The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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April 10, 2015

L'orient le jour - Al-Jadeed devant le TSL le 16 avril, April 10, 2015



Scarlett Haddad




Jeudi prochain s'ouvre devant le TSL le procès de la chaîne al-Jadeed et de Karma Khayat pour outrage au tribunal et entrave au cours de la justice, en toute connaissance de cause. (Le quotidien al-Akhbar et Ibrahim el-Amine sont aussi impliqués dans ce procès, mais ils ont décidé de boycotter le TSL dans son ensemble).
Les deux médias libanais ont été mis en cause dans un acte d'accusation publié par le TSL à cause de la diffusion et de la publication en août 2014 de la liste des témoins secrets de l'accusation. L'acte d'accusation s'est basé sur les dispositions de l'article 60 bis des règles de procédure du TSL. Beaucoup de critiques ont été adressées au tribunal en raison de ces accusations, d'autant qu'elles sont portées contre des médias plus ou moins critiques à l'égard du TSL et pourraient donc être interprétées comme une atteinte à la liberté de la presse et une tentative de museler les médias sceptiques au sujet de l'efficacité du TSL.

Pour ceux qui critiquent le procès des médias libanais devant le TSL, aussi bien al-Jadeed que le quotidien al-Akhbar n'ont fait que leur métier en cherchant à faire des scoops et c'est la personne qui est à l'origine de la fuite qui doit être sanctionnée. Le TSL devrait donc commencer par voir d'où vient la fuite et de punir le coupable avant de s'en prendre aux journalistes d'al-Jadeed et d'al-Akhbar, qui sont les rares médias libanais à se spécialiser dans le journalisme d'investigation dont l'essence même est la recherche d'informations cachées.
Des sources proches du TSL répondent à cet argument en affirmant qu'une enquête interne a été menée au sujet de la source des informations publiées par les deux médias et elle n'a pas montré que les fuites proviennent du tribunal. Par ailleurs, ce qui compte aux yeux du TSL, c'est que la publication de ces informations, notamment la liste des témoins secrets de l'accusation, peut mettre en danger la vie de ces derniers et pourrait être interprétée comme une tentative d'intimidation de ces témoins. C'est par ce biais que le TSL considère que la publication de ces informations constitue un outrage au TSL et une tentative d'entraver le cours de la justice.

Les défenseurs des deux médias protestent aussitôt en invoquant le fait que d'autres médias locaux, arabes et internationaux ont aussi publié des informations secrètes concernant l'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri et ses résultats, et ils n'ont pourtant pas été inquiétés. On se souvient par exemple des articles du quotidien koweïtien as-Siyassa ou encore de ceux de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel ou même du reportage détaillé de la chaîne canadienne CBC. Il est donc assez curieux de voir que seuls les médias critiques à l'égard du TSL ont été mis en cause. Est-ce une simple coïncidence ? À cet argument, les sources proches du TSL précisent que les juges du TSL ont un pouvoir discrétionnaire pour considérer qu'il y a eu outrage au TSL et entrave au cours de la justice ou non. Mais de toute façon, les informations publiées par ces médias ne mettaient pas en danger les témoins secrets et, par conséquent, elles ne constituent pas un outrage au TSL ni une entrave à la justice.

Reste la question de la compétence du TSL pour juger l'action des médias, qui a d'ailleurs été soulevée par les avocats de la défense, sous prétexte que le TSL a été formé pour juger les assassins de Rafic Hariri et non les médias libanais. Mais là aussi, le TSL a retenu sa compétence parce que les deux affaires sont étroitement liées et que l'intimidation ou la menace à l'égard des témoins fait partie du procès principal qui est celui des assassins de Rafic Hariri. C'est pourquoi le TSL se considère comme compétent pour juger les médias et rejette la proposition faite par le président du syndicat des rédacteurs, Élias Aoun, qui avait réclamé, au cours d'une rencontre avec le président du TSL de l'époque, David Baragwanath, que les médias libanais soient jugés par les tribunaux libanais, sachant qu'au Liban il existe une instance judiciaire spéciale pour les médias, le tribunal des imprimés.
Il y a même eu un débat sur la compétence du TSL pour juger les personnes morales, comme la société al-Jadeed ou celle propriétaire du quotidien al-Akhbar « et finalement il a été décidé de considérer que le mot "personne" qui figure dans les règles de procédure du TSL englobe les personnes morales et physiques ».

Les sources proches du TSL rejettent aussi les accusations de prolongation et de perte de temps lancées contre ce tribunal, expliquant que le procureur a une stratégie qui lui est propre et qui se divise en trois parties : la première porte sur le jour de l'assassinat le 14 février 2005 ; la deuxième, qui se déroule actuellement, porte sur le contexte politique, et la troisième sera consacrée aux indices qui mettent directement en cause les cinq accusés. La défense aura ensuite le temps d'exposer sa propre stratégie. Il ne s'agit donc pas de perdre du temps, mais au contraire de donner toutes ses chances à la justice. En tout cas, le procès des médias ne retarde pas le processus judiciaire, puisqu'il se déroule en parallèle.

C'est donc dans ce contexte que s'ouvrira le procès d'al-Jadeed et d'al-Akhbar jeudi prochain à La Haye. Ce jour-là, le procureur devrait commencer par faire son exposé des faits et la défense aura le droit de répondre rapidement dans les généralités. Ensuite, le procureur aura trois jours pour exposer ses indices, alors que la défense aura aussi trois jours, du 12 au 15 mai. Ensuite, chaque partie aura 15 jours pour présenter ses conclusions et il faudra alors attendre le verdict. Les sources proches du TSL précisent qu'il y a une possibilité que les médias libanais soient acquittés, cela dépendra de l'opinion des juges. Mais dans le tribunal international pour l'ex-Yougoslavie par exemple, il y avait 20 cas d'outrage au tribunal, dont deux ont été acquittés. Rien n'est donc joué.

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