Le drame des parents des disparus au Liban et des détenus
dans les prisons syriennes s’éternise. La tragédie de ces familles se poursuit
depuis plus de trois décennies, « marquées par une politique de négligence
et de marginalisation », de l’aveu même du comité des parents des disparus
au Liban, du comité des parents des détenus libanais dans les prisons syriennes
et de Solide (soutien aux Libanais en détention et en exil).
Quelques développements ont toutefois été constatés récemment et se traduisent par la présentation de trois documents à caractère « légal » visant « à mettre en place un mécanisme susceptible de résoudre ce problème humain et national » par excellence.
Wadad Halaouani, présidente du comité des parents des disparus au Liban, explique qu’un projet de loi sur « la disparition forcée » visant à former une commission nationale indépendante pour les victimes de cette forme de disparition a ainsi été soumis à la Chambre, le 13 octobre dernier, par Hikmat Dib, député du bloc parlementaire du Changement et de la Réforme.
Un deuxième projet de loi insistant sur « le droit des familles des enlevés et disparus à la vérité » a été élaboré à la demande du comité des parents des disparus et des enlevés au Liban et de Solide. Présenté récemment au cours d’une table ronde, ce projet de loi a été rédigé sous la supervision du Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ).
Le troisième document enfin est un projet de décret visant à former une commission nationale indépendante pour les victimes de disparition forcée, rédigé à l’initiative et sous la supervision du ministre de la Justice Chakib Cortbaoui.
« Nous refusons que notre cause soit fragmentée de manière à cerner la mission de la commission aux seules victimes de disparition forcée », s’insurge Wadad Halaouani, au cours d’une conférence de presse tenue hier au siège de l’ordre de la presse, à Raouché. Elle explique que le comité qu’elle préside a envoyé une copie du projet de décret présenté par le ministre Cortbaoui à l’ICTJ, le sollicitant de le faire examiner par « une équipe d’experts ». S’attardant sur les remarques émises par cette équipe, Wadad Halaouani affirme que les parents n’ont qu’une seule revendication, « aboutir à une loi juste pour résoudre leur dossier ».
Dans cette optique, elle appelle les « autorités officielles libanaises à assumer leurs responsabilités vis-à-vis de ce dossier ». S’adressant au ministre Cortbaoui, dont « nous apprécions l’initiative », elle l’appelle à « retirer son projet de décret » et à « former une commission d’experts » qui aura pour mission de « revoir les dispositions du projet de décret à la lumière de notre projet de loi et des remarques émises par l’ICTJ ».
Et de lancer un appel aux « ravisseurs des onze otages libanais en Syrie à traiter ces victimes humainement », soulignant que « leur libération est le premier pas vers la justice et la démocratie ».
Une cause nationale
« Nous avons toujours œuvré pour que le dossier des victimes de disparition forcée et des disparus soit une cause nationale », déclare pour sa part Ghazi Aad, porte-parole de Solide. « Nous espérions à travers la mise en place d’un mécanisme pour résoudre cette cause humaine d’aboutir à trois objectifs », ajoute-t-il. Il s’agit, premièrement, de « consacrer le droit des parents à connaître le sort des leurs ». Or « ce droit n’a toujours pas été consacré par l’État qui ne cesse de nous enivrer par ses déclarations sur la nécessité de résoudre ce dossier, sans oublier ce qu’avait déclaré à ce sujet le président de la République dans son discours d’investiture ».
Le deuxième objectif consiste à « donner des réponses claires aux parents sur le sort des disparus et des victimes de disparition forcée ». « Nous ne pouvons que parler de la négligence dans l’approche de ce dossier, puisque aucun mécanisme de solution n’a été mis en place », poursuit-il.
« Le troisième objectif vise à apprendre des épreuves passées », note Ghazi Aad, soulignant que « malheureusement, le Libanais n’a rien appris des expériences de la guerre ni de la souffrance des parents des détenus et des victimes de disparition forcée, (...), la manière dont le dossier des onze otages en Syrie est abordé en est la preuve ».
L’avocat Nizar Saghieh, qui avait travaillé sur le projet de loi présenté par le comité des parents des enlevés et disparus et Solide, insiste pour sa part sur le fait que « le droit des parents à connaître le sort des victimes n’est plus une question de texte de loi, mais est devenu comme une loi intrinsèque à cette tragédie ».
Nizar Saghieh explique en outre que la loi est le « moyen le plus adéquat » de résoudre ce problème puisque « le décret ne peut proclamer un droit comme principe général, ni imposer des sanctions aux personnes qui recèlent des données ou induisent l’enquête en erreur, ni mettre en place des procédures particulières pour l’enquête ».
Et de conclure en soulignant que « le dossier des disparus ne peut pas être pris en charge par une commission relevant d’un ministère », mais « par une commission indépendante capable de prendre des décisions, comme le fait de déterrer les charniers ».
http://www.lorientlejour.com/category/Liban/article/769609/Le_drame_des_parents_des_disparus_en_l%27absence_d%27une_loi_qui_consacre_leur_droit_a_la_verite.html
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