The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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May 22, 2010

L' Orient Le Jour - Municipales : la bataille des femmes

Par Nada MERHI

Elles viennent de régions et de milieux différents. Elles sont femmes au foyer ou simples employées. Elles n'ont en commun que leur condition de femme et la volonté d'opérer un changement dans la société au sein de laquelle elles vivent en accédant à un siège municipal. Même si la partie est remise au prochain scrutin... dans six ans.
Dans le village de Doueir, caza de Nabatiyeh, le Hezbollah, le mouvement Amal et le Parti social national syrien (PSNS) se sont entendus pour former une liste consensuelle. Le scrutin de dimanche aurait dû donc se dérouler dans le calme, aucune bataille n'étant prévue. Mais Hayat Rammal en a décidé autrement. Cette jeune femme a présenté sa candidature aux municipales, convaincue que la gent féminine a un important rôle à jouer dans le développement du village, « qui en a grandement besoin ».
« La femme au sein du conseil municipal peut inciter les autres femmes du village à coopérer avec elle, explique-t-elle. Elle peut aussi mieux œuvrer pour mener à terme différents projets, d'autant que de par ses responsabilités au sein du conseil municipal, elle pourra faire en sorte d'assurer les fonds nécessaires pour leur réalisation. »
Mariée à un partisan du PSNS, n'ayant pas rejoint elle-même les rangs du parti, Hayat mène sa bataille seule, le PSNS la soutenant moralement. Ce qui ne semble pas trop la déranger, puisqu'elle est persuadée que « les partis ne travaillent que pour leur base, au moment où les indépendants peuvent mieux servir toutes les factions de la société à laquelle ils appartiennent ».
Hayat mène sa campagne, se basant sur un programme électoral solide. « Le village a besoin de plus d'un projet, confie-t-elle. Personnellement, je commencerai par fonder un club culturel pour offrir, surtout aux adolescents, une alternative au narguilé. En effet, je me sens désolée et dérangée de voir tous ces jeunes de mon village, qui ont à peine 14 ou 15 ans, traîner dans les cafés à narguilé. Par ailleurs, ayant personnellement suivi plusieurs sessions de formation pour la confection du chocolat et la gestion de petits projets, et ayant participé à des expositions au Liban et dans les pays arabes, je pense pouvoir aider les autres femmes dans ce cadre. Je voudrais aussi créer une coopérative agricole pour aider les femmes du village qui confectionnent la "mouné" à commercialiser leurs
produits. »
Pourra-t-elle gagner en perçant la liste adverse ? « Non, répond-elle. Je ne pourrais jamais le faire, puisque je suis indépendante. Mais cela ne m'empêchera pas de continuer ma bataille jusqu'au bout, parce qu'il n'est pas normal qu'une partie ait le monopole de l'opinion. Il faut qu'il y ait d'autres choix. D'ailleurs, ma candidature a encouragé d'autres à se présenter aux municipales. »

Capacitation des femmes
Hayat Rammal fait partie d'un groupe de près de 70 femmes de différents villages du pays ayant participé à une session de formation menée par Beyond Reform and Developpement sur les compétences électorales dans les villages. Le projet a été exécuté en coopération avec le Conseil national de la femme libanaise et le Fonds national des Nations unies pour la population. « La session a comporté trois angles, explique Carmen Geha, de l'équipe d'exécution à Beyond Reform and Development. Le côté légal et juridique spécifique aux municipales, les compétences managériales et communicatives, c'est-à-dire comment s'adresser aux électeurs, comment recruter des volontaires pour la machine électorale, comment faire des slogans, des affiches, s'adresser aux médias... Le troisième volet était consacré à la mise en place de stratégies de développement local. »

