Aujourd'hui, il m'est indispensable d'exprimer ma voix sur un article récemment publié sur votre site Internet et qui m'a profondément émue. Son titre: «Quatre Sénégalaises arrêtées pour avoir passé la nuit en dehors de la maison de leur employeur». En tant que Libanaise, en tant que Sénégalaise, en tant que citoyenne de ce monde valorisant les droits inhérents à l'humain, il m'est impossible de rester muette et je ne pouvais trouver une plate-forme plus appropriée que le contact de L'Orient-Le Jour, n'étant pas parvenue à poster une réaction à votre article. Usez mes pensées à vos souhaits, noyez-les si elles vous déplaisent, publiez-les si vous y adhérez, cessez votre lecture maintenant si vous êtes apathiques, mais, encore une fois, je ne peux rester silencieuse.
Je n'avais pas l'intention de me retrouver à pianoter ces quelques mots sur mon clavier, encore moins à votre intention. Il y a quelques heures, cependant, j'ai eu la chance d'interagir avec des travailleuses sénégalaises à Beyrouth qui ont partagé leur dégoût et profonde tristesse à la suite des récents événements. Comment avais-je osé faire preuve d'autant de lassitude la veille alors que le Sénégal a porté et ensoleillé 18 de mes 20 ans?
Je veux comprendre. Le mythe des Libanais d'Afrique alimenté par l'exhibition des richesses d'une minorité n'est certainement pas représentatif de la globalité de la population, mais il porte en lui un message plus véridique, celui du bonheur des Libanais dans le continent africain. Qu'en est-il de la réciprocité?
Je veux comprendre. Pourquoi, au nom de quoi, avons-nous le droit de nous installer pendant des générations dans ces pays que nous finissons par considérer comme nôtres, quand nos compatriotes sénégalaises se font traiter comme sous-humaines par les forces de l'ordre ? La vie et la prospérité des Libanais ont-elles plus de valeur que celles des ressortissants des pays qui nous ont pourtant chaleureusement accueillis et intégrés?
Anne-Marie el-Hage pose les bonnes questions dans son article et pointe du doigt la recherche d'une «employée en fuite». Bien consciente que ces mots ne sont que basés sur les faits de l'histoire, ils m'émeuvent avec une brutalité étrangère, mais légitime. Dans quelle ère parle-t-on d'une employée ayant «fui» le domicile de ses employeurs si ce n'est celle de l'esclavage?
Qu'on m'explique alors: que s'est-il passé qui nous a rendus si apathiques?
La Sûreté générale fait appel aux lois de parrainage pour justifier son intervention. Ces lois ne justifient en rien le comportement barbare imposé à ces femmes – et à tant d'autres avant elles – et contiennent en elles le cœur du problème. Ce problème se nourrit à chaque fois qu'une maîtresse de maison s'arroge le droit de confisquer le passeport de son employée, à chaque fois qu'un policier bafoue cruellement la dignité de ces femmes, à chaque blague raciste, à chaque parole ethnocentrique. Il s'engraine dans nos silences et aliène en permanence des dizaines de femmes et hommes sur notre territoire.
«La communauté sénégalaise est en colère. Très en colère et sous le choc», ai-je pu lire dans votre article. Madame, monsieur, mes nationalités n'ont pas influencé mon indignation à la lecture de la nouvelle. Mais en transcrivant ma frustration dans ces quelques lignes, j'ai un peu moins honte de prononcer ces quelques mots, que je murmure presque: «Je suis libanaise.»
Que les autorités libèrent ces femmes et fassent briller l'espoir moribond que nous avons dans ce pays et qu'elles ont étouffé à de trop nombreuses occasions.
Merci d'avoir pris le
temps de lire ces quelques phrases.
Je n'avais pas l'intention de me retrouver à pianoter ces quelques mots sur mon clavier, encore moins à votre intention. Il y a quelques heures, cependant, j'ai eu la chance d'interagir avec des travailleuses sénégalaises à Beyrouth qui ont partagé leur dégoût et profonde tristesse à la suite des récents événements. Comment avais-je osé faire preuve d'autant de lassitude la veille alors que le Sénégal a porté et ensoleillé 18 de mes 20 ans?
Je veux comprendre. Le mythe des Libanais d'Afrique alimenté par l'exhibition des richesses d'une minorité n'est certainement pas représentatif de la globalité de la population, mais il porte en lui un message plus véridique, celui du bonheur des Libanais dans le continent africain. Qu'en est-il de la réciprocité?
Je veux comprendre. Pourquoi, au nom de quoi, avons-nous le droit de nous installer pendant des générations dans ces pays que nous finissons par considérer comme nôtres, quand nos compatriotes sénégalaises se font traiter comme sous-humaines par les forces de l'ordre ? La vie et la prospérité des Libanais ont-elles plus de valeur que celles des ressortissants des pays qui nous ont pourtant chaleureusement accueillis et intégrés?
Anne-Marie el-Hage pose les bonnes questions dans son article et pointe du doigt la recherche d'une «employée en fuite». Bien consciente que ces mots ne sont que basés sur les faits de l'histoire, ils m'émeuvent avec une brutalité étrangère, mais légitime. Dans quelle ère parle-t-on d'une employée ayant «fui» le domicile de ses employeurs si ce n'est celle de l'esclavage?
Qu'on m'explique alors: que s'est-il passé qui nous a rendus si apathiques?
La Sûreté générale fait appel aux lois de parrainage pour justifier son intervention. Ces lois ne justifient en rien le comportement barbare imposé à ces femmes – et à tant d'autres avant elles – et contiennent en elles le cœur du problème. Ce problème se nourrit à chaque fois qu'une maîtresse de maison s'arroge le droit de confisquer le passeport de son employée, à chaque fois qu'un policier bafoue cruellement la dignité de ces femmes, à chaque blague raciste, à chaque parole ethnocentrique. Il s'engraine dans nos silences et aliène en permanence des dizaines de femmes et hommes sur notre territoire.
«La communauté sénégalaise est en colère. Très en colère et sous le choc», ai-je pu lire dans votre article. Madame, monsieur, mes nationalités n'ont pas influencé mon indignation à la lecture de la nouvelle. Mais en transcrivant ma frustration dans ces quelques lignes, j'ai un peu moins honte de prononcer ces quelques mots, que je murmure presque: «Je suis libanaise.»
Que les autorités libèrent ces femmes et fassent briller l'espoir moribond que nous avons dans ce pays et qu'elles ont étouffé à de trop nombreuses occasions.
Merci d'avoir pris le
temps de lire ces quelques phrases.
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