The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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May 6, 2010

L'Orient le jour - We are all inhabitants of Ketermaya, May 6, 2010

Ketermaya. Le nom est devenu synonyme de la plus immonde des barbaries depuis qu'une foule en colère y a accompli le rituel primitif le plus vieux de l'humanité : un sacrifice, pour conjurer le mal et punir le coupable. Mais, pour le psychanalyste Chawki Azouri, il convient également d'effectuer une lecture plus localisée - proprement libanaise - du phénomène pour en comprendre les motivations et en tirer les conclusions qui s'imposent.



« L'horreur s'incarne dans le quadruple crime de Mohammad Mosalem, elle devient insoutenable dans le lynchage des habitants de Ketermaya et elle devient suspecte chez toutes les "belles âmes" qui accablent Ketermaya, au Liban et ailleurs dans le monde », affirme ainsi d'emblée M. Azouri. « Pourquoi ? Parce que cela relève d'un pur mécanisme de projection, qui permet à l'homme d'exclure de lui la haine qui le constitue (autant que l'amour), de l'incarner dans l'autre qui lui est extérieur, d'accabler et de persécuter cet autre jusqu'au lynchage. La psychanalyse nous a permis de comprendre ce mécanisme de projection où on se décharge de notre culpabilité en projetant notre haine sur l'autre. Sur un plan sociologique et historique, René Girard a bien étudié ce phénomène sous le nom du "bouc émissaire" », dit-il, posant ainsi le problème sous son angle anthropologique universel.

« Mais nous ne pouvons pas lire les événements de Ketermaya sous le seul angle universel. Le contexte dans lequel se trouve ce village est le même que celui dans lequel se trouve le Liban tout entier. Les scènes qu'on a pu voir rappellent curieusement certaines horreurs qui ont marqué nos mémoires de manière indélébile, les scènes de la guerre civile 1975-1990. Or, si nous pouvons comprendre qu'à cette époque l'absence de l'État (pas d'armée, pas de justice) a pu laisser proliférer le règne des milices avec toutes les exactions qu'elles ont commises, on a du mal à comprendre pourquoi le citoyen libanais n'a pas encore intégré jusqu'à présent dans sa conscience la moindre ébauche du concept d'État », note-t-il.

« Du point de vue historique et politique, nous en connaissons la raison. Les accords de Taëf auraient dû pacifier les frères ennemis et diminuer leur "frérocité" en imposant une Constitution, une justice, une armée et des forces de l'ordre capables de faire respecter la loi. Et de permettre au citoyen de ne plus se faire justice lui-même. Or, nous savons que le régime syrien a remplacé tout cela, et par sa présence armée et par son clientélisme en imposant sa propre loi, la loi du plus fort. Du coup, entre 1990 et 2005, le citoyen libanais ne pouvait toujours pas compter sur la justice de son propre pays et il était amené souvent à se faire justice lui-même », poursuit Chawki Azouri.

« Après la révolution du Cèdre, dans tout autre pays, le peuple aurait pris le pouvoir afin de restructurer l'État. Il lui fallait deux institutions taboues : l'armée et la justice », souligne-t-il. « L'armée a prouvé à Nahr el-Bared qu'elle était capable de remplir sa fonction avec brio, beaucoup de sacrifice, sans l'aide de personne et avec très peu de moyens. Quant à la justice, les juges honnêtes et capables ne peuvent qu'attendre l'intervention du TSL afin de relancer un système et un appareil juridiques toujours minés par la période qui a précédé », explique M. Azouri. Et de revenir à la charge : « D'autant plus que malgré la révolution du 14 mars et depuis, tout a été fait pour diminuer le pouvoir de l'armée y compris par les liquidations physiques. Quant aux juges, l'intimidation continue de les accompagner et ils ne sont pas prêts d'oublier le traumatisme de Saïda. »

C'est pourquoi, note enfin Chawki Azouri, « on ne peut pas lire les événements de Ketermaya en oubliant tout le contexte précédent. Le jour où le citoyen libanais sera convaincu que l'État lui rendra justice, lorsqu'il sera lésé d'une manière ou d'une autre, nous n'assisterons plus à ce genre de barbaries sans nom ».

M.H.G.



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