Anne-Marie El-Hage
« La femme n'a pas le droit de donner son avis. La moindre décision revient à son époux et à la famille de ce dernier. » Des réfugiées syriennes, dont de très jeunes mariées, pas même sorties de l'enfance, racontent leur existence difficile, les mariages forcés imposés par leurs pères, avec des hommes qu'elles n'ont jamais vu de leur vie, la violence des époux, les grossesses précoces, les avortements à répétition. Certaines, chaperonnées par leur belle-mère, cachées derrière leur nikab, n'osent dire mot. Elles pouponnent en silence.
Nous sommes à Taanayel, dans une permanence du courant du Futur, où se déroule une session de sensibilisation des réfugiées syriennes aux dangers des mariages précoces. Nawal Mdallali, responsable de la campagne, informe, explique, donne des conseils. Mais la réalité est dramatique. « Nous risquons la répudiation si nous osons contredire nos époux », lance une jeune belle-mère, réfugiée d'Alep, mariée à 12 ans. Une de ses filles est déjà fiancée à 10 ans. « Mon époux attend qu'elle ait ses règles pour la marier, dit-elle résignée. Chez nous les filles sont casées très jeunes, pour les empêcher de regarder ailleurs. Une fille célibataire, ça n'existe pas. »
Invitées à témoigner, Nour, Sarah, Ala', Maha et d'autres jeunes mariées de 13 à 18 ans sont intarissables. Elles racontent leur peur, leur désarroi, leur fuite pour certaines. « Il me frappe. Je n'en peux plus. J'ai failli me suicider. Je suis retournée chez mes parents dans le garage qu'ils occupent », raconte l'une d'entre elle, mère d'une fillette de 10 mois. Une autre, qui vit « l'enfer au quotidien », raconte sa nuit de noce. « Je pensais que le mariage, c'était juste la noce. Lorsqu'il a voulu me déshabiller je me suis cachée dans l'armoire. Sa sœur m'a finalement forcée à coucher avec lui. » Une troisième, 13 ans, est mariée depuis deux ans. « Pourquoi ne suis-je toujours pas enceinte ? Mon mari voudrait tellement un bébé », demande cette enfant.
Rares, les histoires d'amour existent pourtant, fort heureusement, mais elles ne justifient aucunement la persistance des mariages forcés des fillettes.
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