Le directeur de la FDHDH estime qu'à travers l'agression contre al-Jadeed, Amal a voulu intimider les médias pour les pousser à intérioriser des lignes rouges.
Le directeur de la FDHDH estime qu'à travers l'agression contre al-Jadeed, Amal a voulu intimider les médias pour les pousser à intérioriser des lignes rouges.
Des militants du mouvement Amal se sont rassemblés en nombre mardi soir devant les locaux de la chaîne al-Jadeed, dans le quartier de Tallet el-Khayat, à Beyrouth, pour protester contre la diffusion du programme satirique de Charbel Khalil « Douma Karasi », notamment en ce qui concerne un sketch sur la disparition de l'imam Moussa Sadr. Alors que le rassemblement était censé être symbolique, la situation a vite dégénéré.
Les militants ont tenté d'entrer dans les bâtiments. Ils ont lancé des pierres ainsi que des pétards en direction du bâtiment de la chaîne de télévision. Les forces de sécurité et l'armée ont dû se déployer en force. L'affaire a tout de suite relancé la polémique sur les limites de la liberté d'expression, mais également sur le droit des médias et des journalistes à être protégés contre toute forme d'agression.
Le directeur de la Fondation des droits de l'homme et du droit humanitaire (FDHDH), Waël Kheir, répond à ce sujet aux questions de L'Orient-Le Jour.
À quel moment peut-on dire que les limites de la liberté d'expression ont été dépassées ? Et dans cette optique, al-Jadeed a-t-elle transgressé les lois ?
Selon la Déclaration universelle des droits de l'homme, la liberté d'expression est primordiale. Elle intervient dans tous les domaines et concerne l'art, la musique, la littérature, la politique et les médias. La question serait donc de voir si cette liberté doit être, dans certains cas, conditionnée oui ou non. Elle peut l'être dans le cas où les garde-fous aux libertés répondent à des raisons pertinentes qui les justifieraient amplement. Sinon, le risque de dérapage est très grand : l'on se retrouve sur la pente glissante qui fait fi des libertés. Il vaut mieux donc être très vigilant, très attentif aux genres de délimitations pouvant être mis en place.
Trois principes sont essentiels dans de tels cas. Il s'agit tout d'abord de s'assurer de la véracité de l'information, dont le contenu pourrait poser problème, de la bonne ou de la mauvaise foi de l'auteur, et ensuite du contenu en tant que tel. En ce qui concerne le cas al-Jadeed, je pense personnellement que l'intention du directeur n'était pas mauvaise, d'autant qu'il a l'habitude d'évoquer en général plusieurs personnalités appartenant à différents courants politiques. De plus, le personnage de l'imam Sadr n'a pas été représenté, seul son nom a été évoqué durant l'émission. Dans ce cas-là, toute mesure limitant la liberté d'expression devrait être qualifiée de répressive.
(Lire aussi : La rage d'Amal contre al-Jadeed : réaction populaire ou règlement de comptes politiques ?)
Quel est le rôle des responsables politiques et communautaires dans le contrôle de leurs foules et des réactions de celles-ci ?
Un leader responsable a le devoir de contrôler ses partisans lorsque cela est nécessaire. En Occident, le leader pourrait être poursuivi par la loi au cas où des personnes abusent de leurs droits, en son nom ou sous la bannière du parti qu'il dirige. La question qui se pose dès lors est la suivante : pourquoi le mouvement Amal, qui certes possède toute l'autorité nécessaire sur cette foule, n'a-t-il pas agi illico presto pour calmer ses partisans et mettre fin à l'attaque menée contre al-Jadeed ? Je pense que le mouvement a profité de cet acharnement pour faire un étalage de force et par conséquent semer la peur dans les esprits de tous ceux qui pourraient à l'avenir songer à le critiquer d'une manière ou d'une autre.
Quel est le mécanisme ou l'outil qui pourrait être adopté pour garantir la sécurité des journalistes et des médias contre toute attaque de ce genre, une bonne fois pour toutes ?
Je ne détiens pas la réponse à cette question malheureusement. En France, Charlie Hebdo et sa rédaction n'ont pas pu être protégés contre le terrorisme. C'est donc les risques du métier, je dirais... Cependant, ce qui aiderait effectivement serait l'élaboration d'une loi protégeant les journalistes, puis que cette loi soit appliquée de manière très stricte. Le rôle des autorités serait donc crucial, de même que celui de la société civile. Au Liban, aucun de ces éléments n'est efficace, et les journalistes se retrouvent donc livrés à leur sort !
Source & Link : L'orient le jour
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