« Suivez la rivière, vous ne vous perdrez pas. C’est là-bas que les égouts se déversent à ciel ouvert. Ils vont jusqu’à la mer », s’exclame une femme voilée qui travaille dans une plantation sous serre. Elle habite à côté du cours d’eau pollué. Son fils, Moussa Issa, qui plante avec elle concombres et tomates, assure que l’eau utilisée pour l’irrigation est propre : elle vient d’un puits artésien, creusé depuis de longues années à côté de la rivière.
La scène se passe à Jiyé. Mais elle est commune à plusieurs localités libanaises situées le long du littoral. Diverses régions manquent encore d’un réseau d’égout et peu de stations d’épuration des eaux usées ont été construites. Ainsi, les égouts, aux eaux sales et souvent chargées de pollutions diverses, se déversent directement dans la mer, depuis des années.
À Jiyé, connue en été pour ses stations balnéaires, le Conseil du développement et de la reconstruction a mis en place une station d’épuration des eaux mais elle n’est toujours pas opérationnelle. Des employés, des ingénieurs y travaillent juste pour la maintenance du site.
« La station a été achevée en 2006, juste avant la guerre. Mais les villages qu’elle devait desservir ne disposent pas encore d’un réseau d’égout. Ils ne peuvent donc pas être reliés à la station. Jusqu’à présent, les eaux usées de Jiyé et des localités alentour d’Iklim el-Kharroub vont directement à la mer », explique le président du conseil municipal de Jiyé, Georges Azzi.
« Une partie des égouts de Barja (importante localité d’Iklim el-Kharroub) se déverse chez nous en longeant le cours de la rivière. Le pire problème se pose en été. Ce cours d’eau débouche en effet juste sur la plage qui abrite les centres balnéaires les plus prisés du pays. Nous avons trouvé une solution en déviant en été le cours d’eau », indique-t-il.
Durant la saison estivale, les eaux sales se déversent toujours sur la plage, à quelques kilomètres des stations balnéaires, loin du regard des estivants, à proximité de la station d’épuration qui n’est toujours pas fonctionnelle !
« Il y a quelques mois, l’État a commencé à construire un réseau d’égout au village. Le travail devrait prendre deux ans », affirme également M. Azzi. Cela suffira-t-il ?
Le problème de l’inexistence d’un réseau d’égout est crucial pour les immeubles qui comptent des dizaines d’appartements. « Parfois les habitants ne veulent pas payer les charges pour vider la fosse septique de l’immeuble qui déborde alors sur la route », s’insurge Sana’ Azzi, employée municipale.
« Paradoxalement, ce problème ne se pose pas dans les petits immeubles ou les maisons individuelles, qui produisent moins de déchets. La qualité du sol à Jiyé est sablonneuse et les eaux usées sont vite absorbées par la terre », explique encore le président du conseil municipal de la localité.
Nabil Daouk fume son narguilé. Il est venu rendre visite à des amis qui ont ouvert un atelier de réparation de voitures à côté de la rivière polluée. L’air n’est pas très bon à respirer, et selon les personnes présentes, l’odeur s’accentue au coucher du soleil et en été bien sûr.
Nabil habite Barja. Il raconte : « Aucun réseau d’égout ne couvre la région. Toutes les deux semaines je suis obligé de vider la fosse septique de mon immeuble. Le chauffeur de la citerne qui pompe la fosse exige 75 000 livres pour un seul trajet et il faut compter trois à quatre trajets pour vider la fosse, soit un total de 300 000 livres... »
Un trajet pour aller où ? De l’immeuble jusqu’à la plage où une sorte de grande fosse a été construite, les eaux usées se déversant ultérieurement dans la mer.
En attendant l’achèvement de ces travaux à Iklim el-Kharroub et sur le littoral du Chouf, Moussa et sa mère continueront à vendre leurs tomates et concombres au prix fort sur les marchés de Saïda et de Beyrouth.
NDLR : Cet article a été rédigé dans le cadre du programme « Médias au service du développement », destiné aux journalistes de la presse écrite, du web et des médias audiovisuels. Sa rédaction a été possible grâce à un partenariat entre le PNUD, l’AFP et CFI.
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