Des femmes de
tous âges brandissant des slogans en faveur du respect de la mouture originale
du projet de loi pour la protection de la femme contre la violence domestique.
Photo Sami Ayad
Samedi matin,
11h. Sur la place Samir Kassir une petite foule plutôt féminine commence à
naître. Bravant les intempéries, ils et elles sont venus exprimer leur mécontentement
à l’égard des modifications qui risquent d’affecter le projet de loi tant
controversé qui devrait protéger les femmes de la violence domestique. Présenté
par une Coalition nationale défendant cette même cause, ce projet de loi avait
été avalisé par le Conseil des ministres en avril 2010, après l’ajout d’une
vingt-sixième clause qui en modifiait déjà profondément l’aspect. Selon cette
clause, « la femme peut porter les cas de violence conjugale et familiale
devant les tribunaux civils, uniquement dans le cas où les tribunaux religieux
le permettent ». Un an plus tard, le 28 avril 2011, une sous-commission
parlementaire présidée par le député Samir Jisr fut créée pour en étudier les
« clauses contradictoires ».
Depuis qu’il est en étude, ce projet a subi, à cause des diverses pressions politico-religieuses, des modifications portant atteinte à sa nature et à son but mêmes, phénomène qu’on pourrait trouver habituel dans un pays où la tendance est de reculer ou dans le meilleur des cas de stagner. « Les lois libanaises sont hallucinantes ! s’exclame Tarek Homsi, un des organisateurs du sit-in. Je ne comprends pas pourquoi nos politiciens ne soutiennent pas cette lutte pour améliorer la condition féminine. Cela leur donnerait plus de crédibilité. » En effet, on se demande vraiment pourquoi les hommes politiques qui supportent ce projet de loi se font rares. Serait-ce parce qu’ils pensent que leur crédibilité est déjà à son summum ? C’est cette ambiguïté que Yasser Akkaoui, un des initiateurs de cette manifestation, a décidé de souligner dans son discours d’ouverture.
Cette manifestation avait également un but informateur car elle a été précédée par une campagne médiatique au titre choc : « Maintenant, c’est légalement qu’il vous viole. » Une campagne qui reflète, selon la rumeur, une des modifications proposées par la sous-commission et ignorant totalement la notion de viol conjugal. En effet, comme le souligne Hala Akiki, une des organisatrices de ce sit-in, il y a encore beaucoup de femmes « qui ne savent pas qu’en ce moment, nous sommes en train de nous battre pour protéger un texte de loi susceptible d’améliorer leur condition ». « Elles ignorent que la solution contre la violence conjugale repose sur la table de dialogue de la sous-commission en question », poursuit-elle. Encore une table de dialogue qui nous sépare du progrès ?
C’est sous le regard amusé de quelques passants que les manifestants lançaient des slogans des plus originaux sommant les politiciens de se réveiller et prévenant tout homme violent que c’est la prison qui l’attend. « Je suis ici, pour ma mère, pour moi et pour ma future fille, s’exclame Laura Homsi, étudiante. Comment est-ce que je pourrai même espérer me sentir en sécurité si cette loi ne passe pas dans son intégrité ? »
Parmi les
personnes présentes, la réalisatrice Nadine Labaki qui a choisi également de
montrer son appui à cette cause en y participant, le jour même de son
anniversaire.
Une fois le message transmis, c’est dans une ambiance conviviale que chacun et chacune sont revenus à une réalité moins reluisante, confirmant ainsi les dires de Simone de Beauvoir, pilier du féminisme français : « On ne naît pas femme, on le devient. »
Pour mémoire : Le 14
janvier dernier, le collectif féministe Nasawiya avait organisé
une manifestation à Beyrouth pour la
criminalisation du viol entre conjoints.
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