C’était bien mieux au temps du gouvernement Hariri...
Fady Abboud, ministre aouniste du Tourisme
Quarante-septième semaine de 2011.Fady Abboud, ministre aouniste du Tourisme
Le problème fondamental de Michel Aoun n’est ni l’autre chrétien, celui qui ne l’idolâtre pas, ni même le sunnite. Bien au contraire : sans eux, son fluide vital, c’est-à-dire sa bile, indispensable pour la production (au moins) hebdomadaire de ses crises de foie grâce auxquelles il a l’impression d’exister politiquement, se réduirait comme peau de chagrin. Ce qui rend Michel Aoun littéralement malade, ce sont ces deux hommes, quels qu’ils soient (ils auraient été bouddhistes, chaldéens, juifs ou baha’is...), qui occupent ces deux postes qu’il estime devoir lui revenir de facto, de divin droit : la présidence de la République bien sûr, sa mono-obsession névrotique, mais aussi la présidence du Conseil, qu’il a goûtée pendant deux sinistres et désastreuses années, à cheval entre les 80’s et 90’s. Le Je suis président et six ministres n’est ni une blague ni un mythe. Le chef du CPL est ainsi fait, et cela n’a fait que centupler avec le temps.
L’objectif de l’énième pantalonnade de Michel Aoun, assénée hier sur la OTV, importe peu : les uns assurent que le député du Kesrouan obéit à ses alliés et cherche à gagner un maximum de temps dans le dossier de la contribution du Liban au financement du tribunal spécial ; les autres jurent qu’il veut faire comprendre à ces mêmes alliés à quel point il est irrité de ne pas faire partie des grandes manœuvres Sleiman-Berry-Mikati-Nasrallah destinées à trouver une mise en scène à ce financement. Importent peu aussi les raisons de tant d’agressivité : que Michel Aoun éructe parce qu’il ne parvient pas à imposer ses projets poujadistes en vue des législatives de 2013, parce qu’il ne supporte pas que des prérogatives constitutionnelles soient exercées et lui soient imposées, ou parce qu’il n’entend pas pardonner au Premier ministre de l’avoir très sérieusement égratigné devant les caméras d’une émission télévisée à heure de grande écoute, ne changent finalement rien à la donne.
Ce qui compte, ce sont les résultats de cette farce.
En menaçant hier, dans une théâtralité outrancière, de démission collective de ses ministres au lendemain même de l’ultimatum lancé par le chef du gouvernement, Michel Aoun aura fini de prouver à quel point la cohésion et la cohérence du 8 Mars sont rachitiques. Presque factices. Il aura fini, également, de planter quelque chose de fondamental pour son épanouissement politique : les graines d’un nouveau 7 mai, peut-être blanc cette fois, tout en misant sur la capacité du Hezbollah à vite faire rougeoyer le tout. En jetant de cette façon cent et un pavés dans une mare déjà saumâtre à souhait, Michel Aoun pose aussi une question de plus en plus pressante : la Syrie, et par extension son bras armé au Liban, ont-ils réellement encore besoin de Nagib Mikati, maintenant que la terre brûlée devient une option de plus en plus sérieuse pour un Bachar el-Assad de plus en plus acculé ? Enfin, en décidant de paralyser de cette manière l’exécutif à la veille du débat ministériel sur le TSL, Michel Aoun a offert à Nagib Mikati ce que ce dernier (re)cherche désespérément depuis le début : il l’a légitimé.
Que cela fasse plaisir ou gêne profondément les uns et les autres, notamment au sein du 14 Mars, c’est cette semaine seulement que le locataire du Sérail n’est plus un imposteur ou un usurpateur, il n’est plus seulement celui qui donnerait tout pour devenir Rafic Hariri : il est désormais un Premier ministre en bonne et due forme, avec même ce qu’il faut de testostérone, ne serait-ce que dans sa très rapide réponse aux ministres aounistes. Il faut encore des années-lumière à Nagib Mikati pour prétendre au statut d’homme d’État qu’un Fouad Siniora a pu gagner avec des litres de sueur et de larmes, surtout s’il ne traduit pas en actes, le cas échéant, ses promesses de démission ; il n’empêche : un n° 3 de l’État vient concrètement de voir le jour. Et tout cela, en grande partie, grâce à Michel Aoun.
Beaucoup rient doucement. Ou très jaune.
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