Suzanne Baaklini
Dans la région du Chahhar, où se trouve la décharge de Naamé, la journée d'hier a été riche en rebondissements. Il semble que les obstacles à la mise en œuvre du plan du ministre de l'Agriculture Akram Chehayeb pour une sortie de la crise des déchets, prévoyant notamment une réouverture de la décharge pour sept jours, soient loin d'être aplanis. Même si, selon nos informations, un début d'implantation de la phase urgente (collecte des ordures amoncelées) du plan pourrait avoir lieu en milieu de semaine.
Au Chahhar, donc, une journée de prises de position, de part et d'autre. D'un côté, une réunion des municipalités du Chahhar s'est tenue à Aïn Drafil (le village qui accueille plus de 90 % du site) pour appuyer le plan Chehayeb. Ce n'est pas la première fois que les municipalités de la région se déclarent favorables à une réouverture du site pour sept jours, le temps d'y déposer les dizaines de milliers de tonnes d'ordures dispersées dans les rues depuis la fermeture de ce même site, le 17 juillet dernier.
Au cours de cette réunion, le moukhtar de Aïn Drafil, Joseph Abou Sleimane, auparavant un farouche opposant à la réouverture, a parlé d'une « attitude positive mue par un sentiment de responsabilité nationale ». Un communiqué au nom de toutes les municipalités qui entourent la décharge a été lu par le président de la Fédération des municipalités du Gharb et du Chahhar, Walid Aridi. Celui-ci a réaffirmé « le soutien au plan national de gestion des déchets dans sa forme globale, c'est-à-dire avec l'ouverture simultanée des décharges à Srar (Akkar) et dans une zone limitrophe de la Syrie dans la Békaa ».
Un niet sans équivoque à Naamé
D'un autre côté, une nette escalade a été observée en soirée aux portes de la décharge de Naamé : un sit-in de plusieurs dizaines de personnes a été organisé à l'initiative de la Campagne pour la fermeture de la décharge de Naamé, avec la participation significative d'un grand nombre de collectifs du mouvement civil, dont des écologistes. Le refus de la réouverture de ce site était unanime, avec une annonce centrale faite par Paul Abi Rached au nom du mouvement civil et du Mouvement écologique libanais (rassemblement d'une soixantaine d'ONG, qu'il préside). Aujourd'hui lundi, un plan alternatif « global » devrait être annoncé par le mouvement civil à 13h au siège de l'Agenda culturel. Un plan dont M. Abi Rached n'a pas voulu annoncer les contours, mais qui, selon lui, « éviterait aux habitants du Chahhar la coupe amère d'une réouverture de la décharge, et à d'autres régions l'éventualité de vivre le scénario de Naamé ».
À L'Orient-Le Jour, l'écologiste a expliqué que « le plan alternatif, établi avec l'aide de cinq experts, visera à privilégier le stockage et le traitement des ordures accumulées durant deux mois, au lieu de les placer telles quelles dans la décharge de Naamé ». À moyen terme, le plan du mouvement civil consistera à tenter d'éviter l'établissement de décharges en dehors de Beyrouth et du Mont-Liban, « par une optimisation des infrastructures existantes et une grande campagne en faveur d'un tri à la source, qui rendra cette pratique obligatoire et qui commencera dès le premier jour (de mise en œuvre du plan), et non après dix-huit mois » comme prévu dans le plan Chehayeb. Il a assuré que beaucoup d'autres détails seront donnés aujourd'hui.
Paul Abi Rached a affirmé à L'Orient-Le Jour que le Mouvement écologique libanais est prêt, si le mouvement civil le décide, à discuter de ce plan avec les membres de la commission présidée par Akram Chehayeb. « Dans nos discussions passées, nous avons surtout parlé de la phase durable du plan Chehayeb, nous n'étions pas encore dans un contexte de refus systématique des régions, dit-il. Aujourd'hui, nous assumons la responsabilité de préparer un plan B, parce que le plan fondé sur les décharges ne passera pas, et que des solutions plus écologiques sont envisageables. »
Quelque 15 000 tonnes parties en fumée ?
Du côté de la commission d'experts présidée par le ministre Akram Chehayeb, Bassam el-Kantar, qui en est membre, souligne que « la commission estime que le nouveau mouvement de protestation à Naamé est de nature politique plutôt qu'écologique, dirigé contre le plan (Chehayeb) ». À L'Orient-Le Jour, il avance pour preuve le fait que « la commission a fait savoir aux écologistes qu'elle est prête à expérimenter les alternatives qu'ils présentent – à savoir les traitements par tri et compostage des ordures anciennes ou le traitement par des produits biologiques pour combattre les émanations et les odeurs, en prévision d'un stockage – sur une partie des ordures qui seront collectées, à condition que le reste soit envoyé à Naamé pour enfouissement, comme prévu, en vue de régler la crise urgente avant la pluie ».
