Bien que la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Constitution libanaise consacrent toutes les deux le principe de l'égalité entre tous les citoyens devant la loi, sans distinction de sexe, la position de la femme au Liban reste toujours inférieure à celle de l'homme. Preuve en est le jugement rendu dans l'affaire de Manal Assi par un juge, femme, réduisant la peine de son meurtrier (qui n'est autre que son mari) à seulement cinq ans de prison, en comptant la durée de sa détention depuis février 2014. Mohammad al-Nhaily devrait tomber sous le coup de l'article 549 du code pénal qui prévoit la peine de mort.
La juge présidant la Cour pénale de Beyrouth, Hélène Iskandar, a préféré « ressusciter » indirectement l'article 562 se rapportant aux crimes d'honneur en se référant à l'article 252 du code pénal. Ce dernier stipule que le crime « non prémédité » perpétré par Mohammad al-Nhaily est « excusé », étant le résultat d'un excès de colère provoqué par un « acte injuste, grave et dangereux de la part de la victime », en l'occurrence ici l'infidélité de sa femme découvert le jour du crime et qui remontait à cinq ans. Le mari aurait reçu un appel téléphonique le matin des faits lui rapportant l'infidélité de sa femme. Il avait pris alors le temps d'achever son travail avant de rentrer chez lui et perpétrer le crime.
Rappelons que l'assassin avait une relation extraconjugale soutenue qui a abouti à un second mariage deux ans avant le meurtre et qu'il malmenait Manal physiquement et verbalement devant ses filles. Ainsi, Mohammad al-Nhaily a pu profiter des circonstances atténuantes grâce à l'application des dispositions d'un article dont l'interprétation par la juge laisse penser à une affaire de crime d'honneur plutôt qu'à un crime de droit commun. La qualification de l'infidélité de Manal d'acte « gravement dangereux et injuste » a fait de la femme sauvagement battue jusqu'à la mort une personne coupable méritant le châtiment qui lui a été infligé par son mari. Le verdict dans cette affaire a été rendu au grand dam des associations de soutien aux femmes victimes de violence domestique, notamment Kafa, qui a milité durant plusieurs années pour l'adoption d'une loi interdisant toute violence domestique commise à l'encontre des femmes.
Que dit la loi ? Le 4 août 2011, la Chambre des députés a approuvé, sur proposition du député Samy Gemayel, la suppression de l'article 562 du code pénal se rapportant aux crimes d'honneur en insistant sur le fait que les crimes d'honneur seront dorénavant sévèrement punis. Cet article stipulait, jusqu'en 1999 : « Pourra bénéficier d'une excuse absolutoire (allégement de peine) quiconque ayant surpris son conjoint, son ascendant, son descendant ou sa sœur en flagrant délit d'adultère ou de rapports sexuels illégitimes avec un tiers. » En 1999, le caractère systématique de l'allégement de la peine a été supprimé, laissant les choses à l'appréciation du juge. Mais en réalité, « les peines étaient allégées à trois ans, durée minimale de détention pour un crime, alors que normalement celui-ci est passible de la peine capitale ou du moins de lourdes peines ».
Mais même s'il s'agissait d'un crime d'honneur, Mohammad n'a pas surpris Manal en flagrant délit dans la maison conjugale mais a pu cependant intercepter une conversation romantique sur son téléphone portable. En ce qui concerne l'adultère, avant 2014, la femme adultère était passible d'une peine d'emprisonnement de trois mois à deux ans (article 487 du code pénal). Le mari, quant à lui, encourait une peine d'un mois à un an d'emprisonnement, et ce seulement s'il commettait l'acte d'adultère dans la maison conjugale ou s'il entretenait une concubine de manière notoire (article 488). Mais depuis le 1er avril 2014, avec l'adoption de la loi contre la violence domestique, l'homme et la femme sont en principe égaux devant l'adultère. Le conjoint adultérin, homme ou femme, risque une peine d'emprisonnement de 3 mois à 2 ans (article 487 modifié) et le régime de la preuve est devenu le même pour les deux. Ceci dit, l'adultère n'est plus pénalisé en France.
Deux conditions de l'application de l'article 252 ne sont donc pas remplies mais simplement extrapolées par le juge : l'absence de préméditation, et l'acte gravement dangereux et injuste excusant l'acte criminel. Manal Assi, maman et enseignante de 34 ans, battue jusqu'à l'évanouissement devant sa mère à plusieurs reprises et durant plusieurs heures avant d'être transportée à l'hôpital, ne peut être considérée comme coupable d'avoir provoqué la colère de son mari et d'avoir indirectement provoqué sa propre mort ! La grande colère de Mohammad qui sortira de prison dans moins de deux ans a duré plusieurs heures avant d'assommer Manal avec la cocotte-minute et son contenu, d'insulter sa belle-mère et de torturer sa femme. La préméditation n'englobe-t-elle pas ses allers-retours vers la maison conjugale durant plusieurs heures après avoir reçu un appel téléphonique tôt le matin lui rapportant l'infidélité de sa femme ?
L'infidélité des femmes excuse-t-elle à nouveau, malgré l'abolition de l'article 562, les crimes commis à leur encontre ? La juge aurait-elle considéré qu'un mari criminel est plus apte à prendre en charge les enfants, une autre justification du jugement, que leur mère infidèle qui a probablement renoncé à demander le divorce devant des tribunaux qui lui auraient probablement retiré les enfants ? Pauvre Manal, elle a perdu sur tous les coups : sa vie et ses enfants. Mais Kafa et d'autres associations seront dans la rue demain avec des centaines de militants, à 17h30, devant le ministère de la Justice pour dénoncer haut et fort l'injustice qui a poursuivi Manal jusqu'à la tombe.
