Poursuivant leur mouvement de protestation, les parents des détenus sont retournés manifester hier devant le Palais de justice, avant de se voir accorder une entrevue avec le procureur près la Cour de cassation, le juge Saïd Mirza. À l'issue de l'entretien, ce dernier a chargé l'avocat général près la Cour de cassation, le juge Charbel Abou Samra, de présider un comité formé de parents de détenus et de journalistes pour effectuer une visite dans les locaux de l'établissement carcéral, afin de s'enquérir de l'état des prisonniers que les parents souhaitaient rencontrer.
Sitôt la décision prise, les protestataires qui s'étaient attroupés devant le Palais de justice se sont dispersés. Le comité, qui a été formé sur-le- champ, s'est dirigé à Roumieh accompagné du commandant de la gendarmerie, le général Saleh Gebran, et du juge Abou Samra, à qui l'on avait remis une liste de noms de prisonniers dont le comité devait s'enquérir. Une fois sur les lieux, les membres du comité ont été conduits dans une salle, où ils ont pu rencontrer 25 prisonniers et communiquer avec d'autres grâce à un téléphone interne.
De son côté, la direction des FSI a annoncé la mise en place d'une ligne téléphonique (01- 89 29 99) reliée à cinq autres lignes afin de permettre aux parents des prisonniers d'obtenir des informations sur la situation de leurs proches détenus à Roumieh. Dans un autre communiqué, les FSI ont démenti les informations avancées par l'un des parents affirmant qu'un certain nombre de détenus, huit, ont été tués lors de l'assaut lancé contre la prison de Roumieh il y a quelques jours. Citant un à un les noms des personnes présumées décédées, le communiqué précise qu'elles ont été filmées avec leur consentement, avant de contacter leurs proches pour les rassurer. Les FSI ont réaffirmé qu'une seule personne, Roy Azar, est décédée lors de l'opération militaire, et une autre, Jamil Abou Aani, après la fin de l'intervention des forces de l'ordre, des suites d'une attaque cardiaque.
Par ailleurs, les membres du comité chargé du suivi de la loi d'amnistie réclamée par les parents des prisonniers se sont réunis hier dans un restaurant à Baalbeck pour réitérer leurs demandes visant à accorder l'amnistie à l'ensemble des prisonniers, à l' exception notamment « des auteurs des crimes déférés devant la Cour de justice, des crimes ayant trait à l'espionnage pour le compte d'Israël et des crimes de terrorisme international ».
Prenant la parole, Mohammad Hazimé a réclamé l'édification de prisons modernes dont pourrait sortir le détenu doté d'un métier et où il pourrait être réhabilité et non puni. À son tour, le porte-parole du groupe a dénoncé la campagne médiatique visant à ternir l'image de Baalbeck, de Brital, de Hourtaala, et de toutes les localités s'étendant jusqu'au Hermel.
La société civile dénonce le laxisme de l'État
Par ailleurs, dans un communiqué, l'association de défense des droits de l'homme Human Rights Watch a demandé au gouvernement libanais d'ouvrir une enquête indépendante sur la mort de deux prisonniers à Roumieh et les blessures occasionnées à 45 autres lors de l'assaut lancé par les forces de l'ordre contre la prison. Le texte du communiqué révèle qu'une investigation interne en 2008 avait été effectuée sur la corruption et les mauvais traitements subis par les détenus à Roumieh. Cette enquête « n'a jamais été rendue publique par le ministre de l'Intérieur, et il n'est toujours pas clair s'il y a eu des inculpations », précise HRW qui a sommé les autorités libanaises de plancher au plus tôt sur les problèmes des milieux pénitentiaires. Et d'ajouter : « Le Liban a cette habitude de promettre l'ouverture d'enquêtes dont on entend jamais plus parler. »
Par ailleurs, le député du Bloc du changement et de la réforme, Nehmetallah Abi Nasr, a relevé le fait que le problème des prisons ne date pas d'hier, faisant assumer la responsabilité de ce qui s'est passé « au pouvoir exécutif représenté par les ministères de l'Intérieur et de la Justice ». M. Abi Nasr a refusé l'adoption d'une loi d'amnistie, « en dépit du problème de la surpopulation des prisons ».
Le député du même bloc, Ghassan Moukheiber, a indiqué que le dossier des prisons est une priorité pour l'État, estimant que si certaines demandes formulées par les prisonniers sont justifiées, la question de la loi d'amnistie est autrement plus difficile.
Des routes coupées par le Hezbollah
D'autre part, commentant les incidents de Roumieh et les mouvements de contestation organisés par les parents des détenus qui ont entrepris à plusieurs reprises de couper les routes dans un certain nombre de localités, l'ancien député Moustapha Allouche a affirmé que ce type d'actions « serait mené par le Hezbollah, en vue de créer un climat de déstabilisation au plan sécuritaire ». Et de se demander pourquoi les routes n'ont été coupées que dans les régions qui sont contrôlées par le parti chiite.
Le Parti national libéral a abondé dans le même sens, estimant dans un communiqué que le mouvement des prisonniers et la contestation exprimée par leurs parents « n'ont rien d'innocent, que ce soit en ce qui concerne le timing ou le lieu où se sont produites des actions ponctuelles et violentes menées dans des régions spécifiques ». Tout en affirmant comprendre les revendications légitimes formulées par les prisonniers, le PNL a refusé le principe de l'amnistie « non seulement parce qu'il n'est pas justifié, mais également pour éviter de saper les fondements de la justice », précise le communiqué.
À noter qu'à Baalbeck, le quartier de Chrawné a de nouveau été bloqué hier par les parents des prisonniers à l'aide de pneus brûlés. D'autres voies ont également été coupées dans la ville. Les routes ont été rouvertes à la circulation peu de temps après l'intervention de membres du comité de suivi sur la loi d'amnistie.
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