Comparution : Ibrahim el-Amine accuse le TSL d’être « politisé » et « illégitime » puis se retire de la séance
Jeanine Jalkh
« Un accusé qui se retire en pleine audience, c'est du jamais-vu dans l'histoire des tribunaux internationaux. » C'est ce que constate un juriste international qui commentait le « coup de tête » de notre confère Ibrahim el-Amine qui s'est rétracté moins d'une demi-heure après le début de l'audience au Tribunal spécial pour le Liban.
Accusé ainsi que l'organe de presse qu'il représente (le quotidien pro-Hezbollah al-Akhbar) d'outrage au Tribunal spécial pour le Liban – chargé de juger les assassins de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri et ses compagnons – et d'avoir entravé sciemment et délibérément le cours de la justice, M. el-Amine, qui avait de toute évidence accepté a priori de comparaître par vidéoconférence devant le TSL, a réussi à transformer la cour en un lieu de spectacle dont il a ravi indubitablement la vedette.
Le juge chargé d'examiner l'affaire d'outrage, Nicola Lettieri, devait d'ailleurs le rappeler à l'ordre à plus d'une reprise pour lui souligner qu'il ne s'agit pas ici d'un « talk-show télévisé ».
La comparution initiale de M. el-Amine était prévue le 13 mai, mais elle a été repoussée à la suite d'une première requête du journaliste qui avait sollicité un délai supplémentaire afin de choisir son conseil.
Le TSL a rejeté, mardi dernier, une nouvelle demande d'ajournement de la comparution prévue hier.
Peu avant sa comparution par vidéoconférence à partir des bureaux du tribunal à l'hôtel Monteverde, à Aïn Saadé, le journaliste a indiqué dans le quotidien al-Akhbar avoir pris la décision de « faire face au tribunal » et de formuler à partir de la cour ses « accusations et jugements au nom de la conscience, de la morale, de la liberté de la presse, de la souveraineté, de la résistance et des lois ainsi qu'au nom de la cause principale, la Palestine ».
Devant le TSL, M. el-Amine a déclaré qu'il comparaît également au nom d'al-Akhbar Beirut S.A.L.
Le journaliste et l'organe de presse n'étaient pas représentés par un avocat, un choix délibéré effectué par M. el-Amine qui a considéré « inutile » la présence d'un conseil.
Après un rappel de l'acte d'accusation, des règles du tribunal et des droits de l'accusé, Ibrahim el-Amine a déclaré ne pas avoir compris tout ce qui a été mentionné dans l'acte d'accusation, blâmant le tribunal pour avoir refusé de lui présenter des explications comme il l'avait demandé.
À la question de savoir s'il désire que l'acte d'accusation lui soit lu, le journaliste a refusé, estimant que ce serait « une perte de temps pour vous et pour moi ». Il a refusé en outre de répondre à la question qui lui était posée par le juge, à savoir s'il reconnaît ou non sa responsabilité dans les faits qui lui sont imputés.
M. el-Amine demande alors la permission de prendre la parole et déclare qu'il ne comparaît pas devant le TSL de sa propre volonté, faisant part de ses réserves au sujet de l'acte d'accusation.
« Ma présence ici n'est pas un libre choix. Elle ressemble à un mandat d'amener, a-t-il lancé. Je ne reconnais pas la légitimité de ce tribunal monté de toutes pièces par les Nations unies. »
Le journaliste a accusé le tribunal d'avoir été transformé par l'ONU en un outil politique. « L'ONU n'a pas réagi aux massacres israéliens lors de l'offensive de l'État hébreu contre le Liban en juillet 2006 », a-t-il déploré. Et de poursuivre : « Nous savons tous que les forces qui se cachent derrière le TSL sont les mêmes qui incitent aux guerres contre mon pays et contre la résistance. »
Le juge a coupé la parole au journaliste une première fois, lui rappelant qu'il est en train d'invoquer des faits (politiques) qui ne relèvent pas de la compétence du TSL. Il l'interrompt une deuxième fois pour lui signifier qu'il comparaît aujourd'hui de sa propre volonté, personne ne l'ayant contraint à le faire.
« Vous parlez d'un mandat d'arrêt alors que ce n'est pas le cas », a poursuivi Nicola Lettieri en référence à la mention par M. el-Amine du terme « mandat d'amener ».
