Béchara Maroun
Le 26 avril 2005, les troupes syriennes se retiraient du Liban, marquant la fin d'une ère marquée surtout par les manigances de l'appareil policier libano-syrien, de sinistre mémoire. Avec la fin de la tutelle, c'est tout un chapitre qui a été clos, marqué par les histoires de milliers de victimes de torture, d'exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées. Il arrive, toutefois, que les fantômes du passé ressurgissent à des moments incongrus, rappelant que le Liban n'a pas encore résorbé toutes les séquelles de cette période de son histoire, comme l'affirme cette étrange affaire qui s'est déroulée durant le week-end.
Samedi à l'aube, le Libanais Tarek-el Khoury rentrait à Beyrouth via Istanbul, après un séjour de 15 ans à Copenhague, au Danemark, où il avait obtenu le droit d'asile en l'an 2000. À l'époque, ce jeune homme, né en 1975, fuyait le Liban suite à des arrestations répétées opérées par les services de renseignements de l'armée qui l'avaient également plusieurs fois torturé, l'accusant d'avoir trafiqué des armes en 1975, quand il n'avait que 2 mois ! Ces arrestations répétées étaient tout à fait « normales », en tout cas, en ce temps-là : il est le frère de Gergès el-Khoury, détenu entre 1994 et 2005 à l'isolement dans un sous-sol du ministère de la Défense, avec le leader des Forces libanaises Samir Geagea, pour avoir « perpétré l'explosion de l'église Notre-Dame de la Délivrance de Zouk en février 1994 ».
Samedi, à 3h30 le matin, Tarek appelait donc son frère Wissam pour l'informer que l'avion avait atterri. Il le rappelle quelques minutes plus tard pour l'informer qu'au passage de contrôle de la Sûreté générale, son passeport de réfugié danois et sa carte d'identité libanaise ont été confisqués. Quelques heures plus tard, Wissam, qui attend son frère à l'AIB, le contacte pour savoir pourquoi il tarde à sortir. Tarek lui demande de patienter. Wissam se rend alors au bureau d'informations de la SG au sein de l'AIB, à partir duquel il contacte le bureau de la SG de l'AIB. On lui indique au téléphone qu'« aucune personne portant le nom de Tarek el-Khoury ne s'y trouve ». Quelques secondes plus tard, Wissam reçoit un message de son frère qui lui dit que quelqu'un a demandé de lui au téléphone au bureau de la SG, où il se trouve, et que l'officier en face de lui a dit qu'il n'y avait aucun Tarek el-Khoury chez eux...
De vieilles fiches toujours fonctionnelles
En ce samedi matin, Wissam se rend au secteur du Palais de justice pour essayer de comprendre ce qui se passe. On lui dit qu'aucun Tarek el-Khoury n'est détenu par la SG. La famille de Tarek rentre alors en contact avec le siège patriarcal de Bkerké, demandant son aide. Des responsables religieux contactent à leur tour la Sûreté générale qui explique qu'un vieux mandat d'arrêt existe contre Tarek el-Khoury, et qu'« il suffit qu'un avocat se rende au tribunal militaire pour qu'il soit relâché immédiatement, le mandat d'arrêt n'ayant plus aujourd'hui aucune valeur ». Un avocat se rend alors au tribunal puis à la SG mais sans succès. « Tarek n'est pas chez nous », lui dit-on. Durant la journée de samedi, de nombreuses personnes influentes contactent à leur tour la SG pour comprendre ce qui se passe. On leur assure que le détenu sortira bientôt. Au standard téléphonique de la SG, on continue toutefois d'indiquer que « nous n'avons aucun Tarek el-Khoury chez nous ».
En fin de journée, un responsable au sein de l'institution s'excuse auprès de la famille de ne pouvoir libérer leur fils et affirme que le procureur général de Baabda s'oppose à la remise en liberté de Tarek. Quand la famille contacte le procureur, aux alentours de minuit, il avoue n'avoir jamais eu vent de toute cette histoire. Dimanche, enfin, la SG avoue aux gens qui l'appellent pour avoir des nouvelles de Tarek que ce denier est détenu au tribunal militaire, mais on interdit à sa famille de le voir ou de lui parler. Ils ne sont pas informés de la cause de la détention. Hier, lundi, la famille n'avait toujours pas de nouvelles de lui.
Hier, le Centre libanais pour les droits de l'homme a tenu une conférence de presse pour rapporter cette affaire. Le secrétaire général du centre qui a longtemps suivi l'affaire Gergès el-Khoury, Wadih el-Asmar, a estimé que « les vieilles fiches des services de renseignements signées par des responsables de l'époque de la tutelle sont apparemment toujours fonctionnelles ». Rappelant qu'aucune autorité n'a le droit d'arrêter qui que ce soit dans le secret, sans en informer sa famille, il a appelé le ministre de l'Intérieur à s'enquérir des agissements de certaines institutions qui violent cette loi. Il a également appelé le ministre de la Justice Achraf Rifi à intervenir, « lui qui avait assuré que les vieilles fiches des services de renseignements appartenaient à une époque révolue ». « Tarek el-Khoury a été caché par la SG pendant 48 heures et cela est contraire à toutes les conventions, que le motif d'arrestation soit valide ou pas, a poursuivi Wadih el-Asmar. Si Tarek el-Khoury était rentré à Beyrouth sans avoir informé ses parents, pour leur faire par exemple une surprise, personne n'aurait jamais su qu'il est aujourd'hui détenu. Détenu pour un motif jusqu'alors inconnu ! »
Le 26 avril 2005, les troupes syriennes se retiraient du Liban, marquant la fin d'une ère marquée surtout par les manigances de l'appareil policier libano-syrien, de sinistre mémoire. Avec la fin de la tutelle, c'est tout un chapitre qui a été clos, marqué par les histoires de milliers de victimes de torture, d'exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées. Il arrive, toutefois, que les fantômes du passé ressurgissent à des moments incongrus, rappelant que le Liban n'a pas encore résorbé toutes les séquelles de cette période de son histoire, comme l'affirme cette étrange affaire qui s'est déroulée durant le week-end.
