Oum Ghassan ne décampera pas du lieu du sit-in jusqu’à ce qu’elle retrouve ses fils... morts ou vivants !
Le sort de milliers de Libanais disparus durant la guerre civile et la période qui l’a suivie, sous la tutelle syrienne, reste inconnu. Pour que ce dossier vieux de plus de trente ans ne reste pas occulté et relégué aux oubliettes, « L’Orient-Le Jour » relatera chaque semaine le témoignage d’un parent en quête de la vérité sur le sort d’un disparu.
Dans la tente dressée dans le jardin Gibran Khalil Gibran au centre-ville, où les parents des détenus dans les prisons syriennes et des disparus observent un sit-in permanent depuis le 11 avril 2005, Fatmé Zayat, alias Oum Ghassan, coupe une pizza qu’elle distribue aux personnes assises autour d’elle. Malgré son âge (70 ans) et sa santé fragile – Oum Ghassan souffre de diabète, d’hypertension et est souvent hospitalisée –, elle s’affaire énergétiquement à servir ses compagnons.
Elle affiche un sourire qui trahit pourtant une longue souffrance. Cette femme, à la parole facile, recherche ses deux fils, enlevés il y a vingt-sept ans, en 1985. « Un après-midi du mois de mars, des amis de mon fils Ghassan viennent le chercher, lui annonçant que Moustapha Dirani (alors chef de sécurité du mouvement Amal ) demandait à le voir, se souvient Fatmé Zayat. Plusieurs heures passent et Ghassan ne rentre pas. Je n’étais pas tranquille. Vers minuit, je ne tenais plus en place. Je suis allée voir mon frère, qui était un voisin à Dirani, lui demandant de m’aider à rencontrer ce dernier. »
Moustapha Dirani a été tranchant. « Il m’a expliqué qu’il devait garder mon fils, parce qu’il était l’un des suspects dans la tentative d’attentat contre sayyed Mohammad Hussein Fadlallah (uléma chiite) perpétrée à Bir el-Abed (à quelques mètres de sa maison), faisant 60 morts et plus de 200 blessés, dit Oum Ghassan. Neuf autres personnes de notre village, Machghara (dans la Békaa-Ouest), étaient également arrêtées pour les mêmes raisons. Il m’a même demandé de lui livrer mon deuxième fils, Fady, pour enquêter avec lui. Je ne comprenais pas. Mes fils sont incapables de commettre de telles atrocités. Fady était encore mineur. Au fil de la conversation, on m’a même dit qu’il était accusé d’être un partisan du parti Kataëb et un espion pour le compte d’Israël ! Franchement, je ne comprenais rien à ce discours ! Il n’arrivait pas à se décider sur le motif de l’arrestation de Ghassan ! Finalement, il m’a demandé de lui livrer Fady, me promettant de les relâcher rapidement. »
À contrecœur, Fatmé Zayat s’exécute. Deux semaines passent sans nouvelles de ses deux fils. « J’ai été voir Dirani, raconte-t-elle. Il m’a annoncé, calmement, qu’il ne pouvait plus rien faire pour moi et qu’il les avait remis au Hezbollah. »
La nouvelle est tombée tel un couperet. « Au cours des deux premières années de leur détention, j’ai pu les voir, dit-elle. Ils étaient à Fathallah (caserne du Hezbollah à Basta). Suite aux affrontements avec les Syriens, ils ont été transférés vers un endroit indéterminé. Depuis, je n’ai plus eu de leurs nouvelles. Mais je n’ai pas cessé de les chercher. J’ai même été en Syrie. En vain. »
Récemment, Oum Ghassan, qui a confié le dossier de ses fils à Solide (Soutien aux Libanais en détention et en exil), tout en continuant à les chercher de son côté, a su que ces derniers seraient encore vivants dans une prison souterraine dans la banlieue sud. « Je suis prête à tout pour les revoir, assure-t-elle. Je n’ai plus personne à part ma fille de 30 ans, qui refuse de se marier pour ne pas me laisser seule. Son autre sœur est au Canada. »
Ravalant ses larmes, Oum Ghassan poursuit : « Je suis une maman au cœur brisé. » « Regardez-les », ajoute-t-elle, montrant une photo de ses deux fils. « Ils étaient beaux et jeunes. Ils n’auraient jamais pu commettre l’attentat de Bir el-Abed, affirme-t-elle. Ils ne sont pas non plus des partisans des Kataëb ni des agents israéliens. Je ne sais plus quoi faire. Mais je sais que je resterais dans ce jardin jusqu’à ce qu’on me les rende, morts ou vivants ! »
Dans la tente dressée dans le jardin Gibran Khalil Gibran au centre-ville, où les parents des détenus dans les prisons syriennes et des disparus observent un sit-in permanent depuis le 11 avril 2005, Fatmé Zayat, alias Oum Ghassan, coupe une pizza qu’elle distribue aux personnes assises autour d’elle. Malgré son âge (70 ans) et sa santé fragile – Oum Ghassan souffre de diabète, d’hypertension et est souvent hospitalisée –, elle s’affaire énergétiquement à servir ses compagnons.
