Fady Noun
Au lendemain du transfèrement de tous les détenus de droit commun et jihadistes du bâtiment « B » du pénitencier central de Roumieh vers le bâtiment « D », le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, s'est rendu sur place pour inspecter le bâtiment évacué, dont les jihadistes avaient fait une sorte « d'émirat » autonome et où les gardiens de la prison redoutaient de s'aventurer.
« Je suis simplement venu voir ce qu'on peut faire pour rendre le bâtiment B plus humain, le plus vite possible », a affirmé le ministre de l'Intérieur à la presse, précisant que le bâtiment D était « meilleur » que celui qui a été évacué. « Nous n'avons pas trouvé trace d'armes dans le bâtiment B, tout ce qui se disait à ce sujet n'était que légende », a ajouté M. Machnouk, en référence à la réputation de forteresse ou de caserne que la presse avait fini par donner au bâtiment en question.
Les détenus islamistes évacués ont été répartis dans les cellules du bâtiment D de façon à rendre plus difficiles les communications de leurs chefs entre eux. Un système de brouillage a également été installé pour les empêcher de communiquer entre eux par téléphone portable ou Internet, comme c'était le cas dans le bâtiment B.
Il est pratiquement établi, en effet, que la planification du double attentat dans un café de Jabal Mohsen, la semaine dernière, a eu lieu à la prison de Roumieh, d'où les ordres d'exécution sont partis. L'attentat a fait 9 morts et une trentaine de blessés.
Toutefois, M. Machnouk a choisi de limiter ses propos au problème de la réhabilitation du bâtiment B de la prison, affirmant qu'il veut que la peine que purgent les détenus soit vécue dans des circonstances « plus humaines, naturelles, raisonnables et justes ». Le ministre de l'Intérieur a remercié la Banque du Liban, l'Association des banques et la Chambre d'industrie et de commerce de Beyrouth pour le fonds d'aide qu'elles ont constitué afin de réhabiliter la prison et annoncé que les travaux prendront « trois mois au maximum ».
Le Conseil central de sécurité
Par ailleurs, M. Machnouk a présidé deux réunions de travail, l'une du Conseil central de sécurité, l'autre des administrateurs de mohafazat. Ici et là, il s'est agi surtout de sécurité et de lutte antiterroriste. On apprend en effet que l'extension du plan de sécurité à la Békaa-Nord, où sévit le banditisme mixé de terrorisme, doit incessamment entrer en application. Avec les mohafez, M. Machnouk a parlé du rôle des polices municipales dans le maintien de la sécurité.
Félicitations
Une pluie de félicitations s'est abattue sur le ministre de l'Intérieur et la brigade antiterroriste des FSI, pour l'initiative du transfèrement des jihadistes, exécuté sous haute surveillance et sans le moindre incident. Relevons sur ce plan des appels de Nabih Berry, du mufti Abdellatif Deriane, du vice-président du Conseil supérieur chiite, de l'ancien chef de l'État Michel Sleiman et du président des Karaëb Amine Gemayel.
« Cette opération a rehaussé le prestige de l'État et redonné confiance dans les capacités des forces de l'ordre, ont affirmé en substance les députés Yassine Jaber (Amal) et Atef Majdalani (Futur), elle a mis fin, en quelques heures, à la légende d'un bâtiment transformé en forteresse inaccessible aux forces de l'ordre. »
« Nouhad Machnouk a été exemplaire dans la façon d'assumer ses responsabilités », ont fait savoir, dans un communiqué conjoint, les députés Mouïne Merhebi et Nidal Tohmé. Les deux parlementaires ont félicité le ministre pour sa manière de concilier sens de l'humanité et sens de l'État, de se montrer compréhensif sur le plan humain, mais inflexible sur la souveraineté du pays, et sans le moindre parti pris confessionnel.
Il a osé
« Il a osé agir là où ses prédécesseurs avaient reculé », a relevé le député Serge Torsarkissian. « Oui, mais avec un retard de six ans », ont affirmé chacun de son côté le député Ammar Houri et l'ancien ministre de la Justice, Chakib Cortbawi, qui a assuré que cette reprise en main du bâtiment B aurait dû se produire en 2009.
Plus féroce, le député Ziyad Assouad (CPL) a ajouté que « beaucoup de malheurs auraient été épargnés au pays » si l'opération avait été faite au moment qu'il fallait. M. Assouad a donc demandé que des comptes soient rendus dans ce domaine.
Il reste que, pour Nabil Kaouk, vice-président du conseil exécutif du Hezbollah, le démantèlement des systèmes de communication mis en place par les « takfiris » (terminologie officielle du Hezbollah, s'agissant des jihadistes) a « porté un grand coup » au terrorisme, donnant ainsi la preuve que le Liban « peut défaire et vaincre le terrorisme takfiri où qu'il soit ».
La justice
Pour leur part, les anciens ministres de la Justice Samir el-Jisr et Chakib Cortbawi ont souligné que ces mesures accéléreront le processus judiciaire destiné à juger tous les détenus jihadistes qui ont participé aux combats de Nahr el-Bared, en 2008.
De source judiciaire, on précise qu'il ne reste plus à Roumieh que 35 détenus islamistes sans jugements. Toutefois, après les affrontements entre les jihadistes et l'armée à Ersal, en août 2014, et la prise d'otages qui a suivi, les inculpés ont commencé à refuser de se rendre aux audiences de la Cour de justice, qui se tiennent tous les vendredis, dans l'espoir que leur libération sera négociée avec le gouvernement. La suite des développements permettra-t-elle de mettre fin à ce dysfonctionnement ? La réaction des jihadistes dans le Qalamoun et celle de leurs parents au Liban le diront dans les prochains jours.
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