Un constat unanime : on ne peut dissocier ce qui se produit au Liban des relations avec la Syrie. Qui ne sont jamais bonnes tant qu'à partir de ses orientations, ses fidèles du cru tournent le dos à leurs compatriotes. Dont la responsabilité est également en cause, en raison de leurs liens avec d'autres parties extérieures. Responsabilité cependant atténuée par la nécessité de mieux défendre les constantes nationales. Il n'en reste pas moins que ce n'est que lorsque les manipulateurs du dehors accordent leurs violons que les Libanais s'entendent entre eux.
Or leur indépendance commune, ils pourraient la décrocher par une diplomatie active s'inspirant de l'intérêt national bien compris. Comme quand le président général Fouad Chéhab, nouvellement élu après les événements de 1958, avait rencontré le président de la RAU, Gamal Abdel Nasser, sous une tente dressée dans le no man's land à la frontière de Masnaa. Le pacte tope-là genre tribal, strictement honoré des deux côtés par la suite, prévoyait une étroite coopération-coordination en matière de défense stratégique et de ligne politique régionale, avec, en revanche, un engagement ferme de non-immixtion dans les affaires intérieures du partenaire. À partir de là, Nasser avait recommandé à tous les sympathisants de sa cause au Liban de soutenir le nouveau régime. Certains s'en étaient acquittés, devenant ce que l'on appelait des nahjistes. Et d'autres non, mais en se situant dans un centre plus modérément opposant que le Helf tripartite. En tout cas, pendant quelques années, le Liban avait pu être stable et des efforts avaient été déployés, à travers la réforme, pour un État des institutions et de la loi.
Des dérapages ont eu lieu, Chéhab a dû renoncer à un projet miné, en réalité, par le dualisme Deuxième Bureau qu'il avait laissé s'établir, à cause du putsch du PPS, devenu par la suite PSNS. Il reste que Nasser, pour sa part, n'avait rien à voir avec ces développements internes. Or, aujourd'hui, rien n'indique que le chef de l'État syrien, Bachar el-Assad, veuille se conduire avec la même équanimité à l'égard du président Michel Sleiman. Malgré les assurances, force est de constater que les relations ne deviennent toujours pas uniquement d'État à État, entre institutions seulement, sans connexion, connivence ou collusion syrienne avec des partis, ou des personnalités du coin. Dont le défilé à Damas, pour en recueillir les directives ou les conseils, est incessant. On ne peut donc accorder crédit aux affirmations répétées, à chaque rencontre entre officiels, que la page des relations viciées par l'immixtionnisme est tournée.
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Dès lors, certains observateurs jugent qu'il est nécessaire d'organiser une rencontre de franches explications, genre Chéhab-Nasser, entre le président Sleiman et le président Assad. Pour examiner le rôle, et les actions, des amis libanais de la Syrie ainsi que leurs effets négatifs sur les relations d'État à État. Étant entendu que l'ère de la tutelle est bien révolue. Sous le président Élias Hraoui, les gouvernements n'étaient formés qu'avec l'aval de Damas. Il arrivait souvent que des ministres fussent parachutés par la Syrie sans que le chef de l'État ne les connût. Il gardait juste une marge de manœuvre accordée au titre de l'équilibre des pouvoirs dans ses rapports en dents de scie avec le président Rafic Hariri. Quand des litiges éclataient entre eux, c'est Damas qui arbitrait, se prononçant tantôt en faveur de l'un, tantôt à l'avantage de l'autre. Même chose sous le président Émile Lahoud, plus en phase d'ailleurs que son prédécesseur avec l'occupant. Il prenait en effet soin de relancer le régime syrien par téléphone chaque samedi.
Il est certain, d'ailleurs, que des relations personnelles amicales, et de pleine confiance, restent hautement recommandables. À condition qu'elles s'inscrivent dans la promotion indubitable de relations étatiques véritablement privilégiées. Fondées sur une coopération et une coordination servant les intérêts communs bien compris, qu'ils soient économiques, sécuritaires ou stratégiques. Dans le respect réciproque de la souveraineté et de l'indépendance nationales, comme du système politique propre à chacun des deux partenaires. Ce qui induit qu'il faut expurger ces relations de Damas avec des formations politiques libanaises qui parasitent, ou même court-circuitent, des rapports normaux entre États.
En pratique, ce poison se retrouve dans le redoutable dossier du TSL, dans lequel Damas s'ingère pour prendre position contre la cour, comme contre l'acte d'accusation en gestation. Et encore plus dans l'affaire explosive des présumés faux témoins. La Syrie, on le sait, a lancé le bouchon si loin qu'elle a émis 33 mandats d'arrêt contre des personnalités, libanaises ou internationales, accusées par le général Jamil Sayyed d'avoir fabriqué ou manipulé ces présumés faux témoins. Un geste inouï. C'est comme si un Syrien portait plainte au Liban et obtenait de la justice libanaise un droit de poursuites, contre un autre Syrien, pour des transgressions alléguées qui auraient été commises en Syrie !
Bien entendu, il y a également le parti pris syrien au sujet de l'armement du Hezbollah, tourné vers l'intérieur encore plus qu'en direction de l'ennemi israélien. Sans parler des bases palestiniennes hors camps, de la stratégie de défense libanaise, de l'insécurité chez nous et du torpillage de la souveraineté nationale.
Face aux pressions, aux demandes d'explications occidentales ou arabes, le régime syrien biaise. Il s'arrange avec les uns ou avec les autres, avec l'Arabie saoudite par exemple, sur des points déterminés qui lui conviennent, du reste. Mais se réfugie dans les faux-fuyants pour le fond. Il serait donc temps de le presser de mieux éclairer la lanterne des dirigeants libanais, le président Michel Sleiman et le président Saad Hariri en tête, sur ses vraies intentions, sur ce qu'il veut. Plutôt que de continuer de leur adresser des messages vaseux, à travers ses alliés du cru ou par le biais de son soi-disant appareil judiciaire autonome.

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