The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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October 11, 2011

L'Orient le jour - À quand l’abolition de la peine de mort ?, October 11, 2011

Par Jeanine JALKH |
« Il n’existe aucune preuve établissant que la menace d’exécution dissuade les gens de commettre des crimes. Même avec le système juridique le plus strict, il existe toujours la possibilité qu’un déni de justice aboutisse à l’exécution d’une personne innocente. Une fois l’exécution effectuée, il n’y a pas de retour possible. »
C’est par ces propos que le chef de la Délégation de l’Union européenne, Angelina Eichhorst, a inauguré hier le débat organisé par l’UE sur la peine capitale, à l’occasion de la Journée mondiale et européenne contre la peine de mort. Le thème devait immanquablement attirer les ambassadeurs de plusieurs pays européens, tels que l’Italie, le Danemark, l’Espagne, la France, la Hongrie, la Roumanie, les Pays-Bas, la Belgique et la Bulgarie. Étaient également présents le représentant régional du bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l’homme au Moyen-Orient, et plusieurs représentants de la société civile concernés par cette question et dont le rôle incontournable a été spécialement mis en valeur à l’occasion de cette conférence.
Reprenant les principes qui motivent la condamnation par l’UE de la peine capitale, notamment l’inviolabilité de la vie humaine, Mme Eichhorst a souligné que « les exécutions sont inhumaines », et qu’elles violent le principe sacro-saint de la dignité humaine. Et de rappeler qu’il n’y a aucune preuve que la menace d’exécution est dissuasive et qu’elle empêche une personne de commettre un crime.
Rappelons à ce propos que dans le cadre de la Politique européenne de voisinage
(PEV) et du plan d’action de l’Accord d’association entre l’UE et le Liban, ce dernier a accepté de s’engager dans un dialogue sur la peine de mort, en particulier concernant l’accession au deuxième protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques qui vise l’abolition de la peine de mort. En 2010, le Liban s’est engagé à maintenir un moratoire et à prendre des mesures afin de parvenir à un consensus national sur l’abolition de la peine de mort. Un moratoire qualifié par Mme Eichorst d’« insuffisant » tant qu’il n’est pas au moins devenu officiel à défaut d’aboutir à l’abolition pure et simple de la peine capitale.
La diplomate européenne sera d’ailleurs rejointe par plusieurs défenseurs des droits de l’homme présents qui ont convenu, unanimement, de la nécessité, sinon de l’urgence, que le moratoire, officieux jusqu’à présent, devienne officiel.
« Car, précise Dareen el-Hajj, de l’Association libanaise pour l’éducation et la formation, tant qu’il n’aura pas été officialisé, la décision restera toujours dépendante des desiderata des personnes au pouvoir. »
Cela concerne non moins de 55 personnes détenues qui sont dans l’incertitude quant à leur sort puisque le moratoire peut malheureusement être réversible si les politiques en décident ainsi.
Rappelons à ce propos que le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait récemment réclamé que soit rétablie la peine de mort dans le cas des personnes condamnées pour espionnage pour le compte d’Israël. Certes, aucune exécution n’a plus eu lieu depuis 2004, mais rien n’empêche les politiques de faire marche arrière sur ce plan.
Une représentante de l’AJEM (Justice et miséricorde), une association de soutien aux prisonniers de Roumieh, a d’ailleurs pris la parole pour souligner « l’état dépressif » des détenus condamnés à la peine capitale, suggérant aux participants d’envoyer une lettre de soutien à ces prisonniers pris dans l’engrenage de la peur et de l’incertitude quant à leur sort. AJEM a observé hier dans l’après midi un sit-in devant le Parlement en signe de solidarité avec les personnes condamnées.
Plusieurs intervenants ont ensuite pris la parole à tour de rôle donnant un aperçu des questions relatives à la peine capitale d’un point de vue international, européen, régional et libanais avec des chiffres à l’appui. Les présentations ont porté sur la situation sur le terrain ainsi que sur le cadre juridique.
« Bien que la peine de mort ne soit pas légalement interdite en droit international, elle a longtemps été considérée comme une mesure exceptionnelle au droit fondamental à la vie », relève Fateh Azzam, le représentant régional du bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme au Moyen-Orient.
Et de noter qu’à l’exception du tribunal de Nuremberg, aucun des tribunaux internationaux ad hoc pour les crimes de guerre ou crimes contre l’’humanité n’ont avalisé la peine capitale. L’intervenant a conclu en affirmant que la tendance générale est à l’abolition de la peine de mort dans le monde. Seuls 58 États continuent de refuser de l’abolir. Parmi ces derniers, 21 pays ont eu recours aux exécutions en 2010, notamment la Chine (1 000), l’Iran (252), la Corée du Nord, le Yémen, les États-Unis, l’Arabie saoudite, la Libye et la Syrie (une douzaine d’exécution chacun).
« Les règles garantissant un procès équitable sont clairement définies par la loi libanaise, mais aussi par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques que le Liban a ratifié en 1970, et est donc tenu d’appliquer », note Wadih Asmar, le président du Centre libanais des droits humain ( CLDH).
« Dans ces conditions, a-t-il poursuivi, il y a non seulement le risque qu’un innocent soit condamné, mais aussi qu’un coupable écope d’une peine capitale alors que s’il avait bénéficié d’un procès équitable, il aurait subi une simple peine de prison », a-t-il dit, avant de préciser que son association a documenté à plusieurs reprises le cas de personnes condamnées à mort, montrant que leur condamnation faisait suite à des procès inéquitables qui devaient absolument être révisés. À ce propos, Dareen el-Hajj a cité les résultats d’une étude qui montre clairement que 77 % des Libanais n’ont pas confiance dans le système judiciaire, tant il est vrai que les abus et les dénis de justice relevés sont nombreux.
L’avocat et défenseur des droits de l’homme Nizar Saghiyeh a passé en revue la position du législateur actuel, rappelant au passage qu’un projet de loi présenté en 2010 par l’ancien ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, n’a pas abouti. Plus grave encore, souligne l’avocat, est le fait que dans le cadre du projet de refonte du code pénal libanais, on relève l’existence de 11 articles qui prévoient la peine de mort dans divers cas de meurtres ou de « connivence avec l’ennemi ».
Comment procéder ? se demande l’avocat. Faut-il simplement changer la loi par le biais d’un projet ministériel, ou attendre qu’elle soit modifiée dans le cadre d’un plan de refonte générale portant sur le respect de la dignité humaine ?
C’est la question qui se pose actuellement au législateur. Et l’activiste de proposer aux défenseurs des droits de l’homme et acteurs de la société civile de se manifester dans l’arène juridique pour influencer le juge et le dissuader de prononcer la peine de mort. M. Saghiyeh a ainsi donné l’exemple de l’objection qu’avaient soulevé les juges en 1990, lorsqu’une loi leur avait interdit d’accorder les circonstances exceptionnelles et la bataille qu’ils avaient menée en retardant les procès ou en requalifiant l’acte incriminé.


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