« Je ne cherche pas le pouvoir... »
Leila Sakr est de Kfeir, dans le caza de Hasbaya. Active dans plusieurs associations, elle a décidé de mener sa bataille sous le thème du développement. « J'ai reçu une éducation scolaire basique et je n'ai pas pu poursuivre mes études pour différentes raisons, confie-t-elle. Mais cela ne pose pas un problème pour ma candidature, parce que malheureusement tous les gens éduqués de Kfeir ont quitté la localité à la recherche de bonnes perspectives de travail. Par conséquent, ils ne sont pas conscients des vrais problèmes du village. »
Femme active, elle s'est lancée dans le volontariat depuis plusieurs années et aide beaucoup les habitants du village. « La femme ne doit pas se recroqueviller au foyer, affirme-t-elle. Elle a un rôle à jouer dans la société, quel que soit son âge. En effet, moi, c'est maintenant que je peux donner le plus, parce que mes enfants ont grandi. Ils n'ont plus besoin de moi comme avant. Actuellement, je me consacre entièrement à des projets de développement dans le
village. »
Et Leila de poursuivre : « Je ne recherche pas le pouvoir, ni une position. L'important c'est d'accéder au conseil municipal, pour pouvoir mieux servir Kfeir, qui souffre de multiples problèmes, comme la coupure presque permanente du courant électrique et la pollution de l'eau. Kfeir est un village riche en eau et pourtant tout le monde achète l'eau, parce que la nôtre est polluée. Il nous manque aussi dans le village un médecin qui soit disponible surtout la nuit, d'autant plus que dans les cas d'urgence, nous sommes bien loin des hôpitaux. »
Leila est familière des batailles électorales, puisqu'elle est la fille d'un ancien vice-président du conseil municipal et l'épouse d'un membre actuel du conseil, « qui a réussi à percer la liste adverse ». « C'est ma première expérience, note-t-elle. Si je réussis, je formerais une équipe de travail qui représenterait les différentes associations du village et cela dans le but de mieux contrôler le travail sur le terrain et assurer une meilleure collaboration pour améliorer l'état du village. »
Pour sa candidature, Leila bénéficie « du soutien total de mon mari, et cela est très important ». « Même si je serai la seule femme candidate, je ne me retirerai pas de la course, affirme-t-elle. Je n'ai pas peur et je suis convaincue que la femme est plus efficace dans ce domaine que l'homme. »
Rendez-vous dans six ans
Amal Hammoud est de Akaba, à Rachaya el-Wadi. Cette jeune femme de 34 ans est issue d'un milieu conservateur qui ne croit pas que la femme a une place à jouer dans la société. « Selon la mentalité de notre village, la femme doit se conformer aux décisions prises par la famille et soutenir par conséquent le candidat, même si elle n'en est pas convaincue, raconte-t-elle. Plusieurs autres femmes ont déjà pris part à de pareilles sessions de formation, mais elles n'ont pas encore osé franchir le pas. Personnellement, je retournerai dans mon village et rassemblerai d'autres femmes pour qu'ensemble nous puissions créer une association avec des projets bien précis et réalistes. Ainsi, dans six ans, nous serons capables de mener la bataille des femmes. »

« On n'apprend que de ses erreurs »
Ancienne membre du conseil municipal de Ras Baalbeck, Wissam Arja a été forcée de se retirer de la course pour des considérations « machistes » et de « jalousie ». « Mon expérience était réussie et a eu un impact positif sur le village, sauf au niveau des candidatures, puisque les deux grandes familles de la localité ont décidé de former une liste d'entente, écartant toutefois les femmes, parce qu'elles estimaient qu'elles n'avaient pas de place dans ce tour, déplore-t-elle. On m'a demandé de retirer ma candidature pour permettre à d'autres femmes de faire leurs preuves. Je l'ai fait mais, malheureusement, les femmes en question ont eu peur de faire face à la coalition formée par les hommes du village et se sont retirées de la course. Je n'aurais pas dû me retirer moi-même. »
Ancienne enseignante, Wissam et son ancienne collègue au conseil municipal, Jeannette Ghodban, ont créé il y a plusieurs années l'Association pour la solidarité féminine. Cette dernière œuvre pour la capacitation de la femme, s'occupant des jeunes, des personnes âgées et de la santé de la femme. « Nous voulons que la femme soit partenaire dans la prise des décisions, note Wissam. Nous avons même réussi à changer certaines traditions dans le village. Au cours de mon mandat, j'ai pratiquement réalisé tous les programmes que je me suis engagée à entamer et, finalement, l'archevêque de Ras Baalbeck m'a nommée au sein de l'équipe qui s'occupe du "wakf". Mais on n'apprend que de ses fautes. Dans six ans, les choses seront différentes. »

Campagne parallèle
Pour Wafa' Taha, de Kantara, au Akkar, la présence des femmes au conseil municipal du village est une nécessité. « Je suis déjà membre du conseil municipal et candidate pour le scrutin de 2010, note-t-elle, parce que les femmes doivent avoir un rôle à jouer. Ce sont elles qui peuvent mener les projets de développement social au sein de leur société. »
La position de Wafa' pour le scrutin du 30 mai est toutefois précaire, malgré sa bonne expérience dans le domaine. « Notre village est mixte, explique-t-elle. Nous suivons une coutume dans le village selon laquelle la présidence du conseil sera assumée à tour de rôle par les chrétiens et les musulmans. Cette année, c'est au tour des chrétiens de présider le conseil. Mais d'aucuns dans le village se sont rebellés contre la coutume et ont décidé de mener une campagne parallèle, ce que nous n'avons pas apprécié. Personnellement, je tiens ma parole. C'est la raison pour laquelle je me suis inscrite sur la liste du candidat chrétien. J'espère que les élections ne prendront pas une tournure politique et que l'argent n'interviendra pas dans les décisions des électeurs. »
Qu'elles remportent les élections ou non, toutes ces femmes sont unanimes sur un fait : les sessions de formation leur ont été bénéfiques et leur ont permis de mieux s'organiser... pour le prochain scrutin.

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