Par Jihane FARHAT | 15/04/2011
On estime à 17 000 environ le nombre de disparus durant la guerre civile du Liban. Enlevés par des factions armées durant différentes phases de la guerre, ils sont partis sans jamais revenir. Nul ne connaît leur destin. Amnesty International presse les autorités de clore ce douloureux dossier.
L'organisation Amnesty International a tenu hier, à l'Hôtel Monroe, une conférence de presse ayant pour thème « Never forgotten : Lebanon's missing people » (« Jamais oubliées : les personnes portées disparues du Liban »). Pour la 36e commémoration du début de la guerre libanaise, l'organisation veut pousser les autorités à élucider le sort des disparus de la guerre. Elle insiste sur la nécessité de créer une commission d'enquête qui comprendrait des représentants des familles des disparus. Elle presse aussi les autorités à effectuer des tests ADN auprès des familles des disparus pour les comparer à des restes humains non identifiés de victimes du confli.
L'organisation Amnesty International a tenu hier, à l'Hôtel Monroe, une conférence de presse ayant pour thème « Never forgotten : Lebanon's missing people » (« Jamais oubliées : les personnes portées disparues du Liban »). Pour la 36e commémoration du début de la guerre libanaise, l'organisation veut pousser les autorités à élucider le sort des disparus de la guerre. Elle insiste sur la nécessité de créer une commission d'enquête qui comprendrait des représentants des familles des disparus. Elle presse aussi les autorités à effectuer des tests ADN auprès des familles des disparus pour les comparer à des restes humains non identifiés de victimes du confli.
Les parents des disparus ont le droit de connaître le destin de leurs proches. Certains espèrent toujours le retour d'un enfant, d'un mari ou d'un frère, parce qu'ils ont reçu des informations qui leur permettent de garder espoir. D'autres, vaincus par le désespoir, choisissent d'oublier.
Les chiffres sur ce plan sont accablants. Les forces de sécurité ont dénombré, en 1991, 17 415 disparus. Les autorités ont ensuite constitué des commissions en 2000 et 2001. La première, non indépendante selon Amnesty, a relevé 2 046 cas de disparus qu'elle a considérés comme étant décédés. Cette commission a d'ailleurs conseillé aux familles d'annoncer le décès de leurs disparus, sans pour autant leur donner la moindre preuve tangible sur la mort de ces personnes. La seconde commission, plus indépendante, a annoncé 900 cas, sans jamais officialiser ces résultats.
Le laxisme de l'État
Le directeur du bureau d'Amnesty International pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Ahmad Karoud, affirme dans ce cadre : « Les autorités libanaises ont oublié le dossier des disparus. Mais la société civile, qui défend les droits de l'homme, ainsi que des organisations internationales comme Amnesty, œuvrent sans relâche pour lever le mystère sur ces disparitions. Certaines informations sont gardées secrètes par des personnalités politiques qui refusent de les révéler au grand jour », accuse-t-il.
Et d'ajouter que le gouvernement libanais a déclaré à plusieurs reprises vouloir poursuivre les recherches. « Mais rien n'a été fait sur le terrain », dit-il. Les procédures sont « timides », observe-t-il. M. Karoud précise que le rapport d'Amnesty a été transmis au Premier ministre sortant Saad Hariri et au ministre de l'Intérieur, Ziyad Baroud. Une réunion a suivi entre Amnesty et les autorités, suite à laquelle les mesures préconisées ont été jugées « onéreuses » par les instances officielles. En effet, les tests d'ADN qui doivent être réalisés sur les restes humains sont coûteux. L‘État a « d'autres priorités », estime M. Karoud, avec une pointe d'ironie.
« Comment construire un nouveau pays sur des ruines, sans avoir élucidé le sort des personnes enlevées par des armées voisines et par des milices libanaises - les Mourabitoun, les Phalanges, les Forces libanaises, Amal, le Hezbollah, le Parti socialiste progressiste et d'autres ? » s'interroge Ahmad Karoud. « Les gouvernements de Bosnie et du Chili ont travaillé pour connaître le sort de leurs disparus. Pourquoi pas le Liban ? » demande-t-il encore.
Neil Sammonds, chercheur à Amnesty International, qualifie l'État libanais de « laxiste ». « Il reste muet sur les enlèvements et actes de guerre perpétrés par les armées syrienne et israélienne, et par les milices libanaises », dénonce-t-il. M. Sammonds insiste sur la nécessité de former une commission d'enquête qui comprendrait des représentants des familles des disparus.
Il est aussi nécessaire, estime-t-il, de faire appel à des experts, chargés de mener de véritables investigations concernant les disparus. « Il faut retrouver les fosses communes pour vérifier l'ADN des victimes (en le comparant avec celui des familles de disparus) ». Le chercheur met l'accent sur la nécessité de respecter et de protéger l'exhumation des restes humains. Il observe aussi que le droit de sépulture est un droit naturel pour les victimes. Quant aux familles, elles pourraient ainsi faire leur deuil.
