Amné el-Abed al-Houssari tenant le portrait de son fils Ahmad, enlevé en 1986 par des militants du mouvement Amal.
Le sort de milliers de Libanais disparus durant la guerre civile et la période qui l’a suivie, sous la tutelle syrienne au Liban, reste inconnu. Pour que ce dossier vieux de plus de trente ans ne reste pas occulté et relégué aux oubliettes, « L’Orient-Le Jour » relatera chaque semaine le témoignage d’un parent en quête de vérité sur le sort d’un disparu.
À 78 ans révolus et malgré une santé fragile, Amné el-Abed al-Houssari, alias Oum Ahmed, campe fermement dans le jardin Gebran Khalil Gebran, place Riad el-Solh, où les parents des détenus libanais en Syrie observent un sit-in permanent depuis le 11 avril 2005, jusqu’à ce que la lumière soit faite sur le sort des leurs.
Vêtue de son éternelle robe bleue, se voilant la tête avec un foulard aux teintes plus claires, elle pose ses affaires dans la tente, le deuxième chez-soi de ces parents qui tiennent debout grâce à l’espoir de connaître un jour la vérité.
Oum Ahmad et Majida Bachaché (voir L’Orient-Le Jour du 15 septembre 2011) assurent la permanence dans ces lieux, depuis la mort d’Odette Salamé en 2009, dont deux enfants sont portés disparus en Syrie.
Pliée en deux, elle se déplace à petits pas. « Mon fils, Ahmad Zouhdi el-Charkaoui, a été enlevé le 18 décembre 1986, à 1h, à Ramlet el-Baïda », raconte cette femme originaire de Jaffa, en Palestine, qui accroche sur sa robe une carte sur laquelle est apposé le portrait de son fils et où l’on peut lire : « Jusqu’à quand? ». « Des militants du mouvement Amal l’avaient interpellé et pris, avec plusieurs autres jeunes, à la tour Murr, ajoute-t-elle. On les avait accusés d’être contre le régime syrien. Mais Ahmad, alors âgé de 22 ans, ne s’intéressait pas à la politique. Il travaillait dans des chantiers en construction. Lorsqu’il n’avait pas de travail, il vendait des cigarettes dans la rue. Il ne suivait même pas les nouvelles et préférait lire. »
Mère de deux enfants, Oum Ahmad avait perdu son mari, Zouhdi el-Charkaoui, alors qu’« Ahmad et sa sœur étaient encore en bas âge ». « J’ai fait appel à mon frère qui habitait en Jordanie, se souvient-elle. Nous avons cherché Ahmad partout. Nous avons fini par savoir qu’il a été remis aux Syriens et transféré à la branche d’investigation militaire à Damas. D’ailleurs, j’ai des papiers qui l’attestent. »
Amné el-Abed al-Houssari a réussi à se procurer un permis de visite à Damas. Mais une fois arrivée à destination, elle se voit refuser la rencontre avec Ahmad. « On niait sa présence, déplore-t-elle. Au bout de quelques mois, on m’a dit qu’il a été transféré à la branche ouest de la prison de Palmyre. Apparemment, ils y détiennent les personnes accusées de crimes politiques. Je me suis rendue à Palmyre et j’ai rencontré le responsable de la prison. Il a fait preuve de sympathie à mon égard, mais je n’ai pas pu rencontrer mon fils, encore moins avoir de ses nouvelles ou même la certitude qu’il s’y trouvait. »
Déterminée à connaître la vérité, Oum Ahmad, dont le regard perçant et triste en dit trop sur sa souffrance, poursuit : « Pendant près de vingt ans, j’ai fait le tour des prisons en Syrie. J’ai cherché Ahmad partout. En vain. Je n’ai jamais pu le rencontrer. »
En 2005, quelques jours après le début du sit-in, place Riad el-Solh, Oum Ahmad décide de retourner au Liban et de se joindre aux centaines de femmes qui, comme elle, sont en quête de la vérité. « Depuis plus de six ans, je campe dans ce jardin. Je n’aurai de répit que lorsque j’aurai mon fils. Depuis près d’un an et demi, j’ai le sentiment qu’il n’est plus de ce monde. Que son âme repose en paix. Mais je veux Ahmad, même s’il ne reste de lui que les os. Je veux mon fils... »
À 78 ans révolus et malgré une santé fragile, Amné el-Abed al-Houssari, alias Oum Ahmed, campe fermement dans le jardin Gebran Khalil Gebran, place Riad el-Solh, où les parents des détenus libanais en Syrie observent un sit-in permanent depuis le 11 avril 2005, jusqu’à ce que la lumière soit faite sur le sort des leurs.
