The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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May 13, 2010

May 13, 2010 - Alliance Geostrategique - L’Iran et le Tribunal Spécial pour le Liban encadrent l’été libanais

Par Jean-Luc Vannier, ancien conseiller « Moyen-Orient » au SGDN et auditeur de l’IHEDN.

Organisées sur plusieurs dimanches du mois de mai, les élections municipales libanaises ne soulèvent guère l’enthousiasme de la population. Le fort taux d’abstention, notamment dans la capitale où le vote chrétien vaut symbole de l’affrontement entre la coalition du 14 mars et les pro-syriens du 8 mars, signe le désaveu des électeurs pour un scrutin qui donne en général la pire des images du Liban: clientélisme exacerbé et mésalliances locales tentent de sauvegarder les intérêts politiques des grandes familles patriciennes.

Les Libanais se souviennent à peine de l’engouement pour les élections législatives de juin 2009, gagnées arithmétiquement mais dont la victoire leur a été confisquée dans les faits par la question des armements du Hezbollah.

Mois de juin : une « fenêtre à risque »

Seule la perspective de la saison estivale avec un nombre record de touristes européens attendus redonne le moral au pays du Cèdre. Et encore. Le soleil de l’été 2010 semble d’ores et déjà assombri. Sinon dangereusement encadré. La réunion du Conseil de sécurité sur les sanctions contre l’Iran, prévue en juin au plus tard, ouvre une « fenêtre à risque » selon un avis pour une fois partagé entre un expert israélien des questions de sécurité et un proche du Hezbollah. Juin ou plus tard, le Parti de Dieu s’attend inéluctablement à une guerre avec l’Etat hébreu. « Un mois, six mois ou deux ans, peu importe » résume l’un de ses partisans qui croit dur comme fer que « la confrontation se projettera cette fois-ci sur le territoire israélien ». Peur des bombardements ? « Nous avons des villes entières sous terre reliées par des galeries », se vante un autre de ses militants. Précaire équilibre de la terreur. Autre certitude avancée par le premier : après l’alliance renouvelée entre la Syrie, l’Iran et le Hezbollah lors de la récente visite à Damas du président Ahmadinejad, « la République islamique d’Iran, assure-t-on, ne restera pas inactive ». Pas d’espoir, fait-on en premier lieu remarquer à l’attention de la diplomatie française, de parvenir à découpler le grand voisin syrien du protecteur iranien. On précise en outre que cette visite a également permis de lever les zones d’ombres et la méfiance qui existaient entre le Parti de Dieu et les dirigeants alaouites depuis l’assassinat de Imad Moughniyé.

C’est cette même assurance qui sous-tend, toujours de ce côté-ci du fleuve Litani, l’analyse de la stratégie israélienne: engagé dans une course contre la montre, Israël alterne, estime-t-on au Liban, provocations et déclarations rassurantes. Et donne le sentiment d’être incertain sur l’issue d’un affrontement au cours duquel il tenterait de rendre complètement étanche la frontière entre la Syrie et le Liban, en obligeant la Communauté internationale à y déployer des soldats de l’ONU en échange d’un arrêt des hostilités. Simultanément convaincu de l’engagement iranien aux côtés de la milice chiite, l’Etat hébreu miserait par surcroît sur un conflit qui devrait automatiquement entraîner un soutien et une intervention militaires des Etats-Unis. Ce que Tel-Aviv, constate ce même interlocuteur, n’a pas encore obtenu en temps de paix.

Une nouvelle « ligne bleue » ?

Bien que le Hezbollah répète à l’envi que la guerre n’est pas pour demain, sa direction a pourtant envoyé une circulaire à tous les chefs d’établissement des écoles Al Hoda, financées par la milice et réputées accueillir les enfants de leurs responsables, leur demandant de terminer les cours fin mai. Un mois avant le terme ordinaire des enseignements annuels. Faut-il véritablement s’en alarmer? Quant à la question si sensible des nouveaux missiles parvenus à la formation pro-iranienne, elle ne semble plus faire de doute parmi les responsables de la sécurité, y compris ceux de l’ONU. Certains d’entre eux citent d’ailleurs les témoignages -des camions à rallonge qui circulent la nuit profitant des coupures de courant- discrètement recueillis auprès d’habitants de la ville de Machghara, localité la plus importante de la Bekaa Ouest, située sur la rive droite du Litani entre le poste frontière de Chtaura et le sud Liban.

Enfin, et dans la même veine, outre les attaques réitérées contre les patrouilles de la Finul par des villageois, les puissances occidentales s’inquiètent d’une récente ré-interprétation, par des responsables de l’armée libanaise, de la « ligne bleue » dix ans après son officialisation et le retrait israélien du Sud-Liban. Sur le terrain, des officiers libanais entendent distinguer une « première ligne bleue » de Naqoura au fleuve Wazzani d’une seconde, du Wazzani vers l’Est, le long de la frontière syrienne. Une deuxième zone qu’ils tiennent pour un « territoire occupé » et sur laquelle ils refusent de contenir, sinon de réprimer les manifestations croissantes des civils. Au point que des responsables de la Finul s’interrogent sur l’existence d’un « agenda caché » de certaines autorités du pays. Une situation suffisamment tendue pour provoquer la visite éclair le 24 avril à Beyrouth du Ministre égyptien des affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit venu, semble-t-il, demander à ses interlocuteurs libanais de « raisonner le Hezbollah ». Peine perdue selon un haut responsable chiite de Amal: « les dirigeants du Parti de Dieu sont convaincus du bien fondé de leur action » et « personne au Liban ne peut entreprendre quoi que ce soit contre eux ». « Pas même Saad Hariri » précise l’intéressé.

