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October 11, 2010

L'Orient le jour - Le rapport Najjar : L’acte d’accusation incontournable en pratique - October 11, 2010

Étude - Le rapport du ministre de la Justice sur la question dite des « faux témoins » a été rendu public au cours du week-end écoulé et distribué aux membres du gouvernement en prévision de la séance du Conseil des ministres prévue demain mardi.

De l'étude approfondie réalisée par le ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, au sujet de l'affaire des « faux témoins », deux points essentiels ressortent : en premier lieu, le rapport établit la compétence de la justice libanaise pour se saisir des affaires de faux témoignages liées au dossier Hariri et les juger. Mais cette compétence se limite à la justice ordinaire et non, comme le souhaiterait notamment le président de la Chambre, Nabih Berry, à la Cour de justice, le tribunal d'exception mis en place après Taëf.
Ensuite, M. Najjar donne, en théorie, à la justice libanaise toute latitude de décider, sans ingérence du pouvoir exécutif, de ce qu'il convient de faire à ce sujet, y compris d'engager immédiatement des poursuites dans ce cadre. Toutefois, il fait comprendre très clairement qu'en pratique, et selon une « logique saine », il ne sera pas possible d'identifier clairement un « faux témoin » avant, « pour le moins », la parution de l'acte d'accusation du Tribunal spécial pour le Liban, décidément incontournable pour en savoir davantage sur les circonstances des attentats commis et pour établir véritablement l'impact des témoignages sur l'enquête.
Autant dire tout de suite que l'étude de M. Najjar, si elle apporte enfin une lecture calme, professionnelle et détaillée du dossier des faux témoins, livré depuis des semaines à la seule polémique politique, n'est pas garantie de mettre un terme à cette polémique dont on connaît les risques sur la cohésion du Conseil des ministres lors de sa séance prévue demain.
M. Najjar commence par souligner que la mission dont il a été chargé est « à caractère juridique et non politique », et « vise à un suivi de la question (des "faux témoins") conformément aux règles, c'est-à-dire avec la prise en compte des principes suivants : la séparation des pouvoirs, en particulier entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire ; l'indépendance de la justice ; le respect des accords internationaux, en particulier l'accord conclu entre le Liban et les Nations unies sur la formation du TSL, et enfin le secret de l'enquête ».
« L'auteur de cet avis a eu le souci de remplir son rôle de ministre de la Justice dans le cadre de la mission dont il a été chargé et de respecter l'indépendance de la justice qui, au bout du compte, devra avoir le dernier mot », écrit-il.
Après avoir énuméré la liste des personnes à l'encontre desquelles des poursuites ont été engagées depuis 2005 par la justice libanaise dans le cadre de l'affaire Hariri, et évoqué les situations de ces individus, le rapport se penche sur la définition en justice du « faux témoin ». M. Najjar rapporte à ce sujet la teneur d'une correspondance qu'il a échangée avec le procureur du TSL, Daniel Bellemare, dans le cadre de la préparation de ce document.
M. Bellemare considère dans sa réponse, adjointe au rapport, que l'expression « faux témoins » est « non seulement mal choisie car non juridique », mais qu'elle est aussi « susceptible d'induire en erreur ». « En effet, poursuit le procureur, qualifier un témoin de faux témoin présuppose une conclusion de droit et de fait que la personne a menti et que ces mensonges ont été juridiquement établis et constatés. Or une telle conclusion ne peut être tirée qu'après enquête. Dans le cas du dossier Hariri, ce ne serait d'ailleurs qu'après la fin du procès, et d'un appel éventuel, qu'une telle conclusion pourrait être tirée. Vous comprendrez donc l'importance juridique de la distinction. C'est pourquoi nous n'avons parlé jusqu'à présent que de personnes dont le témoignage a une crédibilité douteuse. »
En outre, le procureur souligne, toujours dans sa réponse à M. Najjar, qu'il « n'a pas compétence pour intenter des poursuites contre des personnes qui auraient délibérément tenté d'induire en erreur les autorités libanaises ou la commission internationale indépendante d'enquête avant l'adoption de l'article 134 du règlement de procédure et de preuve du tribunal. Conclure autrement conférerait en effet à l'article 134 une portée rétroactive qu'il n'a pas. Par contre, si de telles tentatives s'étaient produites après l'entrée en vigueur des dispositions et étaient établies par le tribunal, il serait alors possible d'intenter à l'encontre de ces personnes des procédures pour outrage au tribunal ».
Décrivant les règles en vigueur au Liban pour engager des poursuites au titre de faux témoignage, M. Najjar en conclut qu'il est possible, en conformité avec les règles, de déférer une personne soupçonnée de faux témoignage devant le parquet afin que des poursuites soient engagées contre elle sur cette base « à n'importe quelle phase du procès pénal, c'est-à-dire : pendant l'instruction et avant la parution de l'acte d'accusation, avant le rendu du jugement sur le fond ou après ce jugement ».
Cependant, précise le rapport, « la définition d'un témoin comme étant un faux témoin revient à l'instance judiciaire en charge du procès public pour faux témoignage et non pas à l'instance en charge d'un procès portant sur une autre matière pénale et dans le déroulement duquel un témoignage pourrait être qualifié de faux ».
« L'élément central dans un procès pour juger un faux témoignage donné lors d'un autre procès dépend, dans la majorité des cas, du résultat du procès initial », souligne en effet le texte. D'un autre côté, il relève que « l'instance en charge d'un procès pour faux témoignage distinct du procès initial se retrouve dans l'incapacité de s'y attaquer de manière détaillée et d'y établir des certitudes, le risque étant que les deux instances séparées parviennent à des décisions contraires », souligne le texte.
