Par Anne-Marie El-HAGE | 04/06/2011
DROITS HUMAINS La femme libanaise vit au quotidien la discrimination dans les textes de lois. Malgré quelques initiatives et la rédaction de propositions de lois, l'immobilisme politique ambiant ne présage aucune avancée sensible au niveau des droits de la femme.
Des avancées, des mobilisations... Oui mais il reste encore tant à faire. Telle est la conclusion que l'on peut tirer de la conférence à quatre voix, organisée jeudi à la faculté des sciences sociales de l'Université Saint-Joseph par le Centre d'études des droits du monde arabe (Cedroma), sur le thème des droits de la femme au Liban et dans le monde arabe. Une conférence animée par le professeur agrégé Jacques Hakim, qui a vu notamment la présence des députés Ghassan Moukheiber, Gilberte Zouein et Serge Tersarkissian, du président du conseil d'administration de l'Hôtel-Dieu de France, le père Joseph Nassar, du membre du conseil constitutionnel, le juge Antoine Khair, et du directeur du Cedroma, Me Georges Khadige.
Le député Ghassan Moukheiber commence d'abord par rendre hommage au couple mythique formé par Laure et Joseph Moghaïzel, qui ont réalisé d'importantes avancées en œuvrant de pair au service des droits de la femme. « La collaboration entre la société civile et les législateurs est importante et indispensable pour faire avancer les choses », explique-t-il. Malgré l'immobilisme politique qui règne actuellement, le député parle « d'initiatives parlementaires concrètes », plus spécifiquement au niveau de la rédaction de propositions de lois, qui résultent de campagnes menées par la société civile. « Des propositions qui font débat », indique-t-il.
Transmission de la nationalité
Concrètement, ces avancées se traduisent, au niveau du code pénal, par l'adoption en commission parlementaire de l'annulation de l'allègement des peines concernant le crime d'honneur. « Cette proposition a été transmise au Parlement », précise M. Moukheiber. Il souligne, sur le plan du statut personnel, qu'une « sous-commission devra rendre son rapport d'ici à trois semaines concernant la proposition de loi sur la violence domestique ». Et de mentionner aussi la proposition de loi sur le statut civil optionnel, qui a été transmis aux commissions conjointes. Le député déplore toutefois les obstacles liés à tout ce qui touche au statut personnel, concernant notamment le droit de la femme à transmettre sa nationalité à ses enfants de père étranger et à son époux. « C'est un problème lié à l'implantation palestinienne », affirme-t-il, mentionnant les deux propositions de loi présentées par le ministre Ziyad Baroud, toujours gelées pour cause de conflit politique. Ghassan Moukheiber ne manque pas d'évoquer les débats sur la participation de la femme à la vie politique, tout en se disant favorable au principe du quota.
Qualifiant ces questions de « complexes », car « souvent liées à des tabous de la société libanaise », le député ne peut s'empêcher de constater que « le travail est très lent » et de regretter « le peu de temps consacré au débat ».
La directrice de l'Institut des sciences politiques de l'USJ, Fadia Kiwan, aborde les initiatives arabes communes dans le domaine des droits de la femme. Saluant l'engagement de la société civile, elle constate que la majorité des pays arabes, dont le Liban, ont adopté les résolutions internationales, tout en émettant des réserves. « Nous voulons lever ces réserves », insiste-t-elle, observant que « ces réserves vident souvent les résolutions de leur substance ». Mme Kiwan indique toutefois que la 4e conférence mondiale sur les femmes, qui s'est déroulée à Beijing en 1995, a constitué « une avancée pour les femmes arabes », car elle a permis d'identifier certains problèmes de taille. Et d'évoquer notamment « les tabous du monde arabe » et « les appellations d'exceptions culturelles derrière lesquelles se cachent les autorités de ces pays ». « Ce ne sont que prétextes », accuse-t-elle.
Faire évoluer les mentalités rétrogrades
Étapes importantes dans l'histoire des droits de la femme arabe, l'organisation du premier sommet pour la femme arabe, en 2000, et la création, en 2002, de l'Organisation de la femme arabe (qui compte aujourd'hui 16 pays membres), ont permis « la récolte de bases de données et l'échange d'expériences », indique la directrice. Elle souligne « la grande disparité des problèmes et des priorités féminines, dans les différents pays arabes », déplorant qu'au Liban, il n'y ait pas unanimité sur les droits de la femme. « Les femmes elles-mêmes ne sont pas unies pour revendiquer leurs droits », conclut-elle.
Les droits civils de la femme au Liban sont ensuite épluchés par la juge Rima Charafeddine. Elle montre point par point et dénonce la discrimination contre la femme libanaise, au niveau de la transmission de sa nationalité, au niveau de son statut personnel et au niveau de la CNSS notamment. « Et pourtant, la Constitution libanaise indique que tous les Libanais sont égaux », dit-elle. La juge observe aussi que le Liban a signé la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Cedaw), mais qu'il a émis des réserves sur certains articles. « N'est-il pas grand temps que la femme libanaise bénéficie de l'égalité dans la citoyenneté ? » demande-t-elle. Et de déplorer qu'il ne s'agit pas uniquement de changer les textes de loi, mais de faire évoluer les mentalités rétrogrades.
