CONFÉRENCE « WOMEN ON THE FRONT LINES »
Un ensemble de tables rondes, organisées par la Fondation May Chidiac et regroupées sous le nom de « Women on the Front Lines », a animé l'Hôtel Phoenicia hier, présentant des parcours de femmes. Deux invitées ont même participé à des discussions animées par Ziyad Makhoul, rédacteur en chef de « L'Orient-Le Jour ».
La Fondation May Chidiac a organisé hier à l'hôtel Phoenicia la 5e édition de la conférence « Women on the Front Lines », en présence d'un large éventail de personnalités d'horizons divers. À l'ouverture des travaux, la présentatrice Rania Achkar a notamment souligné que « l'arrivée des femmes aux postes de commande est toujours un sujet de controverses ». Les femmes sont sur tous les fronts. Qu'il s'agisse de la femme ministre, à l'instar, notamment, de Nayla Moawad ou Leila Solh, de la capitaine peshmerga, Mazda Mohammad Rachid, ou de la journaliste britannique Melissa Jun Rowley. Dans ce cadre, plus de 20 femmes ont partagé leurs expériences lors de cette conférence. Plus de 800 invités se sont rassemblés pour suivre les 4 tables rondes thématiques qui se sont succédé : elles ont abordé des sujets aussi variés que les femmes en politique, la philanthropie ou l'humanitaire au féminin, la participation aux transformations technologiques actuelles, ou encore, dans un panel plus sombre, leur rôle dans le conflit irakien. Les femmes du monde cherchent en effet, désormais, à s'imposer comme des actrices d'une nouvelle forme de gouvernance dans tous les domaines – en particulier la politique. « Nous ne pouvons plus accepter la tergiversation », a martelé May Chidiac elle-même, appelant à l'action depuis cette tribune d'exception. En effet, les discussions d'aujourd'hui, liées au rôle politique des femmes, trouvent un écho tout particulier dans l'actualité libanaise avec le débat sur la loi électorale et les (prochaines) élections législatives, cherchant à rompre avec la tradition de la société patriarcale.
Briser le plafond de verre « Les femmes n'ont pas tort du tout quand elles refusent les règles de vie qui sont introduites au monde : d'autant que ce sont les hommes qui les ont faites sans elles », écrivait Michel de Montaigne dans ses Essais. Désormais, elles n'ont plus à refuser les règles, mais à participer à leur élaboration. C'est en ce sens que le discours d'ouverture prononcé par May Chidiac a fait office de véritable plaidoyer politique : elle a rappelé, certes, les progrès concernant, notamment, « l'article 522 qui a été abrogé » tout en insistant sur le « défi qui est de voir 38 femmes membres du Parlement », en référence au débat sur la loi électorale et le projet d'un quota de 30 % pour les femmes. De même, l'ancienne ministre Leila Solh a fait l'apologie du rôle de la femme libanaise moderne. « La femme est une créature forte, la femme au Liban a même eu ses droits à l'élection avant la femme en Europe [...], la femme a combattu pour l'indépendance en 1943 », a-t-elle affirmé, tout en rappelant les enjeux sociétaux actuels. En effet, « le problème au Liban ne se limite pas au statut politique, mais aussi au statut personnel, mis à la merci des institutions religieuses », a-t-elle déclaré, jugeant nécessaire de prendre le taureau par les cornes, en particulier sur le débat de la loi portant sur la transmission de la nationalité. Des propos soutenus et confirmés par l'actuel ministre d'État aux Droits de la Femme, Jean Oghassabian.
Le premier panel Les modalités de la participation et de la représentation des femmes aux postes de commande ont été d'ailleurs discutées par quatre invitées lors du premier panel : l'Italienne Deborah Bergamini, l'Allemande Doris Pack, la Sri Lankaise Rosy Senanyake et l'Égyptienne Ghada Waly ont abordé notamment les manières de surmonter les obstacles, dont celui du fameux « plafond de verre » – expression popularisée, suite au célèbre article publié en 1986 dans le Washington Post et décrivant le phénomène social par lequel les femmes sont exclues par des préjugés masculins faisant office de barrière dans leur ascension. Pour vaincre ce mur, les avis divergent. Selon Deborah Bergamini, le « mérite » est une notion essentielle où les femmes peuvent se distinguer, alors que Rosy Senanyake a suggéré qu'un quota semblait essentiel, du moins au début pour « ouvrir l'espace politique ». « Je suis pour la discrimination positive dans un premier temps pour ensuite être jugées par nos performances », a-t-elle souligné – parole qui n'est pas innocente face à un public libanais qui réfléchit sur ce thème précis. Une conception de la participation politique approuvée par Ghada Waly. « Nous avons 90 femmes au sein du gouvernement en Égypte, cela est dû à une loi électorale avec des listes fermées contenant un certain nombre de femmes par liste », a-t-elle soutenu. Plus globalement, l'Allemande Doris Pack conseillait aux femmes de viser en premier lieu des postes plus « locaux ». « Ce qui vous permettrait de rester en contact avec la réalité des gens ordinaires, ce sont des liens que vous n'oublierez pas quand vous arriverez à des postes plus importants », a-t-elle souligné, en critiquant la tendance inverse, selon elle, qu'empruntent certains partis européens.