Au lieu d'enterrer davantage de mamans infidèles, il vaut mieux enterrer définitivement ce texte de loi et toutes les interprétations puisées dans d'autres textes. Un enfant sera de loin moins dangereux s'il est pris en charge par une femme adultère que par un père criminel.
La juge présidant la Cour pénale de Beyrouth, Hélène Iskandar, a préféré « ressusciter » indirectement l'article 562 se rapportant aux crimes d'honneur en se référant à l'article 252 du code pénal. Ce dernier stipule que le crime « non prémédité » perpétré par Mohammad al-Nhaily est « excusé », étant le résultat d'un excès de colère provoqué par un « acte injuste, grave et dangereux de la part de la victime », en l'occurrence ici l'infidélité de sa femme découvert le jour du crime et qui remontait à cinq ans. Le mari aurait reçu un appel téléphonique le matin des faits lui rapportant l'infidélité de sa femme. Il avait pris alors le temps d'achever son travail avant de rentrer chez lui et perpétrer le crime.
Rappelons que l'assassin avait une relation extraconjugale soutenue qui a abouti à un second mariage deux ans avant le meurtre et qu'il malmenait Manal physiquement et verbalement devant ses filles. Ainsi, Mohammad al-Nhaily a pu profiter des circonstances atténuantes grâce à l'application des dispositions d'un article dont l'interprétation par la juge laisse penser à une affaire de crime d'honneur plutôt qu'à un crime de droit commun. La qualification de l'infidélité de Manal d'acte « gravement dangereux et injuste » a fait de la femme sauvagement battue jusqu'à la mort une personne coupable méritant le châtiment qui lui a été infligé par son mari. Le verdict dans cette affaire a été rendu au grand dam des associations de soutien aux femmes victimes de violence domestique, notamment Kafa, qui a milité durant plusieurs années pour l'adoption d'une loi interdisant toute violence domestique commise à l'encontre des femmes.
Que dit la loi ? Le 4 août 2011, la Chambre des députés a approuvé, sur proposition du député Samy Gemayel, la suppression de l'article 562 du code pénal se rapportant aux crimes d'honneur en insistant sur le fait que les crimes d'honneur seront dorénavant sévèrement punis. Cet article stipulait, jusqu'en 1999 : « Pourra bénéficier d'une excuse absolutoire (allégement de peine) quiconque ayant surpris son conjoint, son ascendant, son descendant ou sa sœur en flagrant délit d'adultère ou de rapports sexuels illégitimes avec un tiers. » En 1999, le caractère systématique de l'allégement de la peine a été supprimé, laissant les choses à l'appréciation du juge. Mais en réalité, « les peines étaient allégées à trois ans, durée minimale de détention pour un crime, alors que normalement celui-ci est passible de la peine capitale ou du moins de lourdes peines ».
Mais même s'il s'agissait d'un crime d'honneur, Mohammad n'a pas surpris Manal en flagrant délit dans la maison conjugale mais a pu cependant intercepter une conversation romantique sur son téléphone portable. En ce qui concerne l'adultère, avant 2014, la femme adultère était passible d'une peine d'emprisonnement de trois mois à deux ans (article 487 du code pénal). Le mari, quant à lui, encourait une peine d'un mois à un an d'emprisonnement, et ce seulement s'il commettait l'acte d'adultère dans la maison conjugale ou s'il entretenait une concubine de manière notoire (article 488). Mais depuis le 1er avril 2014, avec l'adoption de la loi contre la violence domestique, l'homme et la femme sont en principe égaux devant l'adultère. Le conjoint adultérin, homme ou femme, risque une peine d'emprisonnement de 3 mois à 2 ans (article 487 modifié) et le régime de la preuve est devenu le même pour les deux. Ceci dit, l'adultère n'est plus pénalisé en France.
Deux conditions de l'application de l'article 252 ne sont donc pas remplies mais simplement extrapolées par le juge : l'absence de préméditation, et l'acte gravement dangereux et injuste excusant l'acte criminel. Manal Assi, maman et enseignante de 34 ans, battue jusqu'à l'évanouissement devant sa mère à plusieurs reprises et durant plusieurs heures avant d'être transportée à l'hôpital, ne peut être considérée comme coupable d'avoir provoqué la colère de son mari et d'avoir indirectement provoqué sa propre mort ! La grande colère de Mohammad qui sortira de prison dans moins de deux ans a duré plusieurs heures avant d'assommer Manal avec la cocotte-minute et son contenu, d'insulter sa belle-mère et de torturer sa femme. La préméditation n'englobe-t-elle pas ses allers-retours vers la maison conjugale durant plusieurs heures après avoir reçu un appel téléphonique tôt le matin lui rapportant l'infidélité de sa femme ?
L'infidélité des femmes excuse-t-elle à nouveau, malgré l'abolition de l'article 562, les crimes commis à leur encontre ? La juge aurait-elle considéré qu'un mari criminel est plus apte à prendre en charge les enfants, une autre justification du jugement, que leur mère infidèle qui a probablement renoncé à demander le divorce devant des tribunaux qui lui auraient probablement retiré les enfants ? Pauvre Manal, elle a perdu sur tous les coups : sa vie et ses enfants. Mais Kafa et d'autres associations seront dans la rue demain avec des centaines de militants, à 17h30, devant le ministère de la Justice pour dénoncer haut et fort l'injustice qui a poursuivi Manal jusqu'à la tombe.
Au lieu d'enterrer davantage de mamans infidèles, il vaut mieux enterrer définitivement ce texte de loi et toutes les interprétations puisées dans d'autres textes. Un enfant sera de loin moins dangereux s'il est pris en charge par une femme adultère que par un père criminel.
Source & Link : L'orient le jour
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