The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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December 15, 2011

L'orient le jour-Mahmoud Ibrahim Khaled : « Je ne rentrerai pas en Égypte sans mon frère... vivant ou mort ! », December 15, 2011

Par Nada MERHI

Le sort de milliers de Libanais – et de ressortissants arabes – disparus durant la guerre civile et la période qui l’a suivie sous la tutelle syrienne au Liban reste inconnu. Pour que ce dossier vieux de plus de trente ans ne reste pas occulté et relégué aux oubliettes, « L’Orient-Le Jour » relatera chaque semaine le témoignage d’un parent en quête de la vérité sur le sort d’un disparu.
Mahmoud Ibrahim Khaled est un habitué de la « tente » dressée dans le jardin Gibran Khalil Gibran, place Riad el-Solh, qui abrite depuis le 11 avril 2005 le sit-in permanent des parents des détenus libanais en Syrie. Cet Égyptien, qui possède également la nationalité libanaise, vit à Beyrouth depuis trente-trois ans. Il refuse de quitter le Liban avant de connaître le sort de son frère, Hamada, disparu il y a vingt-cinq ans, à l’âge de 32 ans.
« Mon frère a disparu en 1986, raconte Mahmoud Ibrahim Khaled. Il était à l’hôtel al-Zahra’ en Syrie. Hamada rentrait d’Autriche. Il s’était inscrit à l’Université arabe de Beyrouth où il devait poursuivre des études supérieures. J’avais préparé tous ses papiers pour que sa situation soit légale au Liban et les lui avait envoyés en Autriche par l’intermédiaire d’un ami qui possédait une société de transport maritime. À l’époque, l’aéroport de Beyrouth était fermé. Ses papiers ont tardé à lui parvenir en Autriche. Il avait déjà quitté le pays. Il attendait que je les lui renvoie en Syrie, par l’intermédiaire du même ami. Lorsque ce dernier s’est rendu à Damas pour lui remettre l’enveloppe, il ne l’a pas trouvé. Il avait disparu de l’hôtel. »
Le cauchemar de Mahmoud Ibrahim Khaled a alors commencé. Issu d’une famille de cinq garçons et de trois filles, il poursuit le dossier de Hamada depuis le premier jour de sa disparition. « J’ai tout fait pour retrouver mon frère, raconte-t-il. J’ai tapé à la porte de tous les responsables égyptiens et même ceux de la Ligue arabe. Personne ne m’a rien fait. »
En 1993, Mahmoud Ibrahim Khaled fait la connaissance d’un officier syrien qui lui avait promis de lui donner des nouvelles de son frère, en contrepartie d’une certaine somme. « Pendant près de cinq mois, il m’a soutiré plus de 2 000 dollars, pour me donner des informations aussi banales que “Ton frère est à la prison de Mazzé”, “Ton frère ne se sentait pas bien et a dû être hospitalisé”... Un beau jour, il est venu m’annoncer que Hamada a succombé à une crise cardiaque. Je lui ai alors répondu que “les champions ne meurent pas” et lui avais alors demandé un certificat de décès. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas m’en procurer un. C’était la dernière fois que je voyais cet officier. »
Refusant de se laisser aller au désespoir, Mahmoud Khaled a poursuivi sa recherche sollicitant, encore une fois, l’aide des responsables de son pays. En vain. Entre-temps, il a intenté un procès contre l’officier arnaqueur auprès de Ghazi Kanaan (chef des services de renseignements syriens au Liban, de 1982 à 2002, NDLR). « J’ai été convoqué à un interrogatoire en Syrie et le dossier a été clos. On m’annonçait que l’officier sera jugé, se rappelle-t-il. En ce qui concerne le dossier de mon frère, que j’avais évidemment soulevé, les responsables au tribunal militaire syrien m’avaient expliqué qu’il était accusé de collaboration avec le régime de Saddam Hussein (alors président d’Irak, NDLR) et m’ont conseillé de garder l’espoir ! J’attends toujours. »
« Aujourd’hui, je fais appel à la conscience des pays civilisés pour nous venir en aide, déclare-t-il. Dans cette région du monde, nous ne pouvons pas compter sur nos responsables parce que, dans les pays arabes, les dirigeants sont des “losers” ! »
Au cours des dernières années, Mahmoud Ibrahim Khaled a eu quelques informations concernant son frère par le biais d’anciens détenus libanais en Syrie. Les dernières en date remontent à trois ans. Hamada était alors à la prison de Saïdnaya. « Aucun responsable de mon pays n’a su me venir en aide. Je connais un haut responsable à l’ambassade d’Égypte à Damas, il m’a confié qu’ils ignoraient le nombre des détenus égyptiens en Syrie. Ils ne connaissent que le nombre de ceux qui sont en train d’y être jugés, mais ne savent rien des personnes accusées de crimes politiques ou autres ! C’est vous dire le respect dont font preuve nos dirigeants envers leur peuple ! Que les dirigeants arabes aient honte ! Qu’ils cessent de nous mentir ! Nous sommes des êtres humains, pas des animaux pour qu’ils nous traitent de la sorte ! »
Depuis qu’il vit au Liban, Mahmoud Ibrahim Khaled n’est plus rentré en Égypte. « Je n’y rentrerai pas sans Hamada... vivant ou mort », affirme-t-il.

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