Cultures féminines Si la cause féminine et féministe est un combat qui appelle à l'unification, la conférence a mis en avant la diversité des personnalités et des contextes de luttes. En Égypte, la ministre de la Solidarité sociale a évoqué le cas du « taux de fécondité très élevé, car les jeunes filles se marient à 16 ans, donc les chances d'accès aux emplois pour les femmes se réduisent ». En effet, certaines coutumes « dans les zones rurales ne permettent pas aux femmes d'hériter de la terre ». « Nous avons présenté un projet de loi contre cela », a-t-elle insisté. Mais l'ancienne membre du Parlement européen Doris Pack a évoqué une situation presque opposée. « Il y a des différences entre l'Égypte, le Sri Lanka et l'Allemagne », a-t-elle indiqué. « Dans mon pays, nous avons un problème démographique [...] et un problème au niveau de la garde des enfants, [ainsi] ces dernières années les femmes ne pouvaient pas travailler à plein temps car, du point de vue logistique, elles n'avaient pas le temps de gérer travail et famille », a-t-elle relevé. Une autre question régulièrement évoquée dans les discours des femmes venant des dits « pays en développement » est d'en finir avec l'incessante comparaison avec ceux qu'on appelait encore, il y a peu, les pays du Nord. Leila Solh et Ouided Bouchamaoui ont insisté sur les luttes pionnières dans leurs pays respectifs, le Liban et la Tunisie. Lors de la discussion animée par Ziyad Makhoul, Ouided Bouchamaoui, également présidente du patronat tunisien, a fait un éloge sans fin du « Combattant suprême » Habib Bourguiba, réputé pour ses réformes modernistes et laïcisantes qui ont créé l'image de la femme tunisienne émancipée. « Il a eu du courage, il a osé devant tout le monde enlever le voile – il fallait le faire ! [...] Les femmes tunisiennes ont un leader intouchable, c'est Habib Bourguiba », a-t-elle affirmé sans détour.
L'école sri-lankaise Rosy Senanyake a pour sa part évoqué le cas particulier de « l'école sri-lankaise » en matière de droits des femmes. « Nous étions l'un des premiers pays de la région à avoir accordé aux femmes le droit à la participation politique, a-t-elle indiqué. En 1930, nous avions 5 % de femmes dans les conseils gouvernementaux. Toutefois, depuis, nous sommes au même pourcentage et aucun progrès n'a encore été fait, a-t-elle déploré. Dans un pays dévasté par trente ans de guerre civile, le Sri Lanka a par la suite dû redéfinir le rôle de la femme, dans un pays où la plupart du temps celles qui parviennent au sommet sont « épouse d'un politicien ou la femme de la famille d'un grand homme », a déclaré Rosy Senanyake. Elle a également souligné l'importance d'autres variables qui interviennent dans la lutte comme « faire partie d'une minorité religieuse ». L'éducation reste la priorité ainsi que les problèmes de nutrition. Les femmes ont aussi dépassé les différences et, provenant de tous les partis politiques du Sri Lanka, elles se sont rassemblées au sein du Club 25, en référence à la résolution 1325 de l'ONU, pour travailler ensemble sur des problèmes communs à toutes les femmes. Ouided Bouchamaoui, Prix Nobel de la Paix 2015, a une méthode qu'elle a estimé simple pour régler les problèmes de dialogue avec la femme : « Cessez de demander en premier à une personne "D'où venez-vous ?" Simplement cherchez à la comprendre. » Elle se félicitait également des progrès obtenus en Tunisie, déclarant : « Désormais, il nous est impossible de retourner en arrière. » Hugo Shorter, ambassadeur du Royaume-Uni au Liban, avait cependant déclaré un peu plus tôt : « Nous ne devons jamais assumer que le progrès est irréversible. »
Source & Link : L'orient le jour
Un ensemble de tables rondes, organisées par la Fondation May Chidiac et regroupées sous le nom de « Women on the Front Lines », a animé l'Hôtel Phoenicia hier, présentant des parcours de femmes. Deux invitées ont même participé à des discussions animées par Ziyad Makhoul, rédacteur en chef de « L'Orient-Le Jour ».
