The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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September 6, 2011

L'orient Le Jour - Armés de courage, les rescapés des sous-munitions poursuivent leur vie - September 06, 2011

LIBAN Lundi prochain, le Liban accueillera durant une semaine des représentants de 120 États dans le cadre de la deuxième réunion des États membres de la Convention sur les bombes à sous-munitions. Larguées par Israël à la fin de la guerre de 2006, ces bombes ont fait en cinq ans 51 morts et 357 blessés.

Mohammad Abdel Aal, 12 ans, est en colère. Il a perdu sa jambe, alors qu’il avait sept ans, dans l’explosion d’une mine à sous-munitions, dans le Arqoub, à la frontière avec Israël.
Mohammad a huit frères et sœurs, et ce jour-là, il était chargé du troupeau de son père, une affaire de 200 têtes d’ovins. La famille Abdel Aal, comme toutes les autres de Halta, village sunnite de la bande frontalière, faisant face aux collines de Kfarchouba, vit de l’élevage.
« J’étais parmi les premières victimes des bombes à sous-munitions, c’était en octobre 2006 (environ deux mois après l’arrêt des hostilités entre Israël et le Hezbollah). Quand j’allais dans la montagne, je voyais les bombes à sous-munitions, je les reconnaissais et je les encerclais, pour que d’autres y fassent attention. Celle qui m’a blessé, je ne l’ai pas vue. C’était un vendredi, mon jour de congé. Elle était enfouie sous la terre... je n’ai pas perdu connaissance. J’ai tout de suite compris que j’ai perdu ma jambe. Mon frère m’a porté et nos deux sœurs nous ont suivis. Arrivé sur une route asphaltée, une voiture m’a transporté jusqu’à l’hôpital de Marjeyoun », raconte Mohammad, ravalant ses larmes. Il montre la montagne dense derrière lui. « Plus loin, c’est Kfarchouba. Cette zone est utilisée uniquement par les bergers et leurs troupeaux. Elle n’a jamais été nettoyée des sous-munitions et, peut-être, elle ne le sera jamais », ajoute-t-il.
Le jeune adolescent n’a plus envie de donner des interviews « parce que les choses ne changent pas », explique-t-il.
En perdant sa jambe, Mohammad a perdu ses rêves d’enfant, apprenant à tenir un discours d’adulte. « Nous sommes pauvres, nous vivons de l’élevage. J’ai besoin d’argent pour vivre. Je fais des études, certes, mais nous n’avons que les brebis. C’est la vente de leur lait qui nous permet de vivre sans mendier. Plus tard, avec une seule jambe, je ne pourrais pas courir derrière le troupeau, se plaint-il. Depuis l’accident, toute ma vie a changé. Je sais que je ne suis plus comme les autres enfants... ils ont deux jambes, eux », ajoute-t-il.
Le père de Mohammad souligne que son fils ne peut plus escalader la montagne en gardant le troupeau. Parfois, il perd la prothèse et il est obligé de ramper pour la retrouver, la remettre en place, se relever et marcher. Et souvent dans ces cas-là, il est seul, sans personne pour l’aider.
Il se souvient du jour où Mohammad avait été blessé. « Les enfants ne sont pas rentrés. Je me suis inquiété et je les ai suivis. Je les appelais dans la forêt mais personne ne répondait. Puis j’ai vu les espadrilles et le bâton ensanglantés de mon fils. J’ai compris. Je voulais juste qu’il soit vivant », dit-il.
« Au Liban-Sud, nous vivons avec les séquelles des guerres et des bombes à sous-munitions depuis les années 60. Ce n’est pas la première fois que les Israéliens utilisent ce genre d’armes. De plus, je me souviens en 1973, quand les avions syriens sont rentrés à leur base, ils avaient vidé leurs réserves de sous-munitions au-dessus du Liban. Dans ma famille, mon frère avait été blessé en 1969 par une bombelette. Mes deux neveux ont aussi perdu leurs membres après la guerre de juillet 2006, quand ils ont sauté sur des sous-munitions », ajoute-t-il. « Tous les jours, j’ai peur pour mes enfants quand ils accompagnent le troupeau. Mais nous n’avons pas le choix. Nous sommes des bergers. Et il faut bien travailler pour vivre », poursuit-il.
La mère de Mohammad venait d’accoucher quand l’accident a eu lieu. « J’ai laissé le nourrisson avec la famille et les voisins, qui se sont chargés de lui trouver tous les jours une mère nourricière, et je suis restée à l’hôpital. Je sais que mon fils est triste et en colère. Ça me ronge. Je ne sais pas comment faire pour qu’il se sente mieux », se plaint-elle.