Les pressions de la Turquie

C’est sans doute ce qu’a bien saisi le leader druze Walid Jumblatt qui a tiré toutes les conséquences de la bataille de Choueifat entre ses militants et ceux du Hezbollah en mai 2008. Avant même les élections législatives de juin 2009, Walid Bey avait engagé des consultations en vue d’un rapprochement avec la milice chiite. Une orientation qu’il a depuis confirmée en annonçant son retrait de la coalition du 14 mars emmenée par Saad Hariri. Un retournement d’alliance qui est pourtant loin de faire l’unanimité au sein de ses troupes. Son souci clairement martelé de « protéger sa communauté », ne parvient pas à faire taire les critiques, certes toujours respectueuses envers le chef charismatique, mais qu’un chauffeur de taxi druze d’Aley résume à sa manière: « Oui à l’armée libanaise, non au Hezbollah ».

Serait-ce par surcroît une conséquence indirecte de la montée en puissance du Parti de Dieu, toujours est-il que la Turquie joue désormais un rôle explicite dans le « grand jeu » libanais. Pour la première fois en effet, Ankara a exercé des pressions directes sur les autorités de Beyrouth afin d’écarter la présence d’officiels libanais lors des célébrations du génocide arménien du 24 avril à Antélias, haut lieu de l’église arménienne et au grand stade de Bourj Hammoud où s’étaient rassemblées soixante mille personnes. Une manoeuvre vivement dénoncée par le responsable du parti Tachnag et député arménien du Metn, Hagop Pakradounian qui a lancé aux responsables politiques du Liban : « méfiez-vous de blesser la dignité arménienne ». L’activisme turc au pays du Cèdre ne s’arrête pas là, fait-on remarquer : Ankara finance depuis plusieurs années la « réimplantation des confréries soufies par l’intermédiaire d’influentes tribus implantées dans le nord du pays ». Sans compter la « construction d’écoles pour des Sunnites d’origine turkmènes de la région de Baalbeck » tout en établissant de nécessaires passerelles avec les familles chiites du sud, y compris au moyen d’une subvention pour un stade de football. Selon un diplomate de l’Ambassade américaine de Beyrouth, les Etats-Unis « voient d’un œil favorable ces initiatives turques », destinées à établir un niveau de protection contre les Chiites que l’Egypte ou l’Arabie saoudite ne sauraient garantir. Une « remise en cause de la démocratie consensuelle » qui ne laisse pas « d’inquiéter la communauté arménienne », assure de son côté Antranik Dakessian. Une communauté, précise le président de l’Université Haigazian, traversée par de profondes mutations: « un taux de natalité parmi les plus faibles en comparaison des autres communautés vivant au Liban », doublé d’une tendance à l’appauvrissement. « Seul un tiers des Arméniens se suffit économiquement, 30% vivent de soutiens financiers en provenance de l’étranger et le dernier tiers se situe très nettement en dessous du seuil de pauvreté », explique-t-il.

Un acte d’accusation du TSL à l’automne ?

Si rien ne venait contrarier la douceur de l’été libanais, l’automne pourrait s’accompagner de quelques perturbations. Malgré sa redoutable discrétion, le Tribunal Spécial pour le Liban ferait, selon de multiples sources sécuritaires, parler de lui dès la rentrée. Le bureau du Procureur a en effet considérablement intensifié ses investigations: celles-ci se sont récemment étendues à la Direction de la Sûreté générale et ce, malgré les réticences de son Directeur réputé proche du Hezbollah. Ce dernier a dû s’incliner devant l’injonction du Procureur général de la république. Sans dévoiler les noms et les empreintes qu’ils voulaient vérifier, des enquêteurs ont pu ainsi consulter librement les fichiers alphabétiques de l’organisme central des renseignements libanais. Simultanément, d’autres enquêteurs progressaient également sur l’identification d’acheteurs d’objets métalliques dont des pièces éparses ont été retrouvées sur les lieux de l’attentat. Pour le cas de Marwan Hamadé, Ministre proche de Walid Jumblatt blessé dans un attentat en 2004, le procureur serait, affirme-t-on à Beyrouth, en possession de tous les éléments judiciaires.

Contrairement aux estimations du Ministre libanais de la Justice sur un possible échelonnement des procédures afin d’éviter des troubles civils (voir Le Liban doit-il craindre le printemps 2010 ?) , des responsables onusiens s’attendent à un acte d’accusation qui publierait intégralement les noms de personnes impliquées dans l’attentat qui a coûté la vie à l’ancien premier Ministre Rafic Hariri en février 2005. Ceux qui s’interrogeaient sur l’indépendance et fustigeaient la lenteur du Tribunal Spécial pour le Liban semblent maintenant redouter les effets de sa dynamique et craindre les conséquences de sa détermination./.

Jean-Luc Vannier est ancien conseiller « Moyen-Orient » au SGDN, auditeur de l’IHEDN, il a enseigné plusieurs années à l’université Saint-Joseph de Beyrouth. Aujourd’hui, il est psychanalyste, chargé de cours à l’Université de Nice, à l’EDHEC, et auteur de chroniques sur le web.

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