Pour que la cause des personnes disparues au Liban ne tombe pas dans l'oubli, l'ONG Act for the Disappeared a lancé le projet « Fus'hat amal »*. Dans ce cadre, nous publions une série de témoignages fictifs qu'auraient apportés des Libanais arrachés à leur milieu familial et social.
OLJ
02/11/2016
En septembre 1985, à l'appel du comité de recherches créé au sein de l'Université libanaise, les cours ont été suspendus pendant une heure sur plusieurs campus de l'UL. Cette action symbolique ainsi que le rassemblement qui a eu lieu le même jour avaient été organisés pour réclamer la libération de plusieurs professeurs qui avaient été kidnappés : Maha Hourani, Raji Khoury et Gergi Hanna. Mon nom est Gergi. Je suis l'un des enseignants enlevés. J'étais professeur en ingénierie électrique. Grâce à une bourse, j'avais pu effectuer mes études en Allemagne, où j'avais obtenu ma thèse et rencontré ma femme, Barbara. Après douze ans, nous avons décidé mon épouse et moi de rentrer au Liban avec notre fille Doris. Nous vivions à Jeddayel, à proximité de Jbeil. Nous nous rendions à Beyrouth tous les jours pour les besoins de notre travail : Barbara donnait des cours à l'Institut Amlieh et moi à la faculté des sciences de Hadeth. Nous avons fini par louer une maison à Saqiet el-Janzir, la navette entre Jbeil et Beyrouth étant devenue très dangereuse. Lorsque Beyrouth a été assiégée par les Israéliens, ma femme et mes deux filles sont parties se réfugier dans notre maison à Jeddayel, avant de repartir pour l'Allemagne pour permettre à nos filles de poursuivre leurs études scolaires le temps que la situation se calme à Beyrouth. Le 10 septembre 1985, deux jours avant leur retour au Liban, j'ai été enlevé. Je rentrais du campus de la faculté des sciences, temporairement déplacé près de l'Unesco. Ma voiture a été arrêtée à Tallet el-Khayat par des hommes armés en poste au barrage érigé en face de Télé-Liban. Ce n'est que dix ans plus tard que mes proches ont réussi à avoir de mes nouvelles. Un prisonnier libéré de Syrie est entré en contact avec eux. Il leur a dit que je me trouvais dans la même geôle que lui. Il leur a raconté que j'avais été détenu deux ans au Liban avant d'être transféré à la prison de Mazzé, en Syrie. À la suite de ces terribles révélations, mes proches se sont rendus à Mazzé. Ils ont pu voir mon nom sur les registres de la prison, mais n'ont pas été autorisés à me rencontrer. Pour toute explication, on leur a simplement dit que j'avais été accusé d'espionnage et condamné à perpétuité. Malgré la mobilisation de ma famille, mes amis, mes collègues et mes étudiants, je n'ai jamais été libéré. Mon nom est Gergi Hanna. Ne laissez pas mon histoire s'interrompre ici.
*« Fus'hat amal » est une plateforme numérique qui rassemble les histoires des personnes disparues au Liban. Le projet est financé par le Comité international de la Croix-Rouge, l'Union européenne, le National Endowment for Democracy et la Fondation Robert Bosch. Des histoires d'autres personnes ayant disparu durant la guerre sont disponibles sur le site Web de Fus'hat amal à l'adresse: www.fushatamal.org Si vous êtes un proche d'une personne disparue, vous pouvez partager son histoire sur le site du projet ou contacter Act for the Disappeared aux 01/443104, 76/933306.
OLJ
02/11/2016
En septembre 1985, à l'appel du comité de recherches créé au sein de l'Université libanaise, les cours ont été suspendus pendant une heure sur plusieurs campus de l'UL. Cette action symbolique ainsi que le rassemblement qui a eu lieu le même jour avaient été organisés pour réclamer la libération de plusieurs professeurs qui avaient été kidnappés : Maha Hourani, Raji Khoury et Gergi Hanna. Mon nom est Gergi. Je suis l'un des enseignants enlevés. J'étais professeur en ingénierie électrique. Grâce à une bourse, j'avais pu effectuer mes études en Allemagne, où j'avais obtenu ma thèse et rencontré ma femme, Barbara. Après douze ans, nous avons décidé mon épouse et moi de rentrer au Liban avec notre fille Doris. Nous vivions à Jeddayel, à proximité de Jbeil. Nous nous rendions à Beyrouth tous les jours pour les besoins de notre travail : Barbara donnait des cours à l'Institut Amlieh et moi à la faculté des sciences de Hadeth. Nous avons fini par louer une maison à Saqiet el-Janzir, la navette entre Jbeil et Beyrouth étant devenue très dangereuse. Lorsque Beyrouth a été assiégée par les Israéliens, ma femme et mes deux filles sont parties se réfugier dans notre maison à Jeddayel, avant de repartir pour l'Allemagne pour permettre à nos filles de poursuivre leurs études scolaires le temps que la situation se calme à Beyrouth. Le 10 septembre 1985, deux jours avant leur retour au Liban, j'ai été enlevé. Je rentrais du campus de la faculté des sciences, temporairement déplacé près de l'Unesco. Ma voiture a été arrêtée à Tallet el-Khayat par des hommes armés en poste au barrage érigé en face de Télé-Liban. Ce n'est que dix ans plus tard que mes proches ont réussi à avoir de mes nouvelles. Un prisonnier libéré de Syrie est entré en contact avec eux. Il leur a dit que je me trouvais dans la même geôle que lui. Il leur a raconté que j'avais été détenu deux ans au Liban avant d'être transféré à la prison de Mazzé, en Syrie. À la suite de ces terribles révélations, mes proches se sont rendus à Mazzé. Ils ont pu voir mon nom sur les registres de la prison, mais n'ont pas été autorisés à me rencontrer. Pour toute explication, on leur a simplement dit que j'avais été accusé d'espionnage et condamné à perpétuité. Malgré la mobilisation de ma famille, mes amis, mes collègues et mes étudiants, je n'ai jamais été libéré. Mon nom est Gergi Hanna. Ne laissez pas mon histoire s'interrompre ici.
*« Fus'hat amal » est une plateforme numérique qui rassemble les histoires des personnes disparues au Liban. Le projet est financé par le Comité international de la Croix-Rouge, l'Union européenne, le National Endowment for Democracy et la Fondation Robert Bosch. Des histoires d'autres personnes ayant disparu durant la guerre sont disponibles sur le site Web de Fus'hat amal à l'adresse: www.fushatamal.org Si vous êtes un proche d'une personne disparue, vous pouvez partager son histoire sur le site du projet ou contacter Act for the Disappeared aux 01/443104, 76/933306.
Source & Link : L'orient le jour
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