L'association Reporters sans frontière (RSF) a dénoncé lundi la condamnation par le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) de la rédactrice en chef adjointe et la vice-présidente du conseil d'administration de la chaîne al-Jadeed, Karma Khayat, demandant sa relaxe.
Cette dernière a été jugée, vendredi dernier, coupable d'avoir entravé l'administration de la justice. Toutefois, le chef d'accusation d'outrage au tribunal n'a pas été retenu par le TSL, chargé de juger les assassins de Rafic Hariri. La chaîne, accusée d'avoir diffusé dans des reportages des informations sur des témoins protégés dans l'enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre, a été acquittée, le procureur n'ayant pu apporter des éléments suffisants pour l'incriminer.
La peine de Mme Khayat, reconnue coupable de ne pas avoir retiré les reportages du site Internet de la chaîne lorsque le tribunal le lui avait demandé, sera déterminée lors d'une audience le 28 septembre. Elle encourt une peine maximale de 7 ans de prison et / ou 100 000 euros d'amende. La défense a 15 jours pour faire appel du verdict.
« La journaliste aurait dû être acquittée, déclare Alexandra el-Khazen, responsable du bureau Moyen-Orient et Maghreb de RSF. Cette condamnation est une aberration, puisque ce n'est pas la diffusion des reportages qui a été sanctionnée mais plutôt le non-retrait des informations diffusées. Cette journaliste a fait son travail en enquêtant sur un sujet d'importance nationale dans le but d'informer le public et non pas d'entraver le travail du tribunal. RSF invite donc le TSL à revenir sur sa décision puisque la peine encourue pour la journaliste n'est pas proportionnée à l'objectif poursuivi. »
RSF prévient sur son site que « l'issue de ce procès est décisive pour l'activité journalistique au Liban puisqu'elle détermine dans quelles mesures la restriction au droit à l'information est justifiée ». L'ONG rappelle dans ce contexte que le Liban figure à la 98e place de son classement 2015 de la liberté de la presse.
RSF rappelle également que « le Conseil national de l'audiovisuel au Liban, consulté par la chaîne al-Jadeed dès la réception de la demande du TSL de cesser la diffusion des reportages, avait assuré que les reportages n'enfreignaient pas la législation libanaise ».
Contactée par RSF, la porte-parole du TSL, Wajd Ramadan, a précisé que « le juge avait considéré que la journaliste avait été notifiée de la demande du tribunal à travers plusieurs canaux et avait donc la possibilité de retirer ses reportages, mais qu'elle avait choisi » délibérément « de ne pas respecter la demande ».
Réagissant au verdict, Karma Khayat avait estimé que « l'acquittement (d'al-Jadeed) signifie que le TSL nous a fait perdre notre temps et a perturbé notre travail pendant deux ans. Au final, nous avions raison ». Et de poursuivre : « Quant à ma condamnation pour entrave à la justice, un seul email ne peut pas être considéré comme une preuve suffisante contre moi, le TSL a pris cette décision pour sauver les apparences. »
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