Anne Marie El Hage
Quatre femmes seulement au Parlement sur 128 députés, une seule ministre au sein du gouvernement et 10 présidentes de municipalité dans toute l'histoire du Liban... Ces chiffres consternants montrent bien le faible taux de participation de la femme à la vie politique libanaise. Un taux si bas qu'il est illusoire d'espérer une quelconque avancée des droits des femmes en l'état actuel des choses. C'est pour faire évoluer ces statistiques que plus de 160 associations féminines et de la société civile se sont regroupées sous la coalition « Women in Parliament » (Femmes au Parlement). Munies d'une étude de loi élaborée par l'association « Women in Front » (WIF, ou Femmes à l'avant), elles ont créé un puissant lobby visant à faire adopter le système des quotas féminins dans la nouvelle loi électorale. À l'heure où une commission se penche sur une proposition de loi, elles ont désormais l'espoir de voir davantage de femmes accéder à la fonction publique, notamment lors des prochaines municipales.
À chaque loi électorale son système de quota
Un premier résultat s'est déjà fait sentir. Le 1er décembre prochain, une conférence nationale sur les quotas féminins se déroulera à l'hôtel Mövenpick, à l'invitation du président de la Chambre, Nabih Berry, et en présence de la coordinatrice spéciale des Nations unies pour le Liban, Sigrid Kaag. C'est dire combien les femmes du Liban ont aujourd'hui le vent en poupe et combien elles sont déterminées à montrer que le quota féminin est aussi important, sinon plus, que d'autres dossiers, comme le recouvrement de la nationalité aux émigrés d'origine libanaise, à titre d'exemple. Notons que cette conférence, qui devait avoir lieu le 8 septembre dernier, a été reportée à cause des mouvements populaires liés à la crise des ordures ménagères.
Les choses ont commencé il y a quelques années déjà, lorsque WIF s'était lancée dans la bataille, menant plusieurs actions de front. L'association a d'abord réalisé une étude de loi qui envisage un type bien défini de quota féminin pour chaque type de système électoral. C'est ce qu'explique Nada Anid, cofondatrice de WIF, aux côtés de Joëlle Abou Farhat et Paola Majdalani. Aidée d'une experte en loi électorale et soutenue par le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement), l'association ne laisse rien au hasard et va dans les détails. « Quelle que soit la loi électorale adoptée, que le mode de scrutin privilégie la représentation proportionnelle, majoritaire ou le système mixte alliant ces deux systèmes, les quotas féminins sont applicables, mais différemment, sur les listes ou les sièges », affirme l'experte responsable de l'étude, qui tient à préserver l'anonymat. « Le système des quotas féminins est constitutionnel », ajoute-t-elle à l'intention des personnes tentées d'en refuser le concept.
« Quant au quota réclamé, il est de 30 % », révèle-t-elle, soulignant que cette revendication, conforme à la Conférence mondiale de Pékin, a été étudiée de sorte à respecter les balances confessionnelles et géographiques locales. Les militantes de l'association sont conscientes que le changement ne sera pas radical d'emblée. Car il n'existe aucune garantie que les candidates seront élues. « L'adoption du quota féminin permettra toutefois aux électeurs de se familiariser avec l'idée qu'une Libanaise se présente aux élections. Sans oublier que ce système poussera les partis politiques à mettre des femmes sur leurs listes, et compétentes de surcroît. Chose qui encouragera ces dernières à devenir plus expertes sur le plan politique », affirme Nada Anid.
Sensibiliser les partis politiques
Après avoir fait le travail des députés, WIF a soumis l'étude à la coalition Women in Parliament, au sein de laquelle figure la Commission nationale de la femme libanaise, normalement présidée par l'épouse du président de la République. Le travail de lobbying de cette dernière a fait le reste.
La mobilisation de WIF ne s'est pas limitée au défrichage du terrain au niveau de la législation et de la constitutionnalité du système des quotas féminins. Consciente de la grande réticence des femmes libanaises à s'engager dans la vie politique, l'ONG a parallèlement travaillé au développement des capacités politiques des femmes. « Nous avons mis en place une série de formations destinées à des citoyennes ayant pour ambition de se présenter aux élections parlementaires », a indiqué Mme Anid, estimant qu'il est nécessaire de motiver les Libanaises à se lancer dans la vie publique. Ces formations ont porté notamment sur le fonctionnement du système politique libanais et sur le système des quotas.
Une action auprès des partis politiques était également fondamentale afin de les encourager à placer davantage de femmes sur leurs listes, et à des postes élevés dans leur hiérarchie. « Ce sont les partis politiques qui vont former les nouvelles candidates et les futurs cadres, et permettre aux femmes d'accéder à la vie publique », assure-t-elle.
Les regards sont aujourd'hui tournés vers la conférence du 1er décembre. La classe politique réunie pour l'occasion se prononcera-t-elle en faveur d'un quota féminin ?
Donnera-t-elle son aval à l'étude soumise par Women in Parliament ? Les femmes du Liban l'espèrent.
No comments:
Post a Comment