The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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March 15, 2012

L'Orient Le Jour - Le drame d’Alem, employée de maison éthiopienne, qui n’a pas eu droit à une seconde chance, March 15, 2012


La ressortissante éthiopienne victime de maltraitance aux portes de l’ambassade d’Éthiopie s’est suicidée hier à l’aube à l’hôpital psychiatrique du couvent de la Croix, où elle était internée.
Elle s’appelait Alem Dechasa. Elle avait 33 ans, un époux et deux enfants. Elle était de nationalité éthiopienne. Elle appartenait à la catégorie silencieuse de ces employées de maison étrangères qui subissent en silence l’injustice d’un système libanais irrespectueux de leurs droits. Un système qui ferme littéralement les yeux sur leurs conditions d’embauche et de travail, souvent proches de l’esclavage. Hier, à l’aube, Alem a été retrouvée morte dans sa chambre à l’hôpital psychiatrique du couvent de la Croix. Elle s’est étranglée avec ses draps ou sa couverture. Un suicide inexpliqué, selon Carole, porte-parole du consulat d’Éthiopie au Liban, qui s’exprimait à lorientlejour.com.

Quelques jours plus tôt, Alem avait été la malheureuse « vedette » d’un reportage diffusé par la chaîne télévisée LBCI, qui a provoqué un vaste mouvement d’indignation dans le pays et n’a pas manqué d’enflammer les réseaux sociaux. Étendue par terre devant le consulat d’Éthiopie à Badaro, elle pleurait, criait et se débattait face à un homme qui la maltraitait, avant de la traîner sans ménagement, puis de la pousser de force dans une voiture dont le numéro d’immatriculation a été relevé.

Cet homme a été identifié comme étant Ali Mahfouz, employé d’un bureau de recrutement d’employées de maison dont le propriétaire est Chadi Mahfouz. Résultat : la classe politique tout entière s’est mobilisée, dénonçant à grands cris cet acte de maltraitance flagrante et promettant de sanctionner le coupable.

Mais qu’est-ce qui a poussé Alem Dechasa à se suicider et que faisait-elle à l’hôpital psychiatrique du couvent de la Croix ?

Un surendettement lourd à supporter
Le geste d’Alem n’est autre que le geste de désespoir d’une femme surendettée, qu’on voulait renvoyer de force dans son pays sous prétexte que son travail laissait à désirer, explique Betty, une employée éthiopienne de Caritas. C’est dans le cadre de l’aide sociale fournie par l’organisation où elle travaille, notamment auprès de l’hôpital gouvernemental psychiatrique des sœurs du couvent de la Croix, que Betty porte assistance à ses compatriotes en difficulté. « Je lui ai rendu visite à l’hôpital psychiatrique le 5 mars, pour la première fois. Elle y a été internée après l’incident qui s’est déroulé devant le consulat d’Éthiopie », explique-t-elle.

Alem n’était au Liban que depuis deux mois. Recrutée par le bureau de placement de Chadi Mahfouz, elle a d’abord été placée dans une famille pour un mois. « Elle était satisfaite de ses conditions de travail et aurait bien voulu rester dans cette famille », note Betty, racontant l’histoire d’Alem. « Mais il semble que son employeur n’était pas satisfait de son travail. Ils l’ont “rendue” au bureau, sous prétexte qu’elle n’était pas propre », souligne-t-elle. Replacée dans une seconde famille, Alem a bien demandé à retourner chez ses premiers employeurs. Mais elle n’avait visiblement pas droit au chapitre. Car le responsable du bureau de placement a tout bonnement décidé de la renvoyer en Éthiopie, sans la consulter.

Pour la jeune femme, il était hors de question de rentrer bredouille au pays, alors qu’elle avait contracté une énorme dette pour venir travailler au Liban et qu’elle était le seul soutien financier de sa famille et de ses enfants. « Elle était obnubilée par les dettes qu’elle devait rembourser, affirme Betty. Elle pensait aussi sans arrêt à ses enfants, auxquels elle devait à tout prix envoyer de l’argent. » Elle a donc refusé de se rendre à l’aéroport. Mais entre le bureau de recrutement et l’Éthiopienne le dialogue semblait rompu. « Elle ne pouvait expliquer sa situation, car elle ne parlait ni ne comprenait un traître mot d’arabe », indique Betty. « Et puis elle était frappée et maltraitée au bureau, comme elle l’a raconté, poursuit-elle. Elle a donc essayé d’ingurgiter de l’eau de Javel, pour attirer l’attention sur sa situation. »

L’internement psychiatrique, une solution ?
Betty ne peut s’empêcher de faire part de son étonnement que sa compatriote se soit suicidée, à l’hôpital de la Croix. « Je ne comprends pas son geste. »

Un geste que n’a pas non plus compris le consul d’Éthiopie au Liban, encore sous le choc, après s’être rendu sur les lieux de l’incident, comme l’a raconté la porte-parole du consulat à lorientlejour.com.

Face à ce drame, il est légitime de se demander pour quelles raisons Alem Dechasa a été internée à l’hôpital psychiatrique de la Croix et pourquoi la jeune femme n’a pas eu droit à une seconde chance, sur le plan professionnel. A-t-elle été internée pour innocenter son bourreau, Ali Mahfouz, qui, après avoir nié son geste, a accusé sa victime d’avoir tenté de se suicider et d’avoir refusé de rentrer chez elle ? L’enfermement psychiatrique était-il le seul moyen de trouver une solution au problème de la qualification professionnelle de la malheureuse ?

Le consulat d’Éthiopie, qui n’a pas porté assistance à la ressortissante éthiopienne, lorsqu’elle était maltraitée devant l’immeuble, « par manque d’agents de sécurité », semble être à l’origine de la décision d’internement de la malheureuse. La vice-consule, Yeshi Temrat, a même indiqué à lorientlejour.com qu’Alem « souffrait de troubles mentaux très graves ». Elle avait donc conseillé à son employeur, responsable de l’agence de recrutement, « de la transporter à l’hôpital psychiatrique du couvent de la Croix, où elle sera prise en charge par des professionnels ». Une décision qu’une responsable de l’hôpital en question, sœur Rima Akiki, a formellement refusé de commenter à L’Orient-Le Jour. « Nous sommes tenus par le secret professionnel », a-t-elle juste indiqué.

La décision a malheureusement été fatale à Alem. L’employeur, lui, est toujours en liberté.


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