« Or, poursuit-il, nous n'avons reçu aucune réponse de leur part. C'est comme si tout ce dialogue avec les acteurs concernés n'avait jamais eu lieu. » Il déplore le fait que 15 000 tonnes de déchets, selon les estimations, seraient déjà parties en fumée, dans des pratiques d'incinération sauvage, produisant des fumées hautement cancérigènes du fait de la nature des matières brûlées.
Paul Abi Rached réfute ces accusations. « Quand nous avons été invités au débat, nous avons surtout discuté de la phase durable du plan, c'est-à-dire après les 18 mois de résolution urgente de la crise, dit-il. Or nous ne sommes même pas sûrs que les modifications que nous avions réussi à arracher, comme celle du refus de l'incinération, ont été incorporées au plan, puisque la décision du Conseil des ministres n'a pas été amendée, ni des décrets d'application adoptés. »
Bassam el-Kantar déclare, pour sa part, que la mise en place du plan Chehayeb, notamment dans sa phase très urgente (collecte des tonnes d'ordures amoncelées dans les rues), devrait débuter en milieu de semaine, mais tout dépendra de l'évolution du mouvement civil. Le gouvernement, selon lui, malgré l'urgence de la situation, n'est pas favorable à une réouverture de la décharge de Naamé par la force. Il souligne que « le niveau d'acceptation du plan dans les milieux locaux de la région qui accueille la décharge est élevé, mais les protestataires de la région ont été rejoints par les membres actifs du mouvement civil, ce qui a changé la donne pour le moment ».
La réponse de Chehayeb
Auparavant, samedi, le ministre de l'Agriculture Akram Chehayeb a publié un communiqué dans lequel il a clarifié certains points relatifs aux différences entre le plan présenté par sa commission d'experts et le « plan d'état d'urgence environnementale » présenté par le mouvement civil. Dans son texte, le ministre commence par rappeler que « la décision du Conseil des ministres, datant du 9 septembre, d'adopter le plan de la commission d'experts avait été précédée par la discussion du brouillon du plan avec la plupart des associations et des experts environnementaux, lesquels ont présenté des suggestions dont certaines ont été adoptées, et d'autres jugées inapplicables ».
Le ministre Chehayeb a estimé que les usines de tri de la Quarantaine et de Amroussié sont suffisantes pour la capitale et le Mont-Liban. Pour lui, les décharges restent l'option la plus viable pour la période de transition de 18 mois (jusqu'à ce que les municipalités prennent le dossier en charge), contrairement à l'option préférée par le mouvement civil, à savoir le compostage des matières organiques à l'air libre, puis l'utilisation du compost pour réhabiliter les carrières désaffectées. « Mais rien n'empêche les municipalités et fédérations de municipalités à mettre de telles pratiques en application et de réduire, par le fait même, le volume de déchets à envoyer aux décharges », poursuit-il.
M. Chehayeb s'attarde sur un dernier point critiqué par le mouvement civil : la prorogation de 18 mois du contrat de Sukleen pour le ramassage, le balayage et le transport. Le ministre estime que la compagnie est la seule à détenir l'infrastructure nécessaire pour ce travail, sachant que le moindre appel d'offres pour de nouveaux contrats nécessite trois mois au moins. « De toute façon, nous ne tenons pas à cette proposition, poursuit-il. Les municipalités peuvent lancer des appels d'offres pour le balayage, la collecte et le transport, afin que nous mettions fin progressivement aux services de Sukleen. »
Il s'est enfin demandé si « certains de ceux qui profitent de la situation, et qui ne sont pas des écologistes, veulent maintenir et utiliser le dossier des déchets comme carte de pression contre les Libanais ».
Les mouvements de protestation contre les décharges se poursuivent dans les différentes régions qui doivent accueillir une partie des déchets du pays.
Plusieurs réunions ont notamment eu lieu hier au Akkar contre la construction d'une décharge à Srar. L'une d'elles a été organisée par le député Khaled Daher, qui a assuré « qu'aucun camion transportant des ordures n'entrera au Akkar ». Il s'est par ailleurs dit « chagriné que le gouvernement ait pensé au Akkar plutôt qu'au Sud, à la Békaa ou Baalbeck, pour y installer une décharge ».
Pour sa part, le conseil civil du Akkar a tenu une réunion pour annoncer « son refus systématique de tout accueil de déchets produits hors du caza ».
À Majdel Anjar (Békaa), des habitants en colère sont descendus dans la rue pour annoncer leur refus de l'établissement d'une décharge dans la chaîne de montagnes de l'Anti-Liban, « riche en eau », ont-ils dit. Ils ont menacé, au cas où le gouvernement exécuterait son plan, de couper les routes pour empêcher les camions d'atteindre leur destination.
Enfin, l'ancien président du conseil municipal de Saïda, Abdel Rahman Bizri, a réitéré son refus de l'envoi de 300 tonnes quotidiennes à l'usine de traitement de la ville tant qu'une décharge pour les déchets inertes n'a pas été trouvée par le gouvernement.
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