Arzé Nakhlé
Cet atelier qui s'inscrit dans le cadre du projet Promouvoir une culture de droit de l'homme au Liban, mené par le CLDH dans l'objectif de sensibiliser les étudiants en journalisme sur la démocratie et les droits de l'homme, a comporté de nombreuses réflexions sur l'état des droits humains au pays du Cèdre, le rôle des médias vis-à-vis de ces droits et la responsabilité sociale des journalistes.
Trois sur dix, c'est la note attribuée par Wadih al-Asmar, secrétaire général du CLDH, à la situation des droits de l'homme au Liban. Cet échec retentissant est dû, selon cet expert, à plusieurs constatations. « Dans notre pays, la loi ne protège pas les citoyens. La plupart du temps quand un individu affronte un problème, au lieu d'avoir recours à la loi, il se réfère à un politicien susceptible de l'aider », précise M. al-Asmar. Et d'ajouter : « Bien que le Liban ait ratifié plusieurs conventions internationales sur les droits de l'homme, certaines se trouvent paralysées et transgressées. Par exemple, notre pays est signataire de la Convention contre la torture, mais cette notion reste non définie en tant que crime dans la loi libanaise. Elle est sanctionnée selon les dommages qu'elle engendre. » Selon M. el-Asmar, en permettant une infraction des droits garantis par ces conventions, le gouvernement viole son engagement à les respecter.
« Si ces conventions sont non respectées, d'autres restent non approuvées par le Parlement, comme celle sur la protection de toutes personnes contre les disparitions forcées, figée depuis l'année 2007 », poursuit M. al-Asmar. Partant de ces constatations, le secrétaire général du CLDH insiste sur la nécessité d'améliorer la couverture médiatique des violations des droits de l'homme au Liban. « Si nos manifestations et nos revendications ne sont pas couvertes par les médias, le gouvernement ne s'y intéresserait pas », affirme-t-il.
Liberté d'expression et limites éthiques
« Les journalistes sont appelés à s'intéresser aux problèmes relatifs aux droits de l'homme, mais eux aussi souffrent d'un manque de respect de leurs droits », affirme M. al-Asmar. Et de poursuivre : « Le Liban est reconnu pour sa grande marge de liberté d'expression, mais cette liberté est soumise à plusieurs défis et pressions. En plus de la censure imposée aux médias, il n'y a pas de lois qui protègent les journalistes au pays du Cèdre. »
Selon le secrétaire général du CLDH, contrairement aux lois internationales, la loi libanaise sanctionne les journalistes pour les délits d'injure et de diffamation, sans prendre en considération leurs « bonnes intentions » ou « les preuves dont ils disposent pour justifier leurs dires ». D'où la nécessité, selon lui, de réformer la loi sur les imprimés et de rétablir le code de déontologie régissant la profession de journaliste.
Mais si cette liberté d'expression est un droit sacré pour les journalistes, M. al-Asmar les invite à l'utiliser correctement et cela en prenant en considération, lors de la transmission d'informations sur un individu, son droit d'être protégé et respecté. Et d'affirmer : « Si les médias sont appelés à ne pas avoir froid aux yeux et à diffuser des informations sur des figures publiques, il faut qu'ils s'abstiennent de révéler l'identité de citoyens ordinaires impliqués dans des affaires médiatisées, aussi importantes soient-elles, puisqu'en citant ces derniers, leur vie risque d'être bouleversée, et surtout si les faits évoqués ne sont pas prouvés. »
« Le journaliste est donc responsable de poser des limites à sa liberté d'expression de façon à ne pas empiéter sur les droits des autres individus », conclut-il.
Responsabilité sociale du journaliste
Habib Battah, journaliste, fondateur du blog Beirut Report, va encore plus loin et assure que le journalisme est un service public. Et de préciser : « Les journalistes doivent être au service des citoyens et non pas des politiciens. Le devoir du journaliste n'est pas de tourner autour des politiciens pour transmettre leurs nouvelles, mais de surveiller et critiquer leurs comportements, et de couvrir plutôt des affaires relatives aux droits, aux problèmes et aux besoins des citoyens. »
Selon M. Battah, le journaliste doit avoir un esprit critique et aller au-delà des faits en posant des questions pertinentes dont les réponses sont essentielles au peuple. Le journaliste investigateur lance un appel aux étudiants en journalisme qui participent à l'atelier : « Vous êtes la voix du peuple. Prenez-vous au sérieux et soyez conscients de la responsabilité qui vous est accordée. Intéressez-vous au Liban et aux droits de l'homme plus qu'à la politique et aux politiciens, et ne leur permettez pas de vous utiliser. »
Les étudiants ont apprécié, dans leur majorité, les présentations des conférenciers. « Cet atelier nous a révélé la réalité amère de la situation des droits de l'homme au Liban, il nous a également éclairés sur notre rôle social en tant que journalistes », affirme Hala Noufaily, étudiante en 3e année de journalisme. Joëlle Mardiny partage l'avis de sa collègue, toutefois elle souligne que « même si, à titre personnel, nous nous intéressons aux problèmes qui concernent les droits de l'homme, nous avons besoin du soutien du média où nous travaillons pour pouvoir les mettre en évidence ». Et de conclure : « N'est-il pas venu le temps pour les médias libanais de faire primer les affaires en rapport avec les droits de l'homme sur les sujets politiques ? »
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