Foot et natation
Mohammad est fan de foot, avec une préférence pour l’équipe du Brésil. Il aime les brebis et les animaux domestiques, dont un âne qui vit à côté de la maison. Il a une belle voix, et dans les chants traditionnels qu’il entonne, il dit qu’il ne quittera pas la terre de Halta, coûte que coûte.
À des dizaines de kilomètres de là, à Sarafand, sur la côte non loin de Tyr, Hussein Ghandour, 30 ans, travaille dans l’atelier des prothèses auprès de l’Association de bienfaisance libanaise pour les handicapés.
Hussein a perdu sa jambe et son bras droits dans l’explosion d’une bombe à sous-munitions. « C’était en 1988, je n’avais pas encore 8 ans. C’était une bombelette israélienne datant de 1982, je l’avais trouvée dans le jardin de notre maison, à Berghliyé (caza de Tyr). Elle avait la forme d’une petite balle. Elle était rouillée, je l’avais manipulée toute la matinée. J’avais mangé à midi, puis j’avais rejoué dans le jardin, manipulant la bombe à sous-munitions, qui a fini par exploser », se souvient-il.
« Quand j’ai su que l’aviation israélienne avait largué des millions de bombes à sous-munitions au-dessus du Liban-Sud, à la fin de la guerre de 2006, je me suis dit qu’il y aura à nouveau beaucoup de personnes comme moi. Et j’ai prié pour que Dieu leur vienne en aide », indique-t-il.
Encadré et encouragé par ses parents et ses médecins, Hussein a réussi à vivre avec son handicap. Il a poursuivi ses études scolaires et a suivi ensuite des cours de comptabilité. Sportif, il pratique le foot et la natation, et a même remporté diverses médailles lors de jeux panarabes pour handicapés et a eu d’importants classements, notamment en natation, lors des jeux para-olympiques de Sydney.
Hussein fait également partie d’une équipe de foot formée de rescapés des mines antipersonnel et des bombes à sous-munitions, des hommes qui ont perdu des membres mais qui ont eu le courage de poursuivre leurs activités quotidiennes.
« J’ai voulu travailler dans cet atelier pour être en contact avec les personnes qui ont perdu leurs membres, pour que je leur donne courage, pour qu’elles puissent me prendre en exemple. Il faut qu’elles sachent que la vie ne s’arrête pas quand on saute sur une bombe à sous-munitions », note-t-il.
Hussein ne pense jamais quelle aurait pu être sa vie, s’il n’avait pas été touché par une bombe à sous-munitions. « C’est beaucoup mieux de ne pas y réfléchir », indique-t-il, résolu.
Le jeune homme a fait la connaissance de Mohammad. Grâce à une initiative du PNUD, le jeune adolescent a joué au foot durant un après-midi avec Hussein et son équipe de rescapés. Mais contrairement aux trentenaires, Mohammad a refusé de troquer son pantalon contre un short, préférant cacher sa prothèse.

Les droits des handicapés
À Srifa, village de Nabatiyeh, Adham Najdi descend de sa voiture et s’installe dans une chaise roulante. « J’étais parmi les premières victimes des bombes à sous-munitions. C’était le 15 septembre 2006. J’avais 19 ans, j’aidais les voisins à nettoyer leur jardin pour qu’ils puissent se réinstaller chez eux. Puis j’ai entendu une explosion. Je me suis réveillé à l’hôpital. On m’a dit que mes vertèbres ont été brisées et que je ne pourrais plus jamais marcher », raconte-t-il calmement.
« Je suis sorti de l’hôpital et j’ai continué à vivre normalement », dit-il. Mais souvent Adham a la flemme de se rendre à l’Université libanaise de Saïda, où il suit des études de sciences politiques. « Il faut que j’aille beaucoup plus tôt que le début des cours, qu’il y ait quelqu’un pour m’aider dans les escaliers. L’université n’est pas équipée pour les handicapés. Aujourd’hui, j’ai un nouveau combat. Je veux désormais lutter pour faire respecter les droits des handicapés », dit, résolu, ce jeune homme qui a grandi dans une famille communiste du Liban-Sud. 

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