Par Nada MERHI
DISPARUS DE GUERRE Le sort de milliers de Libanais – et de ressortissants arabes – disparus durant la guerre civile et la période qui l’a suivie sous la tutelle syrienne au Liban reste inconnu. Pour que ce dossier vieux de plus de trente ans ne reste pas occulté et relégué aux oubliettes, « L’Orient-Le Jour » relatera chaque semaine le témoignage d’un parent en quête de la vérité sur le sort d’un disparu.
Halimé Ali Jamal, plus connue sous le nom d’Oum Rachid, vit dans l’incertitude depuis plus de 35 ans. Son martyre a commencé le soir du 10 avril 1976. « Nous habitions à Tripoli el-Tell, se souvient-elle. Mon fils, Rachid Leddaoui, alors âgé de 15 ans, était sorti acheter des cigarettes. Il n’est plus rentré. Tout ce que je sais, c’est qu’il était sur la route de Minié lorsqu’il a disparu. J’ignore les circonstances de sa disparition. »
Assise sur un des deux lits qu’abrite la minuscule tente dressée par le comité des parents des personnes disparues en Syrie et par Solide (Soutien aux Libanais en détention et en exil) dans le jardin Gibran Khalil Gibran, place Riad el-Solh, le 11 avril 2005, quelques jours avant le retrait syrien du Liban, Oum Rachid tire sur sa chemise. Rien dans l’allure de cette femme robuste ne laisse présager le poids de tant d’années de malheur. Et pourtant c’est une immense tristesse qui se lit dans son regard sévère. Elle se lève, cherche un vieux portrait de Rachid et revient s’asseoir.
« Je l’ai cherché partout, dit Oum Rachid, en caressant la photo. J’ai été à Saïda, Tyr, Nabatiyeh, Bint Jbeil... J’ai même été à plusieurs reprises en Syrie. Jusqu’à ce jour, je n’ai pas pu obtenir un seul renseignement sur mon fils. Je ne sais pas s’il est en vie ou s’il est mort. Je sens qu’il va bien. Mais comment m’en assurer ? »
La septuagénaire raconte qu’elle avait annoncé sa disparition dans tous les médias à l’époque. « J’ai même tapé à la porte de tous les partis politiques, du Comité international de la Croix-Rouge et de plusieurs dignitaires religieux, précise-t-elle. Je n’ai jamais eu de réponses. »
« Un jour, il y a plusieurs années de cela, un ancien détenu à la prison de Mazzé en Syrie est venu me trouver pour me dire que Rachid s’y trouvait, poursuit d’une voix lasse la mère éplorée. J’étais contente de savoir qu’il était encore vivant. J’ai été en Syrie, en compagnie de mon frère. Là-bas, les gardes m’ont annoncé qu’ils n’avaient pas de Rachid Leddaoui. Ils m’ont conseillé de m’informer auprès des services de renseignements syriens. Même déception. Puis j’ai fait le tour de toutes les prisons syriennes, mais je suis rentrée bredouille au Liban. »
Rachid est l’aîné d’une famille formée de cinq enfants. « Il me reste un fils, qui travaille à l’étranger, et deux filles, note Oum Rachid. Le benjamin est décédé il y a quelques années. »
« J’ai confiance en Dieu, poursuit-elle. Seul Lui sait où se trouve mon fils. Dans mon entourage, on me dit de ne plus le chercher, de ne plus me fatiguer. Comment puis-je baisser les bras ? Je sens que Rachid est toujours en vie. Je le chercherais jusqu’à mon dernier souffle. S’il rentre et que je ne suis plus de ce monde, je veux qu’on lui dise que je l’ai attendu toute ma vie, que je dormais avec ses photos sous mon oreiller, que je l’aime... J’espère le revoir et le tenir dans mes bras une dernière fois. »
DISPARUS DE GUERRE Le sort de milliers de Libanais – et de ressortissants arabes – disparus durant la guerre civile et la période qui l’a suivie sous la tutelle syrienne au Liban reste inconnu. Pour que ce dossier vieux de plus de trente ans ne reste pas occulté et relégué aux oubliettes, « L’Orient-Le Jour » relatera chaque semaine le témoignage d’un parent en quête de la vérité sur le sort d’un disparu.
Halimé Ali Jamal, plus connue sous le nom d’Oum Rachid, vit dans l’incertitude depuis plus de 35 ans. Son martyre a commencé le soir du 10 avril 1976. « Nous habitions à Tripoli el-Tell, se souvient-elle. Mon fils, Rachid Leddaoui, alors âgé de 15 ans, était sorti acheter des cigarettes. Il n’est plus rentré. Tout ce que je sais, c’est qu’il était sur la route de Minié lorsqu’il a disparu. J’ignore les circonstances de sa disparition. »
Assise sur un des deux lits qu’abrite la minuscule tente dressée par le comité des parents des personnes disparues en Syrie et par Solide (Soutien aux Libanais en détention et en exil) dans le jardin Gibran Khalil Gibran, place Riad el-Solh, le 11 avril 2005, quelques jours avant le retrait syrien du Liban, Oum Rachid tire sur sa chemise. Rien dans l’allure de cette femme robuste ne laisse présager le poids de tant d’années de malheur. Et pourtant c’est une immense tristesse qui se lit dans son regard sévère. Elle se lève, cherche un vieux portrait de Rachid et revient s’asseoir.
« Je l’ai cherché partout, dit Oum Rachid, en caressant la photo. J’ai été à Saïda, Tyr, Nabatiyeh, Bint Jbeil... J’ai même été à plusieurs reprises en Syrie. Jusqu’à ce jour, je n’ai pas pu obtenir un seul renseignement sur mon fils. Je ne sais pas s’il est en vie ou s’il est mort. Je sens qu’il va bien. Mais comment m’en assurer ? »
La septuagénaire raconte qu’elle avait annoncé sa disparition dans tous les médias à l’époque. « J’ai même tapé à la porte de tous les partis politiques, du Comité international de la Croix-Rouge et de plusieurs dignitaires religieux, précise-t-elle. Je n’ai jamais eu de réponses. »
« Un jour, il y a plusieurs années de cela, un ancien détenu à la prison de Mazzé en Syrie est venu me trouver pour me dire que Rachid s’y trouvait, poursuit d’une voix lasse la mère éplorée. J’étais contente de savoir qu’il était encore vivant. J’ai été en Syrie, en compagnie de mon frère. Là-bas, les gardes m’ont annoncé qu’ils n’avaient pas de Rachid Leddaoui. Ils m’ont conseillé de m’informer auprès des services de renseignements syriens. Même déception. Puis j’ai fait le tour de toutes les prisons syriennes, mais je suis rentrée bredouille au Liban. »
Rachid est l’aîné d’une famille formée de cinq enfants. « Il me reste un fils, qui travaille à l’étranger, et deux filles, note Oum Rachid. Le benjamin est décédé il y a quelques années. »
« J’ai confiance en Dieu, poursuit-elle. Seul Lui sait où se trouve mon fils. Dans mon entourage, on me dit de ne plus le chercher, de ne plus me fatiguer. Comment puis-je baisser les bras ? Je sens que Rachid est toujours en vie. Je le chercherais jusqu’à mon dernier souffle. S’il rentre et que je ne suis plus de ce monde, je veux qu’on lui dise que je l’ai attendu toute ma vie, que je dormais avec ses photos sous mon oreiller, que je l’aime... J’espère le revoir et le tenir dans mes bras une dernière fois. »
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