Une célébration en l’honneur du journaliste
libanais du « New York Times » décédé en Syrie a eu lieu, hier, à
Beyrouth, en présence de ses proches et collègues.
Sur les murs, des photos d’Anthony Shadid défilent lentement. La
chapelle de l’Université américaine de Beyrouth se remplit peu à peu, jusqu’aux
derniers rangs. Près de l’estrade, les proches du journaliste américain
d’origine libanaise décédé la semaine dernière à la frontière syrienne se
consolent, sous les flashs de quelques photographes et le rougeoiement des
luminaires.La cérémonie s’est tenue hier soir, sobre, laïque, sans musique. Avant que ses proches prennent la parole, quelques vidéos d’Anthony présentent rapidement son travail depuis plus de quinze ans. Journaliste, grand reporter du New York Times, directeur du bureau de Beyrouth, après avoir collaboré avec le Washington Post et le Boston Globe, lauréat de deux prix Pulitzer, Anthony Shadid est notamment connu pour ses reportages sur l’invasion américaine de l’Irak en 2003 et la mise en valeur du point de vue des victimes civiles.
« Quand nous étions enfants, raconte son frère Damon, son jeu préféré était l’exploration. Je pense que ça n’a jamais changé. » Décédé d’une crise d’asthme alors qu’il venait d’arriver clandestinement en Syrie, Anthony Shadid devait couvrir la crise syrienne et enquêter sur les opposants au régime de Bachar el-Assad. « Il avait pris la décision de se rendre en Syrie en connaissance de cause, assure Tyler Hicks, photographe du New York Times présent avec Shadid. Pour lui, c’était important que le monde sache ce qui se passe en Syrie. Il était dans son élément. »
Depuis janvier 2011, Anthony Shadid a couvert les révolutions arabes, de la place Tahrir à Benghazi, ayant même été pris en otage plusieurs jours en Libye par des forces loyalistes. « Il connaissait les risques et a décidé d’y aller, confirme Jill Abrahamson, directrice du New York Times. Il était simplement le meilleur reporter de sa génération. »
« Pendant de nombreuses années, j’ai fait le cauchemar qu’Anthony soit blessé, souffle Buddy Shadid, le père d’Anthony, dans un sanglot. J’ai voulu le sauver, mais je n’ai pas pu. » À l’extérieur, la nuit est tombée depuis longtemps, assombrissant la salle silencieuse.
« Anthony Shadid était une raison de fierté pour les Libanais, une fierté que nous partagions avec les États-Unis », a continué Antoine Shadid, ambassadeur du Liban aux États-Unis et représentant du Premier ministre Nagib Mikati, avant de laisser la parole aux collègues d’Anthony, puis à sa femme. Quelques chandelles ont ensuite été allumées à la sortie de la chapelle.
Attaché à ses origines, il avait racheté et fait reconstruire depuis 2009 la maison familiale de Marjeyoun, au sud du Liban. Dans un ouvrage à paraître au printemps, House of Stone, Anthony Shadid revenait sur son identité et sa relation avec son pays d’origine. « En arabe, le mot “Beit” signifie littéralement “maison”, mais sa connotation résonne bien au-delà des murs et des pièces. Elle comprend la sensation d’être ensemble, en famille, chez soi. Au Moyen-Orient, “Beit” est sacré. Les empires tombent. Les nations vacillent. Les frontières peuvent changer. Les anciennes alliances se dissoudre ou, sans prévenir, se modifier. La maison, si elle est construite sur une terre familière, constitue en fin de compte une identité qui ne s’efface pas. »
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