Anne-Marie El-Hage
Bienvenue au Liban, pays où l'on torture depuis des décennies.
Belle image que donne de lui-même le pays du Cèdre, alors que le monde entier célèbre la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture...
Belle image que cette vidéo montrant militaires et civils, dont certains à visage découvert, rouer de coups de bâton et de botte des hommes sans défense, pieds et poings liés...
Violente, humiliante, dérangeante au point d'en vomir, la scène est loin d'être une fiction. Elle s'est bel et bien déroulée à la prison de Roumieh, en avril dernier, avec pour victimes des détenus islamistes.
Inadmissible, elle n'est qu'un maigre échantillon des innombrables abus perpétrés contre des détenus par les forces de l'ordre dans les centres d'arrêt et de détention du pays. Des abus devenus routiniers, pratiqués sur les prisonniers avec une désolante facilité depuis des décennies. Parfois pour leur soutirer des informations, d'autres fois gratuitement.
Car dans nos prisons, on ne réhabilite pas, on ne réinsère pas, on ne donne pas une seconde chance. On ne se contente pas non plus de sanctionner. Mais on se venge. Tout en clamant haut et fort qu'on réforme et qu'on forme... dans le respect des droits de l'homme.
Pas nécessaire d'être islamiste pour subir les foudres de geôliers déshumanisés. Les cibles de choix sont légion. À commencer par les étrangers en situation irrégulière. Et ils sont nombreux. Principalement les Arabes : Syriens, Irakiens, Égyptiens ou Soudanais, maltraités à qui mieux mieux dès qu'ils font mine de se rebeller ou de réclamer des conditions d'incarcération moins pénibles. Les employées de maison « en fuite » ne sont pas logées à meilleure enseigne : Sri Lankaises, Éthiopiennes, Philippines, Malgaches... Outre l'odieux chantage dont elles sont victimes, gare à celles soupçonnées de vol, d'agression ou de meurtre. Elles finissent par avouer, coûte que coûte. Gare aussi aux homosexuels, hommes ou femmes, que les forces de l'ordre n'aiment décidément pas pour leurs pratiques « contre nature ». C'est par la force, bien entendu, qu'ils sont « ramenés dans le droit chemin ».
C'est avec autant de violence, humiliations en prime, que sont traitées les prostituées, lorsqu'elles ne sont pas contraintes d'accorder leurs faveurs sexuelles à des agents véreux. Le sort réservé aux toxicomanes et dealers n'est pas plus tendre. Les faire parler à tout prix est la consigne. Et tous les moyens sont bons.
Loin de se limiter à quelques gifles, bastonnades ou coups de pied, les sévices versent dans le sadisme. Un sadisme qui repousse toujours plus loin le seuil de tolérance de la souffrance, physique et morale. Au point de faucher des vies. Que d'affaires ont ainsi été étouffées, commme le rapportent de nombreuses ONG...
Qu'ils soient physiques ou psychologiques, ces abus portent un nom et s'appellent torture. L'État est pourtant signataire de deux conventions internationales contre la torture. Il a l'obligation de protéger les personnes en détention dans ses geôles, quels que soient les actes qu'elles ont commis ou qui leur sont reprochés.
Mais il n'a jamais pris la peine d'adopter une loi locale criminalisant la torture. Et se contente de fermer les yeux sur les pratiques barbares qui se déroulent dans ses prisons, entachant son image et sa réputation. Tout en poussant les hauts cris dès qu'une affaire est étalée au grand jour.
Bonjour l'hypocrisie !
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