Qu'est-il advenu de tous ces disparus ? Chaque mère raconte son histoire. Elles n'ont pas perdu l'espoir de voir revenir leur fils. Comme Sonia Eid, dont le fils Jihad, militaire, a disparu le 13 octobre 1990. Comme aussi Marie Mansourati, dont le fils Dany a disparu en Syrie en mai 1992. Ahmad, le fils d'Amineh Abed el-Houri, âgée de 78 ans, a été enlevé par des milices à Ramlet el-Baïda en 1986. Halima Jemal, elle, cherche toujours son fils, Rachid, parti acheter des cigarettes, en 1976. Wadha el-Sabiq recherche aussi ses deux fils, disparus dans les massacres de Sabra et Chatila. Toutes attendent. Elles espèrent. Elles scandent « Que fait l'État ? » « Le plus important, ce n'est plus l'homme, mais le strapontin. »
Les chiffres sur ce plan sont accablants. Les forces de sécurité ont dénombré, en 1991, 17 415 disparus. Les autorités ont ensuite constitué des commissions en 2000 et 2001. La première, non indépendante selon Amnesty, a relevé 2 046 cas de disparus qu'elle a considérés comme étant décédés. Cette commission a d'ailleurs conseillé aux familles d'annoncer le décès de leurs disparus, sans pour autant leur donner la moindre preuve tangible sur la mort de ces personnes. La seconde commission, plus indépendante, a annoncé 900 cas, sans jamais officialiser ces résultats.
Le laxisme de l'État
Le directeur du bureau d'Amnesty International pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Ahmad Karoud, affirme dans ce cadre : « Les autorités libanaises ont oublié le dossier des disparus. Mais la société civile, qui défend les droits de l'homme, ainsi que des organisations internationales comme Amnesty, œuvrent sans relâche pour lever le mystère sur ces disparitions. Certaines informations sont gardées secrètes par des personnalités politiques qui refusent de les révéler au grand jour », accuse-t-il.
Et d'ajouter que le gouvernement libanais a déclaré à plusieurs reprises vouloir poursuivre les recherches. « Mais rien n'a été fait sur le terrain », dit-il. Les procédures sont « timides », observe-t-il. M. Karoud précise que le rapport d'Amnesty a été transmis au Premier ministre sortant Saad Hariri et au ministre de l'Intérieur, Ziyad Baroud. Une réunion a suivi entre Amnesty et les autorités, suite à laquelle les mesures préconisées ont été jugées « onéreuses » par les instances officielles. En effet, les tests d'ADN qui doivent être réalisés sur les restes humains sont coûteux. L‘État a « d'autres priorités », estime M. Karoud, avec une pointe d'ironie.
« Comment construire un nouveau pays sur des ruines, sans avoir élucidé le sort des personnes enlevées par des armées voisines et par des milices libanaises - les Mourabitoun, les Phalanges, les Forces libanaises, Amal, le Hezbollah, le Parti socialiste progressiste et d'autres ? » s'interroge Ahmad Karoud. « Les gouvernements de Bosnie et du Chili ont travaillé pour connaître le sort de leurs disparus. Pourquoi pas le Liban ? » demande-t-il encore.
Neil Sammonds, chercheur à Amnesty International, qualifie l'État libanais de « laxiste ». « Il reste muet sur les enlèvements et actes de guerre perpétrés par les armées syrienne et israélienne, et par les milices libanaises », dénonce-t-il. M. Sammonds insiste sur la nécessité de former une commission d'enquête qui comprendrait des représentants des familles des disparus.
Il est aussi nécessaire, estime-t-il, de faire appel à des experts, chargés de mener de véritables investigations concernant les disparus. « Il faut retrouver les fosses communes pour vérifier l'ADN des victimes (en le comparant avec celui des familles de disparus) ». Le chercheur met l'accent sur la nécessité de respecter et de protéger l'exhumation des restes humains. Il observe aussi que le droit de sépulture est un droit naturel pour les victimes. Quant aux familles, elles pourraient ainsi faire leur deuil.
Qu'est-il advenu de tous ces disparus ? Chaque mère raconte son histoire. Elles n'ont pas perdu l'espoir de voir revenir leur fils. Comme Sonia Eid, dont le fils Jihad, militaire, a disparu le 13 octobre 1990. Comme aussi Marie Mansourati, dont le fils Dany a disparu en Syrie en mai 1992. Ahmad, le fils d'Amineh Abed el-Houri, âgée de 78 ans, a été enlevé par des milices à Ramlet el-Baïda en 1986. Halima Jemal, elle, cherche toujours son fils, Rachid, parti acheter des cigarettes, en 1976. Wadha el-Sabiq recherche aussi ses deux fils, disparus dans les massacres de Sabra et Chatila. Toutes attendent. Elles espèrent. Elles scandent « Que fait l'État ? » « Le plus important, ce n'est plus l'homme, mais le strapontin. »
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