Durant une semaine, des policiers formateurs français et leurs homologues libanais se sont rendus dans plusieurs écoles du Liban où ils ont mené une campagne de prévention contre la drogue auprès d'élèves du complémentaire et du secondaire.
Dans une classe de seconde, au Lycée Abdel Kader de Beyrouth, deux policiers formateurs, l'un français, l'autre libanais, retiennent l'attention des élèves et de leurs enseignants. Diapositives à l'appui et par l'intermédiaire d'un test ludique, ils dirigent une séance interactive de prévention contre la drogue. Les élèves répondent, posent des questions, réagissent. Avec retenue toutefois.
Partant d'un jeu de questions-réponses, les intervenants expliquent pourquoi le tabac et l'alcool sont des drogues, au même titre que l'héroïne, la cocaïne, le cannabis, l'ecstasy... « Consommées en vue de modifier l'état de conscience, ces substances, naturelles ou synthétiques, licites ou illicites, peuvent engendrer la dépendance, la nocivité et l'abus », affirment-ils. La définition est celle de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Les chiffres sur lesquels se base l'exposé sont tirés également de l'OMS, mais aussi du ministère français de la Santé et de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT).
Comment réagir face au coma éthylique
Sur base d'exemples liés au tabac et à l'alcool, deux substances en vente libre au Liban, même pour les mineurs, le concept de dépendance est expliqué. « C'est un besoin irrésistible de consommer un produit. On ne peut plus se passer de ce produit, ni du plaisir qu'il procure », note le capitaine Daniel Pezeron, expliquant la distinction entre dépendance physique et psychique. Avec l'aide des élèves, il brosse un schéma des effets des différentes drogues et de leurs conséquences sur la santé et le comportement des consommateurs. Le policier français mène la discussion avec assurance. Son confrère libanais, le policier Charbel Tok, participe de son mieux, en français aussi. Un de ces jours, il devra prendre la relève et mener une séance de prévention en milieu scolaire, pas nécessairement dans la langue de Molière. Sa bonne formation, et celle des autres formateurs libanais, est l'objectif principal de cette tournée auprès des établissements scolaires.
Sont aussi énumérés les dégâts physiques possibles, notamment le cancer, l'hypertension, la crise cardiaque ou le coma éthylique. « Certains consommateurs meurent d'avoir bu trop d'alcool. Leur cœur s'arrête. On a juste l'impression qu'ils sont endormis, alors qu'ils sont en état de coma éthylique », lance le capitaine Pezeron, expliquant aux élèves les mesures immédiates à prendre en présence d'un adolescent ayant trop bu, qui vomit et semble endormi. Des mesures qui consistent à mettre la personne de côté pour éviter qu'elle ne s'étouffe avec son vomi, et à appeler les secours d'urgence. L'influence de l'alcool sur le comportement est aussi mise en relief. « L'excès d'alcool entraîne la violence et risque de pousser le consommateur au crime, aux agressions sexuelles, affirme-t-il. Une personne ayant abusé d'alcool peut elle-même être victime d'abus sexuels », tient à préciser le policier. Il ajoute que la prise d'alcool est souvent responsable des accidents routiers.
Une bouffée de narguilé équivaut à une cigarette
« Zoom in » également sur la dépendance au tabac. « Une dépendance psychique, rapide, renforcée par l'ammoniaque présent dans la fumée de la cigarette », souligne le policier. Il précise que la fumée de tabac possède plus de 4 000 composantes recensées, dont plusieurs dizaines sont toxiques, comme, à titre d'exemple, le monoxyde de carbone et l'arsenic. Et de noter à ce propos qu'en France, où le tabac est responsable de 60 000 morts par an, l'État tente de protéger les jeunes et de retarder au maximum leur consommation en taxant fortement la cigarette. Le paquet de tabac coûte donc 6 euros en France (l'équivalent de 13 000 LL). Mais au Liban, le paquet de cigarettes coûte moins de 2 500 LL. Et pourtant, on estime à 5 000 le nombre annuel de décès liés au tabac.
L'occasion est idéale pour aborder le problème de la chicha, communément appelée narguilé au Liban. « Fumer la chicha est plus dangereux que la cigarette. Une seule bouffée est l'équivalent d'une cigarette », affirme le capitaine Pezeron. Il explique que la fumée refroidie par l'eau du narguilé se dépose plus profondément dans les alvéoles pulmonaires. « Le problème de la chicha c'est l'eau, indique-t-il, car les fumées n'y sont pas purifiées, tout juste refroidies. » Les explications du policier se basent sur une étude médicale menée à l'Hôpital de la Pitié-Salpétrière.
La dépendance au cannabis ou au haschisch est aussi d'actualité. « La dépendance au cannabis est psychique et incite l'usager à vouloir en consommer à nouveau », explique-t-il encore. Il assure qu'il n'existe aucun produit de substitution à l'usage du cannabis. Et d'observer que le taux d'échec scolaire est beaucoup plus élevé chez les élèves consommant du cannabis ou de l'alcool qu'au niveau de ceux qui n'en consomment pas. « Ces substances ont un effet négatif sur la concentration et la mémoire », précise-t-il, abordant également les conséquences de l'usage d'autres produits comme la cocaïne et le crack.
Drogue du viol et ecstasy
Dans une autre classe de seconde, c'est une femme policier française, le lieutenant Sandrine Nauton, qui mène la séance, en présence d'un confrère libanais, le lieutenant Ali el-Haraké. L'officier français privilégie une différente forme d'interactivité et part des connaissances des adolescents pour faire passer l'information. Le message passe aussi bien. Les élèves réagissent avec autant d'intérêt et tout autant de pudeur que leurs camarades de l'autre classe. Ils énumèrent les drogues qu'ils connaissent, s'intéressent aussi à l'ecstasy, au GHB, au crack, aux antidépresseurs et à la morphine. Le lieutenant Nauton complète les informations, dresse un tableau des drogues, alcool et tabac inclus, explique les conséquences de l'usage, les formes de dépendance, les séquelles physiques et psychiques.
Elle s'attarde alors sur les dangers des substances citées par les adolescents, d'abord le GHB, que l'on appelle communément drogue du viol, car elle provoque perte de mémoire et désinhibe l'usager. « Ceux qui ont pris le produit deviennent plus vulnérables », note-t-elle, précisant qu'ils subissent alors la violence des autres. Elle parle ensuite de l'ecstasy, qui se présente sous forme de comprimés dont la fabrication se fait sans aucun contrôle. « L'ecstasy, c'est la roulette russe, dit-elle. On ne sait pas comment elle est dosée, car elle n'est pas fabriquée par des entreprises pharmaceutiques, d'où les risques élevés d'overdose. » « De nombreux accidents ont été observés lors de fêtes de jeunes en France, dus à la consommation d'ecstasy », constate-t-elle. Le lieutenant Nauton met enfin les adolescents en garde contre le crack, substance dérivée de la cocaïne : « 95 % des personnes qui l'essaient deviennent dépendantes dès la première fois. » Elle présente les atteintes provoquées par le crack, notamment au niveau du cerveau. « Les personnes sont tellement malades, qu'elles ne peuvent plus travailler ou mener d'activité », conclut-elle.
Les séances ont duré une petite heure. Un brin trop courtes, au gré des formateurs, qui auraient voulu communiquer davantage d'informations aux adolescents. Élèves et enseignants semblent, en revanche, satisfaits. Ces derniers promettent même de reprendre le thème de la drogue, à l'occasion de travaux pédagogiques.


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