C'est enfin la discrimination à l'égard de la femme dans le code pénal qu'a démontrée l'avocate Seta Kerechekian. Une discrimination flagrante, notamment au niveau de la pratique du crime d'honneur et des circonstances atténuantes à l'intention des meurtriers. « Mais y a-t-il un crime honorable ? » se demande-t-elle. Me Kerechekian dénonce aussi la discrimination pénale entre l'homme et la femme, dans l'acte d'adultère. « Rien qu'au niveau de la sanction, la peine de la femme est le double de celle de l'homme », indique-t-elle. Et d'expliquer aussi, à titre d'exemple, que la définition de l'adultère est différente pour la femme et pour l'homme. « L'homme ne sera considéré adultère que s'il est pris en flagrant délit au domicile conjugal, alors que la femme est considérée adultère si elle a eu une ou plusieurs relations extraconjugales, au domicile conjugal ou à l'extérieur », précise-t-elle à ce propos.
Il reste à espérer que la classe politique, bien trop occupée par ses querelles, se penche sérieusement sur les droits des femmes du Liban, « ces alter ego de l'homme et non pas ces moitiés d'homme », comme l'a fait si bien remarquer Me Georges Khadige.
Transmission de la nationalité
Concrètement, ces avancées se traduisent, au niveau du code pénal, par l'adoption en commission parlementaire de l'annulation de l'allègement des peines concernant le crime d'honneur. « Cette proposition a été transmise au Parlement », précise M. Moukheiber. Il souligne, sur le plan du statut personnel, qu'une « sous-commission devra rendre son rapport d'ici à trois semaines concernant la proposition de loi sur la violence domestique ». Et de mentionner aussi la proposition de loi sur le statut civil optionnel, qui a été transmis aux commissions conjointes. Le député déplore toutefois les obstacles liés à tout ce qui touche au statut personnel, concernant notamment le droit de la femme à transmettre sa nationalité à ses enfants de père étranger et à son époux. « C'est un problème lié à l'implantation palestinienne », affirme-t-il, mentionnant les deux propositions de loi présentées par le ministre Ziyad Baroud, toujours gelées pour cause de conflit politique. Ghassan Moukheiber ne manque pas d'évoquer les débats sur la participation de la femme à la vie politique, tout en se disant favorable au principe du quota.
Qualifiant ces questions de « complexes », car « souvent liées à des tabous de la société libanaise », le député ne peut s'empêcher de constater que « le travail est très lent » et de regretter « le peu de temps consacré au débat ».
La directrice de l'Institut des sciences politiques de l'USJ, Fadia Kiwan, aborde les initiatives arabes communes dans le domaine des droits de la femme. Saluant l'engagement de la société civile, elle constate que la majorité des pays arabes, dont le Liban, ont adopté les résolutions internationales, tout en émettant des réserves. « Nous voulons lever ces réserves », insiste-t-elle, observant que « ces réserves vident souvent les résolutions de leur substance ». Mme Kiwan indique toutefois que la 4e conférence mondiale sur les femmes, qui s'est déroulée à Beijing en 1995, a constitué « une avancée pour les femmes arabes », car elle a permis d'identifier certains problèmes de taille. Et d'évoquer notamment « les tabous du monde arabe » et « les appellations d'exceptions culturelles derrière lesquelles se cachent les autorités de ces pays ». « Ce ne sont que prétextes », accuse-t-elle.
Faire évoluer les mentalités rétrogrades
Étapes importantes dans l'histoire des droits de la femme arabe, l'organisation du premier sommet pour la femme arabe, en 2000, et la création, en 2002, de l'Organisation de la femme arabe (qui compte aujourd'hui 16 pays membres), ont permis « la récolte de bases de données et l'échange d'expériences », indique la directrice. Elle souligne « la grande disparité des problèmes et des priorités féminines, dans les différents pays arabes », déplorant qu'au Liban, il n'y ait pas unanimité sur les droits de la femme. « Les femmes elles-mêmes ne sont pas unies pour revendiquer leurs droits », conclut-elle.
Les droits civils de la femme au Liban sont ensuite épluchés par la juge Rima Charafeddine. Elle montre point par point et dénonce la discrimination contre la femme libanaise, au niveau de la transmission de sa nationalité, au niveau de son statut personnel et au niveau de la CNSS notamment. « Et pourtant, la Constitution libanaise indique que tous les Libanais sont égaux », dit-elle. La juge observe aussi que le Liban a signé la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Cedaw), mais qu'il a émis des réserves sur certains articles. « N'est-il pas grand temps que la femme libanaise bénéficie de l'égalité dans la citoyenneté ? » demande-t-elle. Et de déplorer qu'il ne s'agit pas uniquement de changer les textes de loi, mais de faire évoluer les mentalités rétrogrades.
C'est enfin la discrimination à l'égard de la femme dans le code pénal qu'a démontrée l'avocate Seta Kerechekian. Une discrimination flagrante, notamment au niveau de la pratique du crime d'honneur et des circonstances atténuantes à l'intention des meurtriers. « Mais y a-t-il un crime honorable ? » se demande-t-elle. Me Kerechekian dénonce aussi la discrimination pénale entre l'homme et la femme, dans l'acte d'adultère. « Rien qu'au niveau de la sanction, la peine de la femme est le double de celle de l'homme », indique-t-elle. Et d'expliquer aussi, à titre d'exemple, que la définition de l'adultère est différente pour la femme et pour l'homme. « L'homme ne sera considéré adultère que s'il est pris en flagrant délit au domicile conjugal, alors que la femme est considérée adultère si elle a eu une ou plusieurs relations extraconjugales, au domicile conjugal ou à l'extérieur », précise-t-elle à ce propos.
Il reste à espérer que la classe politique, bien trop occupée par ses querelles, se penche sérieusement sur les droits des femmes du Liban, « ces alter ego de l'homme et non pas ces moitiés d'homme », comme l'a fait si bien remarquer Me Georges Khadige.
No comments:
Post a Comment