En clair, résume M. Najjar, cela signifie que « s'il est théoriquement possible d'admettre qu'un procès pour faux témoignage soit tranché avant le procès sur le fond, en pratique et sur le plan de la logique, cela est difficilement réalisable, surtout lorsque le procès sur le fond traite de circonstances obscures et complexes. Dans un tel cas, il convient d'attendre le résultat de ce procès pour être en mesure de qualifier juridiquement de façon exacte les témoignages donnés lors de ce procès ».
De plus, ajoute le ministre, dès lors que la justice libanaise s'est dessaisie du procès sur le fond, il n'est plus possible d'intenter une action pour faux témoignage qu'en vertu des règles de procédure ordinaires (poursuites engagées par le parquet ou plainte directe).
Une fois cette action engagée, il faudra encore établir une distinction entre deux situations en mesure d'influer différemment sur son déroulement, fait remarquer le ministre.
Ainsi, dans un premier cas de figure, si l'acte d'accusation (émanant du TSL) n'inculpe pas une personne qui se considère lésée par des témoignages, il est alors possible d'aller de l'avant dans un procès pour faux témoignage aussitôt après la parution de cet acte d'accusation. Dans ce cas, la personne en question ne faisant pas l'objet de poursuites, elle n'est donc plus considérée comme étant impliquée dans le crime. De ce fait, tout témoignage dont la teneur induirait le contraire serait alors considéré comme un faux témoignage.
Dans le second cas, si l'acte d'accusation inculpe une personne, celle-ci n'est en mesure de se prévaloir d'avoir été lésée par des faux témoignages qu'après que soit rendu le verdict final et consigné du tribunal, établissant le degré de responsabilité de cette personne. Si elle est acquittée, il est alors possible d'intenter une action pour faux témoignage, explique le ministre.
Par ailleurs, fondant la compétence des tribunaux libanais en la matière, le rapport met en évidence un principe du droit naturel, en vertu duquel rien ne saurait justifier un refus de rendre la justice. Partant, « il n'est pas permis de rejeter une plainte déposée par une personne lésée devant la justice libanaise sous prétexte que celle-ci n'a pas compétence géographique pour se saisir de cette plainte si le crime s'est produit au Liban ou s'il est issu d'un crime commis au Liban », souligne le texte.
M. Najjar en conclut que la compétence en matière de poursuites dans l'affaire des faux témoins, objet de cette étude, revient aux autorités judiciaires libanaises. Cela vaut autant pour les témoignages faits devant la commission d'enquête internationale que pour ceux faits devant les autorités judiciaires libanaises.
« En vertu de ce qui précède, indique le rapport, la justice libanaise est compétente pour juger des affaires de faux témoignages (...). » Et d'ajouter : « Il est clair que des poursuites pour faux témoignages peuvent être lancées dans l'immédiat (...) sachant que le pouvoir judiciaire doit pouvoir remplir ses tâches en toute indépendance et impartialité. Sauf que la sûreté du processus légal et la logique saine commandent d'attirer l'attention sur le fait que la mise en branle de l'affaire des faux témoins et l'engagement de poursuites en ce sens devant la justice libanaise ne sont pas en mesure d'entraver ou d'ajourner les activités du TSL dès lors que ce dernier a considéré que les poursuites en matière de faux témoignages donnés avant la formation du tribunal ne sont plus (ou pas) de sa compétence. »
D'autre part, « cette question doit être soumise aux règles judiciaires en vigueur et à l'appréciation du pouvoir judiciaire, à l'écart de toute ingérence de la part du pouvoir exécutif, y compris du ministre de la Justice. Celui-ci a la prérogative de demander l'engagement de poursuites, mais il n'a pas le pouvoir d'influer sur la conviction du juge », souligne l'auteur.
M. Najjar conclut en estimant que « la justice libanaise, qui a déjà pris des mesures à l'encontre de personnes qualifiées de faux témoins et engagé des poursuites contre elles, ne sera pas en mesure de déterminer si un témoin est un faux témoin avant d'avoir pris connaissance, pour le moins, de l'entièreté de l'acte d'accusation et, de ce fait, d'en savoir davantage sur les circonstances du crime et sur la portée réelle des témoignages sur le cours de l'enquête ».
Le ministre prend soin toutefois d'ajouter qu'en tout état de cause, « cette question revient entièrement à l'appréciation de la justice libanaise ».
Enfin, M. Najjar exclut la compétence dans cette affaire de la Cour de justice, les crimes jugés par cette instance étant limitativement énumérés par le code pénal et ne comprenant pas les faux témoignages.
« Le Conseil des ministres n'est en mesure de déférer devant la Cour de justice que les affaires portant sur des crimes entrant dans cette catégorie limitative (atteinte à la sécurité de l'État, violation du pouvoir, guerre civile, terrorisme, atteinte à l'unité nationale, espionnage, atteinte au prestige de l'État, crimes contre le droit international, etc.) », souligne M. Najjar.
En conclusion générale, le ministre résume son rapport par les deux points suivants :
« 1 - La compétence de la justice libanaise est établie pour accepter des poursuites en matière de faux témoignages. »
« 2 - Il revient à la justice libanaise de décider, à l'écart de toute ingérence du pouvoir exécutif, s'il faut aller de l'avant dans les poursuites ou bien s'il faut les retarder jusqu'à la parution de l'acte d'accusation. »

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