Les incendies d'automne, les plus redoutables selon les experts, n'épargnent pas le Liban cette année, au terme d'une période de sécheresse particulièrement longue.
Le grand sinistre qui a éclaté dans la nuit de dimanche à lundi à Berjain, dans Iqlim el-Kharroub, et qui s'est étendu à Chehim et Daraya, n'a pu être maîtrisé qu'hier, au prix de grands efforts de l'armée, de la Défense civile et des habitants, et non sans avoir terrassé de grandes surfaces d'oliviers, de chênes, de vignes et d'amandiers, les transformant en déserts de désolation. Un autre incendie monstre a éclaté hier à Zahrani (Sud) dans des terrains appartenant au village de Marwanié, détruisant de grandes surfaces d'arbres fruitiers et sauvages.
Le risque d'incendies était particulièrement élevé ces deux derniers jours. Marc Wehaïbé, chef du département de météorologie à la Direction générale de l'Aviation civile, explique à L'Orient-Le Jour que deux facteurs essentiels favorisent les incendies ces jours-ci : les températures relativement élevées et le taux d'humidité très bas. À cela, il ajoute que le vent du Sud-Est, particulièrement sec, a soufflé dimanche et lundi.
Ces conditions climatiques sont-elles normales pour la saison ? « En ce qui concerne les températures et le taux d'humidité, nous ne sommes pas dans les moyennes saisonnières habituelles, mais le phénomène n'est pas unique en son genre, il se répète dans le cadre d'un cycle de dix à quinze ans à peu près, souligne M. Wehaïbé. Toutefois, ce qui est nouveau cette année, c'est la durée anormalement longue des vagues de chaleur. » Cela veut-il dire que de nouvelles conditions climatiques se manifestent ? « Non, ça ne signifie pas nécessairement que cela va être le cas dorénavant, répond-il. Il est très difficile de lier ces fluctuations aux conséquences du changement climatique. »
La sécheresse interminable, outre le rôle crucial qu'elle joue dans le déclenchement des incendies, provoque l'assèchement des cours d'eau, comme le Hasbani qui est pratiquement à sec, et une pénurie grave au niveau des ressources hydrauliques, ressentie dans pratiquement toutes les régions. Interrogé sur une éventuelle arrivée de la pluie, M. Wehaïbé indique que les prévisions météo ne font pas état de pluies dans les prochains jours.
Quelles politiques hydrauliques ?
Le problème aigu d'approvisionnement en eau auquel font face le Liban et d'autres pays de la région est-il appelé à durer ? « Même si les scientifiques prennent garde de ne pas établir de lien entre ces événements spécifiques et le réchauffement de la terre, ils exhortent les gouvernements de la région à agir dès maintenant pour protéger leur pays de catastrophes potentielles », lit-on dans une dépêche de Reuters, signée Alistair Lyon. L'auteur se base sur les conclusions du congrès du Forum arabe pour l'environnement et le développement (AFED) qui a eu lieu récemment à Beyrouth, et qui a mis en garde contre « le risque d'une grave pénurie d'eau dans les pays arabes d'ici à 2015 ». « D'ici à cinq ans, chaque habitant devra survivre avec moins de 500 mètres cubes d'eau par an, moins d'un dixième de la moyenne mondiale qui dépasse 6 000 mètres cubes », selon le texte.
L'AFED avait lancé, au cours du congrès, son troisième rapport sur l'état des ressources hydrauliques dans le monde arabe. « Notre étude démontre qu'au cours du siècle, le Croissant fertile (Irak, Syrie, Liban, Jordanie, Israël et les territoires palestiniens) perdra tout signe de fertilité si la situation n'évolue pas », souligne Nagib Saab, secrétaire général de l'AFED, à Reuters. Pour sa part, Mohammad Achri, rédacteur en chef du rapport et ancien directeur du Fonds mondial pour l'environnement (GEF), a résumé la situation. Sans la juger désespérée, il a déclaré : « C'est maintenant qu'il faut agir. Dans dix ans, ce sera pire, il y aura plus de gens, moins de ressources et l'écart entre riches et pauvres se sera encore creusé. »
En parlant d'action, qu'est-ce qui se fait au Liban ? Le ministre de l'Énergie et de l'Eau, Gebran Bassil, a bien annoncé, au cours de ce même congrès, qu'une stratégie pour la gestion des ressources hydrauliques était en préparation, mais il a également relevé la mauvaise gestion qui dure depuis des décennies.
Force est de constater que ni au niveau de la protection des ressources hydrauliques ni au niveau de la lutte contre les incendies, les efforts sont très significatifs. Malgré toutes les campagnes pour une lutte plus efficace contre les incendies, et même l'achat d'hélicoptères spécialisés, qu'avons-nous réalisé aux niveaux officiel, local et populaire ? Les moyens mis à la disposition de la Défense civile sont toujours aussi modestes. La prévention et l'action des gardes-forestiers reste insuffisante. Et les comportements des citoyens demeurent inchangés : ce qui a provoqué l'incendie de Berjain, il y a quelques jours, ce sont les feux d'artifice dirigés contre les bois. Avons-nous acquis, d'un autre côté, les réflexes pour rationaliser l'utilisation de cette denrée de plus en plus précieuse qui est l'eau ? Rien n'est moins sûr.
Triste bilan en cette période de sécheresse exceptionnelle.
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