Samedi à l'aube, le Libanais Tarek-el Khoury rentrait à Beyrouth via Istanbul, après un séjour de 15 ans à Copenhague, au Danemark, où il avait obtenu le droit d'asile en l'an 2000. À l'époque, ce jeune homme, né en 1975, fuyait le Liban suite à des arrestations répétées opérées par les services de renseignements de l'armée qui l'avaient également plusieurs fois torturé, l'accusant d'avoir trafiqué des armes en 1975, quand il n'avait que 2 mois ! Ces arrestations répétées étaient tout à fait « normales », en tout cas, en ce temps-là : il est le frère de Gergès el-Khoury, détenu entre 1994 et 2005 à l'isolement dans un sous-sol du ministère de la Défense, avec le leader des Forces libanaises Samir Geagea, pour avoir « perpétré l'explosion de l'église Notre-Dame de la Délivrance de Zouk en février 1994 ».
Samedi, à 3h30 le matin, Tarek appelait donc son frère Wissam pour l'informer que l'avion avait atterri. Il le rappelle quelques minutes plus tard pour l'informer qu'au passage de contrôle de la Sûreté générale, son passeport de réfugié danois et sa carte d'identité libanaise ont été confisqués. Quelques heures plus tard, Wissam, qui attend son frère à l'AIB, le contacte pour savoir pourquoi il tarde à sortir. Tarek lui demande de patienter. Wissam se rend alors au bureau d'informations de la SG au sein de l'AIB, à partir duquel il contacte le bureau de la SG de l'AIB. On lui indique au téléphone qu'« aucune personne portant le nom de Tarek el-Khoury ne s'y trouve ». Quelques secondes plus tard, Wissam reçoit un message de son frère qui lui dit que quelqu'un a demandé de lui au téléphone au bureau de la SG, où il se trouve, et que l'officier en face de lui a dit qu'il n'y avait aucun Tarek el-Khoury chez eux...
De vieilles fiches toujours fonctionnelles
En ce samedi matin, Wissam se rend au secteur du Palais de justice pour essayer de comprendre ce qui se passe. On lui dit qu'aucun Tarek el-Khoury n'est détenu par la SG. La famille de Tarek rentre alors en contact avec le siège patriarcal de Bkerké, demandant son aide. Des responsables religieux contactent à leur tour la Sûreté générale qui explique qu'un vieux mandat d'arrêt existe contre Tarek el-Khoury, et qu'« il suffit qu'un avocat se rende au tribunal militaire pour qu'il soit relâché immédiatement, le mandat d'arrêt n'ayant plus aujourd'hui aucune valeur ». Un avocat se rend alors au tribunal puis à la SG mais sans succès. « Tarek n'est pas chez nous », lui dit-on. Durant la journée de samedi, de nombreuses personnes influentes contactent à leur tour la SG pour comprendre ce qui se passe. On leur assure que le détenu sortira bientôt. Au standard téléphonique de la SG, on continue toutefois d'indiquer que « nous n'avons aucun Tarek el-Khoury chez nous ».
En fin de journée, un responsable au sein de l'institution s'excuse auprès de la famille de ne pouvoir libérer leur fils et affirme que le procureur général de Baabda s'oppose à la remise en liberté de Tarek. Quand la famille contacte le procureur, aux alentours de minuit, il avoue n'avoir jamais eu vent de toute cette histoire. Dimanche, enfin, la SG avoue aux gens qui l'appellent pour avoir des nouvelles de Tarek que ce denier est détenu au tribunal militaire, mais on interdit à sa famille de le voir ou de lui parler. Ils ne sont pas informés de la cause de la détention. Hier, lundi, la famille n'avait toujours pas de nouvelles de lui.
Hier, le Centre libanais pour les droits de l'homme a tenu une conférence de presse pour rapporter cette affaire. Le secrétaire général du centre qui a longtemps suivi l'affaire Gergès el-Khoury, Wadih el-Asmar, a estimé que « les vieilles fiches des services de renseignements signées par des responsables de l'époque de la tutelle sont apparemment toujours fonctionnelles ». Rappelant qu'aucune autorité n'a le droit d'arrêter qui que ce soit dans le secret, sans en informer sa famille, il a appelé le ministre de l'Intérieur à s'enquérir des agissements de certaines institutions qui violent cette loi. Il a également appelé le ministre de la Justice Achraf Rifi à intervenir, « lui qui avait assuré que les vieilles fiches des services de renseignements appartenaient à une époque révolue ». « Tarek el-Khoury a été caché par la SG pendant 48 heures et cela est contraire à toutes les conventions, que le motif d'arrestation soit valide ou pas, a poursuivi Wadih el-Asmar. Si Tarek el-Khoury était rentré à Beyrouth sans avoir informé ses parents, pour leur faire par exemple une surprise, personne n'aurait jamais su qu'il est aujourd'hui détenu. Détenu pour un motif jusqu'alors inconnu ! »
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