Par Fady NOUN | 11/08/2011
EN TOUTE LIBERTÉ Le décret de naturalisation de 1994 sera-t-il révisé avant la promulgation d’une nouvelle loi électorale ? La question se pose, dans la mesure où l’impact du vote des naturalisés (moujannassoun) pourrait, une fois de plus, fausser les résultats des élections de 2013, comme il l’a fait pour tous les scrutins qui l’ont suivi (l’étude couvre les élections de 1996, 2000, 2005 et les partielles de 1997). Une étude récente de Guitta Hourani, directrice du centre de recherche de la NDU sur l’émigration libanaise, et d’Eugène Sensenig-Dabbous, doyen du département des sciences politiques à la NDU, parue dans le Journal of international migration and intégration le montre très clairement.
L’espace manque pour rendre justice à cette recherche éclairante qui montre, en particulier, que ces nationaux naturalisés ont fait preuve d’un taux de participation au vote plus élevé que la population normale, à l’inverse de ce qui se passe dans d’autres pays ou « l’apathie politique » est de rigueur, dans un premier temps. Pour expliquer ce phénomène, l’hypothèse retenue est que des machines électorales ont pesé sur le vote en question, et que le système zaïm - clientèle politique et des machines ethniquement segmentées ont été responsables de cette inversion de tendance.
L’espace manque pour rendre justice à cette recherche éclairante qui montre, en particulier, que ces nationaux naturalisés ont fait preuve d’un taux de participation au vote plus élevé que la population normale, à l’inverse de ce qui se passe dans d’autres pays ou « l’apathie politique » est de rigueur, dans un premier temps. Pour expliquer ce phénomène, l’hypothèse retenue est que des machines électorales ont pesé sur le vote en question, et que le système zaïm - clientèle politique et des machines ethniquement segmentées ont été responsables de cette inversion de tendance.
Et va-t-on, grâce aux nouveaux découpages administratifs, créer à nouveau des circonscriptions où ces nationaux, compte tenu de leur vulnérabilité, vont voter en masse selon les consignes de vote que leur donneront des appareils politiques suspects ?
Pour mémoire, rappelons quelques éléments de ce dossier, tels que les rapporte l’étude de Guitta Hourani et d’Eugène Sensenig-Dabbous.
En 1994, un décret présidentiel (5427) a naturalisé environ 144 931 étrangers, dont la majorité résidait au Liban, l’autre en Syrie. Le décret a été signé alors que le Liban était toujours sous tutelle syrienne. Élu après l’assassinat de René Moawad, le 22 novembre 1989, le président Élias Hraoui était alors au pouvoir et gouvernait en apparence le pays. Le décret qui changea la face du système politique libanais fut signé par lui, le Premier ministre Rafic Hariri et le ministre de l’Intérieur à l’époque, Béchara Merhej.
Le manque de transparence continue de marquer ce dossier, puisque officiellement le Liban a reconnu la naturalisation de 88 278 personnes âgées de plus de 21 ans, le gouvernement ayant choisi à l’époque, pour minimiser l’impact du décret sur l’opinion, d’omettre de comptabiliser les mineurs.
Toutefois, selon un rapport présenté en 2006 à la conférence nationale de dialogue par Ahmad Fatfat, alors ministre de la Jeunesse et des Sports, le nombre réel de naturalisés s’élevait à 144 931 personnes. Ce chiffre initial avait augmenté, à la date de 2006, de 49 075 nouveaux sujets, par mariages et naissances.
Sur le total des personnes naturalisées en 1994, 42 % étaient syriennes ; 28 % étaient des personnes à la nationalité « sous étude » (kayd el-dars), le gros de cette catégorie étant formé de Kurdes ; 16 % étaient des réfugiés palestiniens, notamment en provenance des « sept villages » ; 9 % formaient la catégorie des personnes qui avaient omis de s’inscrire (maktoum el-kayd) après le Traité de Lausanne ; 6 % étaient des Arabes de Wadi Khaled et les autres provenaient de diverses nationalités.
Le rapport confessionnel des nouveaux naturalisés était de 75 % de musulmans à 25 % de chrétiens.
La plupart des naturalisés vivaient sur le territoire libanais lors du Traité de Lausanne (1923), qui réglementait la conversion des personnes de sujets de l’Empire ottoman en citoyens des différents États-nations qui lui succédèrent, à condition que ces États acceptent l’option choisie par ces nouveaux citoyens.
Toutefois, au moment du décret de naturalisation, la majorité de ces nationaux vivait hors du Liban, surtout en Syrie.
Notons qu’à ce jour l’État n’a toujours rien publié des caractéristiques sociodémographiques de ces naturalisés (âge, éducation, occupation, nombre d’enfants, etc.), ni autorisé l’accès des chercheurs à leurs dossiers.
Les naturalisés, montre l’étude citée, ont formé une base électorale significative qui a pesé sur les résultats des élections municipales et parlementaires au Liban, après 1994. Sur le plan électoral, la conduite électorale des naturalisés n’a pas été « libre » et a répondu le plus souvent aux allégeances qui leur ont valu leur citoyenneté.
Ainsi, à ce jour, les naturalisés syriens continuent d’avoir des liens particulièrement forts avec la Syrie, notamment parce que la majorité d’entre eux continue de vivre en Syrie et est transportée au Liban pour voter. De même, les Palestiniens dits des « sept villages » répondent à Saïda aux consignes de vote de l’OLP ou du Hamas.
Ces Palestiniens, réfugiés au Liban en 1948, assurent avoir été libanais, entre 1921 et 1923, avant que leurs villages soient rétrocédés par la France à la Grande-Bretagne, en vertu de l’accord Paulet-Newcombe passé en 1922.
Il ne faut pas oublier non plus que des groupes de naturalisés, comme les Bédouins et les Arméniens, ont été enregistrés dans des circonscriptions – la Békaa pour les Bédouins et le Metn pour les Arméniens – où leur vote pouvait neutraliser les forces antisyriennes ou faire pencher la balance en faveur des candidats ayant les faveurs de Damas.
La loyauté des Bédouins, qui étaient apatrides avant d’être naturalisés, va à leur tribu plutôt qu’à un État quelconque. Ces groupes nomades, qui venaient dans la fertile Békaa, en particulier dans la région d’al-Faour, durant la saison d’été pour y faire paître leurs troupeaux, regagnaient ensuite leur terre d’origine, en Syrie, en Turquie et ailleurs, au Moyen-Orient. Ils s’étaient installés à demeure au Liban, durant la guerre civile, rachetant leurs terres aux chrétiens qui quittaient la région, en raison de la guerre.
À ce jour, aucun des ministres de l’Intérieur en exercice n’a franchi le pas et entamé la révision du décret de naturalisation. Pourtant, une telle révision ne peut qu’être positive, puisqu’elle aura pour conséquence directe d’éliminer tout doute pesant encore sur la légitimité des autres naturalisations. Va-t-on laisser faire à nouveau ? Va-t-on laisser le vote des naturalisés fausser, une fois de plus, les résultats des prochaines législatives ?
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