Ils sont 2 500 journaliers. Ils gravitent autour de
l’EDL depuis 10 ans, 15 ans, 20 ans parfois. Ils ne brillent ni par leurs
diplômes ni par leurs connaissances, sauf pour quelques-uns, qui travaillent
dans l’administration. Mais pour la plupart, c’est l’intelligence pratique, les
mains pleines de cambouis ou de terre, les doigts coupés ou calleux, calcinés
par les chocs électriques. Pour la plupart, ce sont les petits boulots, les
pannes de tous les jours, le savoir-faire ordinaire, les travaux machinaux,
fastidieux, pourtant nécessaires qu’ils font depuis des années, dans un
Mont-Liban dont le réseau électrique est rapiécé avec des sparadraps. Pour les
percepteurs d’entre eux, les ruelles de Beyrouth n’ont plus de secrets.
Certains ont même pu goûter à l’humiliation des rejets et des coups.
Et maintenant, c’est l’heure de les remercier. Un concours leur sera organisé, annonce fièrement le ministère. Mais seuls quelque 700 d’entre eux seront cadrés au sein de l’office. En soi, c’est un cadeau royal. Mais combien d’ingérences et de baise-mains faudra-t-il pour être choisi ? Dieu seul le sait. Les autres seront congédiés. Ceux qui ne savent pas s’y prendre, les timides, les gauches, les remplaçables, ceux qui sont trop vieux, ou dont le casier judiciaire n’est pas vierge, ou encore ceux qui ne savent pas écrire, les naufragés du système scolaire, ceux que leurs parents ont envoyé au travail dès la troisième, les virtuoses du marteau, du tournevis et de la pioche, les laissés-pour-compte d’un système injuste. Ils finiront désœuvrés ; ils rentreront dans leurs villages ou ils entreront à l’asile ; ils végéteront dans des chambres de concierge, à ruminer leurs rancœurs et leurs souvenirs ; sans oublier ces heures dramatiques ou palpitantes où ils ont servi l’EDL comme on sert son drapeau, en risquant sa vie, en la jouant à la roulette russe, quand les bombardements aveugles remplacent le pistolet à barillet (ne l’avons-nous pas tous fait ?).
Les recalés seront repris par des compagnies privées, promet-on. Leurre ignoble. Inadmissible trahison du lien social. Qui voudra des restes de l’EDL ? Qui défendra leur cause, une fois qu’ils seront séparés de leurs collègues les plus combatifs, à la merci d’un sélectionneur qui aura une éponge en mousse synthétique à la place du cœur ? Et pour combien de temps seront engagés les meilleurs des moins bons ?
Le gouvernement, lui, a bonne conscience. Il a fait donner l’armée et les FSI. L’attroupement a été dispersé, les pneus ont été éteints et Sukleen va remplacer les poubelles calcinées. Et dans quelques jours, toute mauvaise conscience rengorgée, on les oubliera. Tout sera rentré dans l’ordre à l’EDL. Et les contractuels de l’Université libanaise pourront prendre le relais. De leur côté, les enseignants des secteurs privé et public ont déjà brandi leur arme absolue : le refus de corriger les examens officiels. Eux, au moins, savent s’y prendre. Ils n’auront pas à faire fondre l’asphalte, ni à s’immoler par le feu, pour se faire entendre.
Et maintenant, c’est l’heure de les remercier. Un concours leur sera organisé, annonce fièrement le ministère. Mais seuls quelque 700 d’entre eux seront cadrés au sein de l’office. En soi, c’est un cadeau royal. Mais combien d’ingérences et de baise-mains faudra-t-il pour être choisi ? Dieu seul le sait. Les autres seront congédiés. Ceux qui ne savent pas s’y prendre, les timides, les gauches, les remplaçables, ceux qui sont trop vieux, ou dont le casier judiciaire n’est pas vierge, ou encore ceux qui ne savent pas écrire, les naufragés du système scolaire, ceux que leurs parents ont envoyé au travail dès la troisième, les virtuoses du marteau, du tournevis et de la pioche, les laissés-pour-compte d’un système injuste. Ils finiront désœuvrés ; ils rentreront dans leurs villages ou ils entreront à l’asile ; ils végéteront dans des chambres de concierge, à ruminer leurs rancœurs et leurs souvenirs ; sans oublier ces heures dramatiques ou palpitantes où ils ont servi l’EDL comme on sert son drapeau, en risquant sa vie, en la jouant à la roulette russe, quand les bombardements aveugles remplacent le pistolet à barillet (ne l’avons-nous pas tous fait ?).
Les recalés seront repris par des compagnies privées, promet-on. Leurre ignoble. Inadmissible trahison du lien social. Qui voudra des restes de l’EDL ? Qui défendra leur cause, une fois qu’ils seront séparés de leurs collègues les plus combatifs, à la merci d’un sélectionneur qui aura une éponge en mousse synthétique à la place du cœur ? Et pour combien de temps seront engagés les meilleurs des moins bons ?
Le gouvernement, lui, a bonne conscience. Il a fait donner l’armée et les FSI. L’attroupement a été dispersé, les pneus ont été éteints et Sukleen va remplacer les poubelles calcinées. Et dans quelques jours, toute mauvaise conscience rengorgée, on les oubliera. Tout sera rentré dans l’ordre à l’EDL. Et les contractuels de l’Université libanaise pourront prendre le relais. De leur côté, les enseignants des secteurs privé et public ont déjà brandi leur arme absolue : le refus de corriger les examens officiels. Eux, au moins, savent s’y prendre. Ils n’auront pas à faire fondre l’asphalte, ni à s’immoler par le feu, pour se faire entendre.
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