Vêtue de son éternelle robe bleue, se voilant la tête avec un foulard aux teintes plus claires, elle pose ses affaires dans la tente, le deuxième chez-soi de ces parents qui tiennent debout grâce à l’espoir de connaître un jour la vérité.
Oum Ahmad et Majida Bachaché (voir L’Orient-Le Jour du 15 septembre 2011) assurent la permanence dans ces lieux, depuis la mort d’Odette Salamé en 2009, dont deux enfants sont portés disparus en Syrie.
Pliée en deux, elle se déplace à petits pas. « Mon fils, Ahmad Zouhdi el-Charkaoui, a été enlevé le 18 décembre 1986, à 1h, à Ramlet el-Baïda », raconte cette femme originaire de Jaffa, en Palestine, qui accroche sur sa robe une carte sur laquelle est apposé le portrait de son fils et où l’on peut lire : « Jusqu’à quand? ». « Des militants du mouvement Amal l’avaient interpellé et pris, avec plusieurs autres jeunes, à la tour Murr, ajoute-t-elle. On les avait accusés d’être contre le régime syrien. Mais Ahmad, alors âgé de 22 ans, ne s’intéressait pas à la politique. Il travaillait dans des chantiers en construction. Lorsqu’il n’avait pas de travail, il vendait des cigarettes dans la rue. Il ne suivait même pas les nouvelles et préférait lire. »
Mère de deux enfants, Oum Ahmad avait perdu son mari, Zouhdi el-Charkaoui, alors qu’« Ahmad et sa sœur étaient encore en bas âge ». « J’ai fait appel à mon frère qui habitait en Jordanie, se souvient-elle. Nous avons cherché Ahmad partout. Nous avons fini par savoir qu’il a été remis aux Syriens et transféré à la branche d’investigation militaire à Damas. D’ailleurs, j’ai des papiers qui l’attestent. »
Amné el-Abed al-Houssari a réussi à se procurer un permis de visite à Damas. Mais une fois arrivée à destination, elle se voit refuser la rencontre avec Ahmad. « On niait sa présence, déplore-t-elle. Au bout de quelques mois, on m’a dit qu’il a été transféré à la branche ouest de la prison de Palmyre. Apparemment, ils y détiennent les personnes accusées de crimes politiques. Je me suis rendue à Palmyre et j’ai rencontré le responsable de la prison. Il a fait preuve de sympathie à mon égard, mais je n’ai pas pu rencontrer mon fils, encore moins avoir de ses nouvelles ou même la certitude qu’il s’y trouvait. »
Déterminée à connaître la vérité, Oum Ahmad, dont le regard perçant et triste en dit trop sur sa souffrance, poursuit : « Pendant près de vingt ans, j’ai fait le tour des prisons en Syrie. J’ai cherché Ahmad partout. En vain. Je n’ai jamais pu le rencontrer. »
En 2005, quelques jours après le début du sit-in, place Riad el-Solh, Oum Ahmad décide de retourner au Liban et de se joindre aux centaines de femmes qui, comme elle, sont en quête de la vérité. « Depuis plus de six ans, je campe dans ce jardin. Je n’aurai de répit que lorsque j’aurai mon fils. Depuis près d’un an et demi, j’ai le sentiment qu’il n’est plus de ce monde. Que son âme repose en paix. Mais je veux Ahmad, même s’il ne reste de lui que les os. Je veux mon fils... »
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