The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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February 4, 2010

February 4, 2010 - L'Orient le jour - Cassese : Le TSL ne détient pas un pouvoir coercitif, mais plutôt un pouvoir dissuasif

Par Jeanine JALKH |

Invité par le barreau de Beyrouth pour une conférence sur les « défis du Tribunal spécial pour le Liban », le président du TSL, Antonio Cassese, a exposé les aspects de ce tribunal unique en son genre, passant en revue ses spécificités en matière de procédure et son originalité par rapport aux autres instances hybrides.
Devant une salle comble où se sont rassemblés côte à côte magistrats, avocats et étudiants en droit, le président Cassese a expliqué la particularité de cette juridiction, insistant tout au long de son discours sur le souci « d'efficacité et d'impartialité » qui anime les membres du TSL ainsi que ceux qui contribuent, d'une manière ou d'une autre, à rendre justice dans l'affaire de l'assassinat de Rafic Hariri.
Soulignant tout d'abord que ce tribunal est de « nature internationale », le président a précisé qu'il se situe en dehors du système judiciaire libanais, même s'il a emprunté certaines procédures à ce dernier. Le juge Cassese, qui a rappelé au passage le mode de sélection des juges qui siègent à ce tribunal - effectuée par une commission désignée par le secrétaire général des Nations unies -, a relevé dès le départ que l'une des « lacunes » de ce tribunal est « l'absence d'une instance coercitive » ou d'une « police judiciaire » qui détient le pouvoir d'exécuter les ordres émis par le tribunal, tels que l'arrestation des suspects, l'émission de mandats d'arrêt par contumace, le pouvoir de contraindre les témoins à comparaître devant cette juridiction, de perquisitionner des lieux, ou encore la capacité de saisir des documents qui intéressent l'enquête ou le procès. Pour tout cela, « nous devons compter sur la coopération des États », a indiqué le juge, en rappelant que nous nous trouvons devant le cas de figure d'un crime commis sur un autre territoire, et de témoins qui se trouvent dans d'autres pays que celui qui abrite le tribunal. « Pour parvenir à faire avaliser nos requêtes, nous devons soumettre une demande officielle nous permettant, par exemple, d'interroger des témoins ou de recueillir une preuve », a-t-il précisé, soulignant que le TSL doit compter « sur la coopération conditionnée des États ». Le juge a saisi d'ailleurs l'occasion pour saluer la coopération du tribunal avec les autorités libanaises, qu'il a qualifiée d'« excellente ».
Et M. Cassese de relever que l'établissement du TSL est survenu à une période de « lassitude générale » par rapport aux juridictions internationales, qui s'étaient avérées jusque-là longues, coûteuses, et produisant des résultats très tardifs. « Avec le TSL, nous avons voulu innover en effectuant un mélange judicieux entre deux systèmes juridiques, le système traditionnel libanais fondé sur le droit civil, et la tradition du Common Law ou système anglo-saxon. Nous avons puisé dans chaque système ce qu'il y avait de mieux, un alliage qui a été fait dans le but de parvenir à une justice expéditive et non coûteuse, pour se démarquer précisément des autres tribunaux internationaux », a-t-il expliqué.
Citant des exemples concrets puisés dans ce système inédit, le juge a expliqué que le TSL a gardé le principe de l'instruction, confiée à un juge qui réunit les preuves, contrairement au système anglo-saxon où cette tâche incombe au procureur.
Le TSL a en outre innové en mettant en place le juge de la mise en état à qui l'on a accordé des prérogatives importantes, et qui peut prendre nombre de décisions avant les plaidoiries ou le procès.
Autre nouveauté en la matière, le TSL a permis aux victimes de se présenter devant le tribunal, en leur accordant le droit d'expression sans toutefois qu'ils ne puissent se constituer partie civile, comme cela est le cas au Liban. En d'autres termes, le droit de compensation des victimes n'est pas prévu par la procédure. Ces victimes doivent cependant se présenter devant les juridictions libanaises pour les réclamer, a-t-il encore précisé.
M. Cassese a enfin rappelé le principe sacro-saint consacré par les règles procédurales de ce tribunal, à savoir « l'égalité des armes » entre le procureur et la défense, une autre originalité inaugurée par cette juridiction, sachant que les deux parties détiennent « exactement les mêmes moyens » dans le cadre de cette juridiction.
Innovation également en matière de pouvoir octroyé aux juges, leur rôle ayant été conçu de manière « plus entreprenante ». Au Liban, par exemple, tout comme en France ou en Allemagne, le juge jouit d'un rôle important en posant les questions aux témoins et aux suspects. À Londres, le juge est silencieux, rappelle M. Cassese, précisant que le juge au TSL peut poser des questions aux témoins à charge et aux témoins présentés par la défense.
Dernier point procédural initié par les juges du TSL, celui du procès dit par défaut (et non par contumace), à savoir qu'un procès peut effectivement avoir lieu en l'absence de l'accusé, sachant que « celui qui ne comparaît pas perd ses droits », explique M. Cassese qui avance l'hypothèse d'un accusé qui a été empêché par son État de comparaître, ou qui a tout simplement fui son pays vers une autre destination. Quand bien même le TSL peut émettre un jugement par contumace, l'accusé peut toutefois demander une réouverture du procès, une règle qui sert à sauvegarder « le principe de la présomption d'innocence ». Il s'agit également de concilier les droits de la défense avec la nécessité d'une justice rapide et non coûteuse, a-t-il poursuivi.
Interrogé sur le cas de figure d'un pays qui refuse de coopérer avec le TSL, notamment dans le cas d'un témoin incontournable, le juge a indiqué que le tribunal n'a pas de moyens coercitifs. Seule la diplomatie joue et il revient au président de se présenter devant ces États pour les convaincre de la nécessité de la coopération. Cependant, a-t-il répondu un peu plus loin, si nous nous trouvons dans le cas d'un État qui a déjà signé un accord de coopération avec le TSL, c'est au Conseil de sécurité qu'il revient de prendre des mesures à son encontre ou de ne pas en prendre, a-t-il dit. Toutefois, et avant même d'en arriver là, les moyens diplomatiques peuvent entrer en jeu pour tenter de dissuader l'État récalcitrant, a-t-il dit.

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