Et M. El-Amine de rétorquer : « Je me conforme donc à mon droit au silence total, et ce tout le long de la procédure et je refuse qu'al-Akhbar et moi-même soyons représentés par un avocat ou qu'un avocat nous soit imposé par le TSL . »
Déplorant les mesures « répressives » à son égard, il souligne qu'il n'y a plus de raison pour qu'il poursuive sa comparution.
« Libre à vous de faire ce qui vous convient », lui lance le juge. M. el-Amine se retire alors de la séance.
Celle-ci a par la suite été levée pour dix minutes pour concertations.
« Je ne respecte plus le TSL »
De retour dans la salle d'audience, le juge Lettieri a déclaré qu'« Ibrahim el-Amine a préféré parler d'autres sujets, je considère donc sa comparution comme un plaidoyer de non-culpabilité et il revient au procureur général de prouver son affaire ».
Le débat s'engage alors sur le fait de savoir si le TSL doit ou non lui désigner un avocat de défense, quand bien même l'accusé a réitéré à maintes reprises son refus de se voir représenté par un avocat, encore moins par un conseil désigné par un tribunal dont il « ne reconnaît aucunement la légitimité ».
L'autre question débattue par les parties en présence portait sur le fait de savoir comment le TSL pourrait lui affecter un avocat ne sachant pas si son retrait de l'audience est ponctuel ou définitif et si la procédure devrait être considérée comme une procédure par défaut ou non.
Le juge Lettieri tranche le débat et exige qu'un avocat soit nommé par le bureau de la défense du TSL pour représenter le journaliste dans le but de « garantir un procès juste et rapide ». La séance est alors levée à une date qui sera fixée ultérieurement.
De retour dans les locaux d'al-Akhbar, Ibrahim el-Amine a de son côté déclaré qu'il refusera d'exécuter les décisions du TSL, comme il refusera de coopérer avec l'avocat qui sera nommé pour le représenter. « Ce tribunal est politique par excellence, a-t-il réitéré. Le TSL avait lu au préalable l'intervention que j'allais faire. Je ne respecte plus le TSL après ce qui s'est passé aujourd'hui. »
Jeanine Jalkh
« Un accusé qui se retire en pleine audience, c'est du jamais-vu dans l'histoire des tribunaux internationaux. » C'est ce que constate un juriste international qui commentait le « coup de tête » de notre confère Ibrahim el-Amine qui s'est rétracté moins d'une demi-heure après le début de l'audience au Tribunal spécial pour le Liban.
Accusé ainsi que l'organe de presse qu'il représente (le quotidien pro-Hezbollah al-Akhbar) d'outrage au Tribunal spécial pour le Liban – chargé de juger les assassins de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri et ses compagnons – et d'avoir entravé sciemment et délibérément le cours de la justice, M. el-Amine, qui avait de toute évidence accepté a priori de comparaître par vidéoconférence devant le TSL, a réussi à transformer la cour en un lieu de spectacle dont il a ravi indubitablement la vedette.
Le juge chargé d'examiner l'affaire d'outrage, Nicola Lettieri, devait d'ailleurs le rappeler à l'ordre à plus d'une reprise pour lui souligner qu'il ne s'agit pas ici d'un « talk-show télévisé ».
La comparution initiale de M. el-Amine était prévue le 13 mai, mais elle a été repoussée à la suite d'une première requête du journaliste qui avait sollicité un délai supplémentaire afin de choisir son conseil.
Le TSL a rejeté, mardi dernier, une nouvelle demande d'ajournement de la comparution prévue hier.
Peu avant sa comparution par vidéoconférence à partir des bureaux du tribunal à l'hôtel Monteverde, à Aïn Saadé, le journaliste a indiqué dans le quotidien al-Akhbar avoir pris la décision de « faire face au tribunal » et de formuler à partir de la cour ses « accusations et jugements au nom de la conscience, de la morale, de la liberté de la presse, de la souveraineté, de la résistance et des lois ainsi qu'au nom de la cause principale, la Palestine ».
Devant le TSL, M. el-Amine a déclaré qu'il comparaît également au nom d'al-Akhbar Beirut S.A.L.
