! » lance-t-elle avec nostalgie, regrettant de n'avoir plus la possibilité de les fréquenter. « Mon mari ne m'y autorise pas, il a peur qu'elles ne m'influencent », avoue-t-elle à demi-mot. Pas plus qu'il ne l'autorise à reprendre le chemin de l'école afin de poursuivre son éducation. « Il s'y oppose formellement et m'interdit même d'aborder le sujet. C'est si dur ! J'aurais voulu continuer mes études », dit-elle tristement, enviant les jeunes filles qui s'instruisent. Car au village, il n'est plus rare pour une femme de décrocher le bac, d'aller à l'université et même de devenir enseignante, infirmière ou comptable. Fatmé est d'ailleurs la première de sa classe à s'être mariée. La peur de devenir vieille fille est tellement ancrée dans les traditions. Il faut dire aussi que l'adolescente est l'aînée d'une fratrie de 7 enfants, issue d'un milieu très pauvre.
(Lire aussi : Mariages précoces, l'État poursuit ses palabres... mais laisse faire)

Épuisée par une césarienne à 16 ans
Refusant de se résigner, Fatmé a bien tenté de s'inscrire à des sessions de formation. Peine perdue. « Mon mari a tout rejeté en bloc », déplore-t-elle. Et d'expliquer : « Les hommes de chez nous sont difficiles. Ils veulent ranger leurs épouses à la maison et ne conçoivent pas qu'elles travaillent. » Elle mentionne au passage que son époux a interrompu sa scolarité très jeune. Il est à la fois légumier et carreleur, et ne verrait pas d'un bon œil le fait d'avoir une épouse trop instruite.
Alors, Fatmé s'occupe de son petit garçon. « Il m'épuise », dit-elle, racontant ses journées passées à nourrir, changer, coucher le petit. « J'ai 17 ans. Mais je sens que j'en ai 30 parce que j'assume une responsabilité trop importante pour mon âge », reconnaît-elle. La jeune femme aurait préféré attendre pour devenir mère. « Je ne voulais pas d'enfant. Je ne me sentais pas prête. Et puis nous nous disputions beaucoup. Mon mari ne m'en a pas laissé le choix. Au bout de quatre mois de mariage, j'étais enceinte. » Sa seule distraction lorsque son bébé s'endort est de se maquiller devant le miroir. Mais là aussi, son mari n'aime pas trop. Ce qu'il voudrait par contre, c'est que sa jeune épouse lui donne un second enfant. « Je ne suis pas encore remise de ma césarienne », réplique-t-elle.
Et le bonheur ? Est-elle heureuse ? « Ça va, répond Fatmé. Je l'aime. Je ne le déteste pas. » Un amour paradoxal auquel elle s'accroche pour ne pas briser son ménage, malgré un époux entêté qui la chicane au quotidien et menace de la répudier, qui la laisse seule pour aller manger chez sa mère ou pour rejoindre ses copains. « J'en pleure souvent. Mais en même temps, il ne me refuse rien. Il est très généreux. Et je peux voir mes parents à volonté... »

Source & Link : L'Orient Le Jour

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