La Fondation May Chidiac a organisé hier à l'hôtel Phoenicia la 5e édition de la conférence « Women on the Front Lines », en présence d'un large éventail de personnalités d'horizons divers. À l'ouverture des travaux, la présentatrice Rania Achkar a notamment souligné que « l'arrivée des femmes aux postes de commande est toujours un sujet de controverses ». Les femmes sont sur tous les fronts. Qu'il s'agisse de la femme ministre, à l'instar, notamment, de Nayla Moawad ou Leila Solh, de la capitaine peshmerga, Mazda Mohammad Rachid, ou de la journaliste britannique Melissa Jun Rowley. Dans ce cadre, plus de 20 femmes ont partagé leurs expériences lors de cette conférence. Plus de 800 invités se sont rassemblés pour suivre les 4 tables rondes thématiques qui se sont succédé : elles ont abordé des sujets aussi variés que les femmes en politique, la philanthropie ou l'humanitaire au féminin, la participation aux transformations technologiques actuelles, ou encore, dans un panel plus sombre, leur rôle dans le conflit irakien. Les femmes du monde cherchent en effet, désormais, à s'imposer comme des actrices d'une nouvelle forme de gouvernance dans tous les domaines – en particulier la politique. « Nous ne pouvons plus accepter la tergiversation », a martelé May Chidiac elle-même, appelant à l'action depuis cette tribune d'exception. En effet, les discussions d'aujourd'hui, liées au rôle politique des femmes, trouvent un écho tout particulier dans l'actualité libanaise avec le débat sur la loi électorale et les (prochaines) élections législatives, cherchant à rompre avec la tradition de la société patriarcale.
Briser le plafond de verre « Les femmes n'ont pas tort du tout quand elles refusent les règles de vie qui sont introduites au monde : d'autant que ce sont les hommes qui les ont faites sans elles », écrivait Michel de Montaigne dans ses Essais. Désormais, elles n'ont plus à refuser les règles, mais à participer à leur élaboration. C'est en ce sens que le discours d'ouverture prononcé par May Chidiac a fait office de véritable plaidoyer politique : elle a rappelé, certes, les progrès concernant, notamment, « l'article 522 qui a été abrogé » tout en insistant sur le « défi qui est de voir 38 femmes membres du Parlement », en référence au débat sur la loi électorale et le projet d'un quota de 30 % pour les femmes. De même, l'ancienne ministre Leila Solh a fait l'apologie du rôle de la femme libanaise moderne. « La femme est une créature forte, la femme au Liban a même eu ses droits à l'élection avant la femme en Europe [...], la femme a combattu pour l'indépendance en 1943 », a-t-elle affirmé, tout en rappelant les enjeux sociétaux actuels. En effet, « le problème au Liban ne se limite pas au statut politique, mais aussi au statut personnel, mis à la merci des institutions religieuses », a-t-elle déclaré, jugeant nécessaire de prendre le taureau par les cornes, en particulier sur le débat de la loi portant sur la transmission de la nationalité. Des propos soutenus et confirmés par l'actuel ministre d'État aux Droits de la Femme, Jean Oghassabian.
Le premier panel Les modalités de la participation et de la représentation des femmes aux postes de commande ont été d'ailleurs discutées par quatre invitées lors du premier panel : l'Italienne Deborah Bergamini, l'Allemande Doris Pack, la Sri Lankaise Rosy Senanyake et l'Égyptienne Ghada Waly ont abordé notamment les manières de surmonter les obstacles, dont celui du fameux « plafond de verre » – expression popularisée, suite au célèbre article publié en 1986 dans le Washington Post et décrivant le phénomène social par lequel les femmes sont exclues par des préjugés masculins faisant office de barrière dans leur ascension. Pour vaincre ce mur, les avis divergent. Selon Deborah Bergamini, le « mérite » est une notion essentielle où les femmes peuvent se distinguer, alors que Rosy Senanyake a suggéré qu'un quota semblait essentiel, du moins au début pour « ouvrir l'espace politique ». « Je suis pour la discrimination positive dans un premier temps pour ensuite être jugées par nos performances », a-t-elle souligné – parole qui n'est pas innocente face à un public libanais qui réfléchit sur ce thème précis. Une conception de la participation politique approuvée par Ghada Waly. « Nous avons 90 femmes au sein du gouvernement en Égypte, cela est dû à une loi électorale avec des listes fermées contenant un certain nombre de femmes par liste », a-t-elle soutenu. Plus globalement, l'Allemande Doris Pack conseillait aux femmes de viser en premier lieu des postes plus « locaux ». « Ce qui vous permettrait de rester en contact avec la réalité des gens ordinaires, ce sont des liens que vous n'oublierez pas quand vous arriverez à des postes plus importants », a-t-elle souligné, en critiquant la tendance inverse, selon elle, qu'empruntent certains partis européens.