Elle affiche un sourire qui trahit pourtant une longue souffrance. Cette femme, à la parole facile, recherche ses deux fils, enlevés il y a vingt-sept ans, en 1985. « Un après-midi du mois de mars, des amis de mon fils Ghassan viennent le chercher, lui annonçant que Moustapha Dirani (alors chef de sécurité du mouvement Amal ) demandait à le voir, se souvient Fatmé Zayat. Plusieurs heures passent et Ghassan ne rentre pas. Je n’étais pas tranquille. Vers minuit, je ne tenais plus en place. Je suis allée voir mon frère, qui était un voisin à Dirani, lui demandant de m’aider à rencontrer ce dernier. »
Moustapha Dirani a été tranchant. « Il m’a expliqué qu’il devait garder mon fils, parce qu’il était l’un des suspects dans la tentative d’attentat contre sayyed Mohammad Hussein Fadlallah (uléma chiite) perpétrée à Bir el-Abed (à quelques mètres de sa maison), faisant 60 morts et plus de 200 blessés, dit Oum Ghassan. Neuf autres personnes de notre village, Machghara (dans la Békaa-Ouest), étaient également arrêtées pour les mêmes raisons. Il m’a même demandé de lui livrer mon deuxième fils, Fady, pour enquêter avec lui. Je ne comprenais pas. Mes fils sont incapables de commettre de telles atrocités. Fady était encore mineur. Au fil de la conversation, on m’a même dit qu’il était accusé d’être un partisan du parti Kataëb et un espion pour le compte d’Israël ! Franchement, je ne comprenais rien à ce discours ! Il n’arrivait pas à se décider sur le motif de l’arrestation de Ghassan ! Finalement, il m’a demandé de lui livrer Fady, me promettant de les relâcher rapidement. »
À contrecœur, Fatmé Zayat s’exécute. Deux semaines passent sans nouvelles de ses deux fils. « J’ai été voir Dirani, raconte-t-elle. Il m’a annoncé, calmement, qu’il ne pouvait plus rien faire pour moi et qu’il les avait remis au Hezbollah. »
La nouvelle est tombée tel un couperet. « Au cours des deux premières années de leur détention, j’ai pu les voir, dit-elle. Ils étaient à Fathallah (caserne du Hezbollah à Basta). Suite aux affrontements avec les Syriens, ils ont été transférés vers un endroit indéterminé. Depuis, je n’ai plus eu de leurs nouvelles. Mais je n’ai pas cessé de les chercher. J’ai même été en Syrie. En vain. »
Récemment, Oum Ghassan, qui a confié le dossier de ses fils à Solide (Soutien aux Libanais en détention et en exil), tout en continuant à les chercher de son côté, a su que ces derniers seraient encore vivants dans une prison souterraine dans la banlieue sud. « Je suis prête à tout pour les revoir, assure-t-elle. Je n’ai plus personne à part ma fille de 30 ans, qui refuse de se marier pour ne pas me laisser seule. Son autre sœur est au Canada. »
Ravalant ses larmes, Oum Ghassan poursuit : « Je suis une maman au cœur brisé. » « Regardez-les », ajoute-t-elle, montrant une photo de ses deux fils. « Ils étaient beaux et jeunes. Ils n’auraient jamais pu commettre l’attentat de Bir el-Abed, affirme-t-elle. Ils ne sont pas non plus des partisans des Kataëb ni des agents israéliens. Je ne sais plus quoi faire. Mais je sais que je resterais dans ce jardin jusqu’à ce qu’on me les rende, morts ou vivants ! »
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