Le journaliste et l'organe de presse n'étaient pas représentés par un avocat, un choix délibéré effectué par M. el-Amine qui a considéré « inutile » la présence d'un conseil.
Après un rappel de l'acte d'accusation, des règles du tribunal et des droits de l'accusé, Ibrahim el-Amine a déclaré ne pas avoir compris tout ce qui a été mentionné dans l'acte d'accusation, blâmant le tribunal pour avoir refusé de lui présenter des explications comme il l'avait demandé.
À la question de savoir s'il désire que l'acte d'accusation lui soit lu, le journaliste a refusé, estimant que ce serait « une perte de temps pour vous et pour moi ». Il a refusé en outre de répondre à la question qui lui était posée par le juge, à savoir s'il reconnaît ou non sa responsabilité dans les faits qui lui sont imputés.
M. el-Amine demande alors la permission de prendre la parole et déclare qu'il ne comparaît pas devant le TSL de sa propre volonté, faisant part de ses réserves au sujet de l'acte d'accusation.
« Ma présence ici n'est pas un libre choix. Elle ressemble à un mandat d'amener, a-t-il lancé. Je ne reconnais pas la légitimité de ce tribunal monté de toutes pièces par les Nations unies. »
Le journaliste a accusé le tribunal d'avoir été transformé par l'ONU en un outil politique. « L'ONU n'a pas réagi aux massacres israéliens lors de l'offensive de l'État hébreu contre le Liban en juillet 2006 », a-t-il déploré. Et de poursuivre : « Nous savons tous que les forces qui se cachent derrière le TSL sont les mêmes qui incitent aux guerres contre mon pays et contre la résistance. »
Le juge a coupé la parole au journaliste une première fois, lui rappelant qu'il est en train d'invoquer des faits (politiques) qui ne relèvent pas de la compétence du TSL. Il l'interrompt une deuxième fois pour lui signifier qu'il comparaît aujourd'hui de sa propre volonté, personne ne l'ayant contraint à le faire.
« Vous parlez d'un mandat d'arrêt alors que ce n'est pas le cas », a poursuivi Nicola Lettieri en référence à la mention par M. el-Amine du terme « mandat d'amener ».
Et M. El-Amine de rétorquer : « Je me conforme donc à mon droit au silence total, et ce tout le long de la procédure et je refuse qu'al-Akhbar et moi-même soyons représentés par un avocat ou qu'un avocat nous soit imposé par le TSL . »
Déplorant les mesures « répressives » à son égard, il souligne qu'il n'y a plus de raison pour qu'il poursuive sa comparution.
« Libre à vous de faire ce qui vous convient », lui lance le juge. M. el-Amine se retire alors de la séance.
Celle-ci a par la suite été levée pour dix minutes pour concertations.
« Je ne respecte plus le TSL »
De retour dans la salle d'audience, le juge Lettieri a déclaré qu'« Ibrahim el-Amine a préféré parler d'autres sujets, je considère donc sa comparution comme un plaidoyer de non-culpabilité et il revient au procureur général de prouver son affaire ».
Le débat s'engage alors sur le fait de savoir si le TSL doit ou non lui désigner un avocat de défense, quand bien même l'accusé a réitéré à maintes reprises son refus de se voir représenté par un avocat, encore moins par un conseil désigné par un tribunal dont il « ne reconnaît aucunement la légitimité ».
L'autre question débattue par les parties en présence portait sur le fait de savoir comment le TSL pourrait lui affecter un avocat ne sachant pas si son retrait de l'audience est ponctuel ou définitif et si la procédure devrait être considérée comme une procédure par défaut ou non.
Le juge Lettieri tranche le débat et exige qu'un avocat soit nommé par le bureau de la défense du TSL pour représenter le journaliste dans le but de « garantir un procès juste et rapide ». La séance est alors levée à une date qui sera fixée ultérieurement.
De retour dans les locaux d'al-Akhbar, Ibrahim el-Amine a de son côté déclaré qu'il refusera d'exécuter les décisions du TSL, comme il refusera de coopérer avec l'avocat qui sera nommé pour le représenter. « Ce tribunal est politique par excellence, a-t-il réitéré. Le TSL avait lu au préalable l'intervention que j'allais faire. Je ne respecte plus le TSL après ce qui s'est passé aujourd'hui. »
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