Le scandale provoqué par la diffusion des bandes vidéo montrant des détenus islamistes de Roumieh torturés s'est quelque peu calmé, mais ses répercussions continuent de faire l'objet de commentaires et de condamnations publiques diverses.
Lors d'un iftar organisé à Tripoli, le ministre de la Justice, Achraf Rifi, a évoqué « un complot d'un nouveau style », pointant un doigt accusateur en direction de ceux qui ont œuvré à exploiter le « péché commis par des membres des forces de l'ordre ». Le ministre a rappelé sa position à l'égard de ce dossier, soulignant avoir déféré les auteurs du crime immédiatement devant la justice. Il s'est en outre engagé à faire en sorte qu'une telle violation ne puisse pas se répéter, « quelles que soient les circonstances ». M. Rifi a cependant insisté sur la nécessité, en parallèle, de prendre toutes les mesures nécessaires pour contrôler ce qui se passe à Roumieh et dans les centres d'arrestation et d'interrogatoire « qui témoignent de pratiques inhumaines à l'égard des prisonniers et des prévenus, une situation dont nous sommes au courant ».
Saluant officiers et unités des forces de l'ordre qui font preuve de professionnalisme, il a indiqué que s'il y a quelques-uns parmi eux qui ont fauté, « il s'agit d'un incident isolé dont la responsabilité ne peut être assumée par l'institution des forces de sécurité intérieure ni par le service de renseignements des FSI ». S'adressant à ceux qui sont derrière la diffusion des bandes vidéo « en ce moment précis, soit au début du mois de ramadan », il a affirmé : « Nous leur disons que nous avons réussi à mettre en échec leurs objectifs hypocrites. »
À noter qu'une délégation formée d'ulémas musulmans, présidée par le cheikh Khalil el-Mayss, s'est rendue auprès du détenu islamiste Omar el-Attrache à Roumieh. Ce dernier a été, à l'instar d'autres détenus, torturé comme l'ont montré les images des bandes vidéo diffusées.
À l'issue de l'entretien, le cheikh el-Mayss a indiqué avoir pu avec les membres de la délégation se réunir seuls avec le détenu qui leur a assuré que le traitement dont il fait l'objet « est désormais meilleur ».
Dignité humaine
De son côté, l'ancien ministre de l'Intérieur, Marwan Charbel, a affirmé dans un entretien télévisé que les prisons au Liban « ne sont pas conformes aux standards internationaux ». Dans un message adressé à l'actuel ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, il a souhaité que ce dernier examine l'étude effectuée par le comité chargé de l'édification de quatre prisons et d'œuvrer à la réalisation du projet. M. Charbel a ajouté avoir été surpris par ce qui s'est passé à Roumieh, expliquant cette réaction par le fait que des unités militaires avaient été rouées de coups et insultées par les prisonniers il y a trois mois. Selon lui, celui qui est derrière les fuites des bandes vidéo cherche de toute évidence à saper le processus du dialogue qui a actuellement lieu entre le courant du Futur et le Hezbollah « pour exacerber la tension ».
À leur tour, les associations des droits de l'homme et le barreau de Beyrouth ont effectué samedi un sit-in devant le musée national dans le cadre d'une manifestation organisée sur le thème du « refus de toutes les formes de torture au Liban ». Ils ont tenu par la même occasion à rappeler le principe sacro-saint de « la dignité humaine et des conventions internationales », insistant sur la nécessité de respecter les droits de l'homme et de se solidariser avec les victimes de la torture.
Dans une allocution, le président de l'ordre des avocats de Beyrouth, Georges Jreige, a stigmatisé « le périple inhumain dont nous témoignons de nos jours et les mauvais traitements subis par ceux qui sont derrière les barreaux comme à l'extérieur ». Et de constater avec regret le fait que « la moitié des prisonniers de Roumieh sont arrêtés pour la nécessité de l'enquête, sans être jugés ». Le bâtonnier a dénoncé par ailleurs le nombre élevé de personnes qui entrent en prison alors que celles qui en sortent se comptent sur les doigts d'une main.
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