Cultures féminines Si la cause féminine et féministe est un combat qui appelle à l'unification, la conférence a mis en avant la diversité des personnalités et des contextes de luttes. En Égypte, la ministre de la Solidarité sociale a évoqué le cas du « taux de fécondité très élevé, car les jeunes filles se marient à 16 ans, donc les chances d'accès aux emplois pour les femmes se réduisent ». En effet, certaines coutumes « dans les zones rurales ne permettent pas aux femmes d'hériter de la terre ». « Nous avons présenté un projet de loi contre cela », a-t-elle insisté. Mais l'ancienne membre du Parlement européen Doris Pack a évoqué une situation presque opposée. « Il y a des différences entre l'Égypte, le Sri Lanka et l'Allemagne », a-t-elle indiqué. « Dans mon pays, nous avons un problème démographique [...] et un problème au niveau de la garde des enfants, [ainsi] ces dernières années les femmes ne pouvaient pas travailler à plein temps car, du point de vue logistique, elles n'avaient pas le temps de gérer travail et famille », a-t-elle relevé. Une autre question régulièrement évoquée dans les discours des femmes venant des dits « pays en développement » est d'en finir avec l'incessante comparaison avec ceux qu'on appelait encore, il y a peu, les pays du Nord. Leila Solh et Ouided Bouchamaoui ont insisté sur les luttes pionnières dans leurs pays respectifs, le Liban et la Tunisie. Lors de la discussion animée par Ziyad Makhoul, Ouided Bouchamaoui, également présidente du patronat tunisien, a fait un éloge sans fin du « Combattant suprême » Habib Bourguiba, réputé pour ses réformes modernistes et laïcisantes qui ont créé l'image de la femme tunisienne émancipée. « Il a eu du courage, il a osé devant tout le monde enlever le voile – il fallait le faire ! [...] Les femmes tunisiennes ont un leader intouchable, c'est Habib Bourguiba », a-t-elle affirmé sans détour.
L'école sri-lankaise Rosy Senanyake a pour sa part évoqué le cas particulier de « l'école sri-lankaise » en matière de droits des femmes. « Nous étions l'un des premiers pays de la région à avoir accordé aux femmes le droit à la participation politique, a-t-elle indiqué. En 1930, nous avions 5 % de femmes dans les conseils gouvernementaux. Toutefois, depuis, nous sommes au même pourcentage et aucun progrès n'a encore été fait, a-t-elle déploré. Dans un pays dévasté par trente ans de guerre civile, le Sri Lanka a par la suite dû redéfinir le rôle de la femme, dans un pays où la plupart du temps celles qui parviennent au sommet sont « épouse d'un politicien ou la femme de la famille d'un grand homme », a déclaré Rosy Senanyake. Elle a également souligné l'importance d'autres variables qui interviennent dans la lutte comme « faire partie d'une minorité religieuse ». L'éducation reste la priorité ainsi que les problèmes de nutrition. Les femmes ont aussi dépassé les différences et, provenant de tous les partis politiques du Sri Lanka, elles se sont rassemblées au sein du Club 25, en référence à la résolution 1325 de l'ONU, pour travailler ensemble sur des problèmes communs à toutes les femmes. Ouided Bouchamaoui, Prix Nobel de la Paix 2015, a une méthode qu'elle a estimé simple pour régler les problèmes de dialogue avec la femme : « Cessez de demander en premier à une personne "D'où venez-vous ?" Simplement cherchez à la comprendre. » Elle se félicitait également des progrès obtenus en Tunisie, déclarant : « Désormais, il nous est impossible de retourner en arrière. » Hugo Shorter, ambassadeur du Royaume-Uni au Liban, avait cependant déclaré un peu plus tôt : « Nous ne devons jamais assumer que le progrès est irréversible. »
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