The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

Search This Blog

May 12, 2010

May 11, 2010 - L'Orient le jour - Cassese : Le TSL, un animal institutionnel unique, différent des autres tribunaux internationaux

Par Jeanine JALKH | 11/05/2010

Devant une salle dégarnie d'étudiants, de juristes et d'experts supposés pourtant s'intéresser à un sujet inédit de par sa nouveauté et son originalité, le président du Tribunal spécial pour le Liban, Antonio Cassese, a donné hier un exposé fourni sur les spécificités du TSL et ses rouages internes.


Intitulée « Le TSL et le droit libanais : approche comparative », la conférence, qui a eu lieu à l'amphithéâtre Pierre Abou Khater de l'USJ, a également été l'occasion de parler des droits des victimes, suite à des interventions faites par le représentant légal des victimes à la CPI , Jean Louis Gilissen, et par le juriste senior auprès des chambres du TSL, Jérôme Hemptinne.
« Le crime de terrorisme n'a de commun avec les autres crimes de droit pénal international que l'horreur et le sang », a affirmé le président du Conseil d'État, Chucri Sader, qui a modéré la première partie de la conférence. Rappelant que les actes terroristes que le TSL a compétence de juger comprennent des « spécificités aussi bien au niveau de l'enquête que de la structure du tribunal et de la procédure à suivre », le juge Sader a rappelé les autres spécificités du TSL qui résident, d'une part , dans la loi applicable, « qui n'est autre que la loi libanaise », et dans la mixture agressive des deux régimes de Common Law et de droit civil, « afin d'assurer plus de célérité et d'efficacité au travail du tribunal ». Autre spécificité, ajoute-t-il, le fait que le TSL ait été doté d'un bureau de la défense, indépendant du greffe.
À son tour, le président Cassese parlera des éléments novateurs qui font que le TSL « est un animal institutionnel unique et tout à fait différent des autres tribunaux internationaux ». Parmi ces éléments, le système accusatoire caractérisé par la présence du juge de la mise en état, qui jouit d'un rôle très important.
« C'est un juge indépendant qui ressemble au juge d'instruction dans le système libanais, dit-il. En contact permanent avec le procureur, il est chargé de l'examen préliminaire du dossier et facilite le travail de la chambre. C'est lui qui donne le feu vert pour que le dossier soit transmis devant le tribunal après s'être assuré de la crédibilité et de la pertinence des preuves à charge. C'est également lui qui détermine les victimes, à savoir qu'il décide combien de victimes peuvent se prévaloir en tant que telles. Autre nouveauté inauguré par le TSL, le fait que le déséquilibre entre la défense et le parquet a été rétabli, le tribunal ayant pris des éléments de la procédure américaine qui donne beaucoup d'importance à la défense et protège le droit des accusés. Dernier élément original dans ce régime, celui du droit des victimes qui peuvent désormais participer au procès, témoigner, interroger et contre-interroger les témoins, voire même convoquer des témoins. » « Ils participent à la procédure en exposant les points de droit pour arriver à la vérité », dit-il. Leur rôle est d'autant plus important qu'ils « peuvent pousser le parquet à être plus incisif » . La possibilité enfin pour l'accusé de faire des déclarations et de refuser, éventuellement, de répondre lorsqu'ils sont interrogés par les juges a été octroyée dans le cadre de ce système.
Après avoir rappelé les réalisations au plan des « infrastructures pratiques et juridiques » faites par le TSL au cours de l'année écoulée, M. Cassese a évoqué les « activités juridiques » du TSL qui se poursuivent, dit-il, malgré l'absence, pour l'instant, de procès. Parmi ces activités, le cas de la libération des quatre généraux et les dernières ordonnances rendues par le TSL suite à la requête faite par l'un des officiers. Le général Jamil Sayyed a en effet présenté une demande auprès de l'institution judiciaire pour obtenir les éléments de preuve qui avaient conduit à son arrestation, les juges libanais et le TSL s'étant déclarés incompétents pour examiner et statuer sur la question des faux témoins. Et le juge Cassese de préciser que la requête de M. Sayyed a été transmise au juge de la mise en état qui doit trancher d'ici à mi-juin, dans un sens comme dans un autre.
Face à cette requête, « nous devions affronter un problème sérieux pour savoir si le TSL est compétent en la matière, M. Sayyed n'étant ni un suspect, ni un accusé, ni une victime par rapport au tribunal (...), avant de décider qu'il y a effectivement un lien, puisque M. Sayyed a été lié au TSL durant la période du dessaisissement par les autorités libanaises de ce dossier en faveur du tribunal », précise le juge. Par conséquent, explique-t-il, et sur base du principe du droit fondamental d'accès à la justice, et conformément à un arrêt international qui prévoit le droit pour tout individu d'accéder à un juge pour faire prévaloir ses prétentions pour obtenir des dommages et intérêts, nous avons conclu que M. Sayyed « a effectivement droit de venir devant notre tribunal, mais pas au dossier », du moins à ce stade de la procédure. Car ce sera au juge de la mise en état de décider, après dépôt d'un mémoire de la part de M. Sayyed présentant ses arguments, s'il y aura ou non une confrontation du demandeur avec le procureur sur cette affaire - lors d'une audience publique -, chose que le juge Daniel Fransen tranchera d'ici à la moitié du mois de juin prochain, explique le président qui souligne que les deux parties ont d'ailleurs un droit d'appel.
Place ensuite aux droits des victimes qui ont fait l'objet d'un exposé historique de la part de Jean-Louis Gilissen. Passant en revue la phase du droit international « où la victime n'avait pas de place », le juriste a rappelé que cette question a par la suite évolué avec la mise en place de tribunaux internationaux, tels que celui du Ruwanda, lequel a témoigné d'une amorce de la reconnaissance de la spécificité des victimes. Celle-ci « reste toutefois une épreuve en soi » et « un difficile équilibre à maintenir » entre les tenants de la partie civile et ceux qui insistent pour que les victimes fassent un procès indépendant de la justice internationale, conclut l'expert qui souligne que le combat doit être poursuivi.
Jérôme de Hemptinne élaborera sur ce point, en rappelant que le TSL a tenu compte du système libanais et des limites imposées par le statut du tribunal, les victimes ne pouvant pas bénéficier de réclamations devant le TSL. Elles peuvent par contre se tourner vers les juridictions libanaises pour faire prévaloir leur droit aux compensations. Elles peuvent également se prévaloir d'une réparation morale devant le TSL.
Encore faut-il déterminer qui est victime et quelles sont les victimes qui peuvent se faire prévaloir de leur droit concret, à savoir leur participation au procès, décision qui revient aux juges.

No comments:

Post a Comment

Archives